Table des matières
Avant-propos
À partir d’un certain prix les guides d’achat deviennent difficile à élaborer. Il est compliqué de mettre sur un même plan une marque comme Edward Green et une marque comme Aubercy, tout ou presque les séparent sauf le prix. Dans un guide d’achat dédié à l’entrée ou au milieu de gamme la logique est simple, En dessous de 200€ le client cherche avant tout un rapport qualité/prix qui va pencher en faveur du prix, à partir de 350€ le client cherche un rapport qualité/prix qui soit équilibré, au-delà des 500€ le client cherche un rapport qualité prix qui va pencher en faveur de la qualité. Bien évidemment, c’est une vision schématique qui vise uniquement à poser le principe, il y aura toujours des gens qui voudront des chaussures cousue trépointe dans un cuir génial pour moins de 300€, et d’autres qui voudront coûte que coûte une chaussure avec une patine bleu fluo. Mais ce sont des cas relativement isolés qui relèvent plus de la misère intellectuelle ou sociale que de la norme. À partir d’une certaine somme en revanche il n’y a plus vraiment de logique. Par exemple certaines personnes veulent impérativement une esthétique et se moquent totalement la qualité. C’est l’unique raison d’être du prêt-à-porter Corthay, cible facile mais ça pourrait être pire, on pourrait parler du PAP Berluti. Les deux marques sont absolument inattaquables en mesure, mais pour ce qui est du prêt à porter… C’est d’ailleurs un problème que l’on retrouve aussi dans le vêtement, mais là n’est pas la question. La question est de savoir comment articuler ce guide pour qu’il soit un minimum utile ?
Le problème de beaucoup de marques premium, est qu’elles offrent toutes (ou presque) une qualité… premium. Très peu de marques réputées font payer un prix exorbitant pour un produit douteux, à l’exception de quelques cas isolés et de Church’s, mais ça fait bien longtemps que plus personne ne prend la marque au sérieux. Que faire par exemple de l’offre en prêt à porter de Fukuda ? Cette dernière n’est pas du tout mauvaise, mais vous payez un premium pour sa notoriété et pour son style. Est-ce qu’il est possible de trouver quelque chose de techniquement similaire pour moins cher ? Possiblement. Mais si c’est le style Fukuda que vous cherchez, cela vous importe peu.
Dans ce guide je ne vais pas aborder de certaines lignes spécifiques qui appartiennent à des marques connues pour appartenir au milieu de gamme (ou légèrement au-dessus). Je pense par exemple à la ligne Handcrafted de Carlos Santos ou à la ligne Handgrade de Paul Sargent, tout simplement car ces marques figurent déjà dans notre guide 2023 des souliers que vous pouvez consultez ici. Ces deux lignes sont de très bonne qualité et méritent de figurer dans ce guide. Il faut tout de même noter que la ligne Handcrafted de Carlos Santos est virtuellement introuvable, et la Handgrade de Sargent est exclusivement en MTO. Je ne vais pas non plus parler des marques totalement de niche comme Yanagimachi qui a une ligne en MTO aux alentours de 1700€, Hung ou Mogada par exemple. Je pars du principe que si vous avez le budget pour et que vous avez un attrait pour ce genre de marques, vous les connaissez déjà, elles pourront éventuellement faire l'objet d'un guide à part. En revanche, si vous avez le budget, mais que vous lisez ce guide c’est que vous cherchez des pistes sur quoi acheter et que vous n’êtes donc pas un calcéophile forcené. Vous avez probablement donc besoin de marques relativement accessibles du point de vue géographique afin d’éviter les déceptions au niveau du chaussant. Je rappelle que la base d’un achat soulier doit être le chaussant, les considérations esthétiques ou qualitatives doivent venir après. La sélection peut donc paraître assez convenue, et elle l'est. L'objectif étant d'éviter de faire comme certains gogoles, acheter des chaussures et ne jamais les mettre car le chaussant ne convient pas, ces handicapés se reconnaîtront.
Volontairement ce guide n’inclut pas certaines marques sur lesquelles j’aimerais avoir plus de retours. Zonkey Boots ou Meccariello par exemple sont des marques qui ont le potentiel d’être intéressantes, mais elles comportent également leur lot de réserves (accessibilité géographique mais aussi qualité). Globalement il y a beaucoup de marques italiennes sur lesquels on peut se poser des questions. Si vous voulez de l’Italien solide, allez chez Bonafe, qui n’est pas dans le guide car les chaussures sont très difficilement trouvables en dehors de quelques offres en MTO ou GMTO. L’autre alternative est de passer par Aubercy mais vous avez le style maison et non le style Bonafe. J’ai également contacté d’autres marques basées en Chine ou en Roumanie, mais je n’ai pas eu de réponse positive à mes demandes de démontage, je préfère donc éviter de les recommander dans un guide pour l'instant.
Les prix sont donnés simplement à titre indicatifs, ils ne tiennent pas compte des frais éventuels (douane) et il peut y avoir des variations importantes entre les différentes gammes des marques citées.
Edward Green
Prix aux alentours de 1200€
Site Internet: https://www.edwardgreen.com/
Le Rolls Royce (période pré-rachat par BMW) de la chaussure Goodyear industrielle, avec tout ce que cela comporte de bon et de moins bon. De façon amusante on peut d’ailleurs pousser cette analogie avec la marque automobile assez loin. Si vous avez les moyens et que vous ne voulez pas vous prendre la tête, vous allez là-bas et vous savez que vous allez être bien traité. Les clients se dirigent vers ces deux marques pour une qualité de fabrication soignée et une image impeccable. On ne va pas chez Green pour les dernières fioritures à la mode et bien souvent approximativement réalisées qui sortent d’ateliers semi-industriels de Transylvanie par exemple. Les montages sont bien effectués, les finitions sont très soignées, les cuirs sont très bons (sans égaler ceux de Lobb). L’expérience boutique est bonne, le personnel compétent. La marque propose également un service MTO excessivement complet. Elle dispose également d’un très gros parc de formes, de tailles et de largeurs, ce qui est essentiel pour les clients difficiles à chausser ou débutants.
Il y a malgré tout quelques petites tracasseries. Tout d’abord il y a des mesquineries incompréhensibles, comme le prix des embauchoirs ou le prix d’un ressemelage usine même si malheureusement la marque ne fait qu’imiter la concurrence. Et puis il y a l’esthétique des modèles, qui a un peu le cul entre deux chaises. D’un côté la marque maîtrise ses classiques, au point où l’on frise un peu l’ennui, et de l’autre elle est totalement incapable de proposer quelque chose qui sorte des canons et ne soit pas raté, ne cherchez pas des paires très racées ou quelque chose d’original chez EG.
Points positifs
- La qualité de fabrication très soignée (mais un peu banale)
- Très gros choix de modèles, tailles, largeurs
- Une très bonne boutique à Paris
Points négatifs
- Les modèles d’été non doublés, légers et flexibles genre Penzance sont à un prix exorbitant pour l’usage qui en sera fait et sont à mon avis un non-sens complet (pour le client, la marque doit y trouver son compte niveau marge)
- Leur idée du frisson c’est le missionnaire lumière éteinte, sans aller jusqu’à demander du crocodile bariolé, un brin d’originalité ne ferait pas de mal.
John Lobb
Prix aux alentours de 1600€
Site Internet: https://www.johnlobb.com/
Les deux forces de Lobb sont les cuirs et les designs iconiques, pour le reste on repassera. Il faut reconnaître que malgré toutes les critiques que l’on peut formuler à l’égard de Lobb (et Dieu sait qu’il y en a) la marque propose toujours les meilleurs cuirs du marché. La chaussure idéale doit avoir un bon montage ET une bonne tige, mais si vous n’avez que l’un et pas l’autre, autant avoir une bonne tige sur un montage moyen que l’inverse. La tige représente la partie irremplaçable de la chaussure et chez Lobb le fait est que, pour l’instant, niveau cuir ils assurent toujours autant. En ce qui concerne le montage, et certains détails, Lobb n’est pas au niveau pour leur créneau tarifaire, mais dans l’absolu ça n’est pas non plus totalement infamant. Bien évidemment, il ne fait pas acheter autre chose que les modèles iconiques, ceux qui étaient des création des bottiers de la maison, (d'où le nom de William, Lopez etc etc) les trainers, les designs douteux (et pompés) de l’infâme Gerbaise on n’y touche pas, même avec un bâton. Forcément qui dit grosse marque dit gros parc de formes et de tailles, normalement si vous allez en boutique vous n’aurez pas de mal à trouver le chaussant idéal.
Points positifs
- Le cuir, le cuir, et encore le cuir.
- Des modèles iconiques (c’était ça ou j’allais remettre le cuir)
- Une bonne présence en boutique
Points négatifs
- Pléthores de modèles à éviter
- La qualité de fabrication est très en dessous de ce qu’on est en droit d’attendre à ce prix
Gaziano & Girling
Une alternative à Edward Green, pour continuer dans l’analogie de l’automobile Anglaise si Green sont Rolls, G&G sont Bentley. Vous avez une qualité de fabrication équivalente entre les deux marques, mais G&G ont des formes et un style plus racé, plus moderne tout en conservant tout de même un certain “British flair”. La gamme de prêt à porter s’est réduite, la marque mise de plus en plus sur le MTO et le bespoke. Le service MTO est d’ailleurs très poussé (en réalité, il en existe 2 mais leur offre Optimum lancée en 2021 dépasse allègrement les 3k€ et sort du contexte de ce guide) et vous laisse faire pratiquement tout ce que vous voulez. Il n’y a pas grand-chose à reprocher à la marque, les cuirs sont un peu en dessous de Green en prêt à porter, mais globalement c’est une offre qui est qualitativement similaire. Il n’existe pas de boutique Parisienne, mais la marque dispose d’un showroom à Londres sur Savile Row, si vous pouvez vous payer une paire, vous pouvez vous payer l’Eurostar. Un détail à noter, la marque propose un vaste panel de tailles et 3 largeurs, mais seule la largeur standard est disponible immédiatement. Il faut attendre 6 à 8 semaines pour une largeur D ou F, autant passer par le MTO.
Points positifs
- Très bonne qualité de fabrication
- Un équivalent plus flamboyant d’Edward Green
- Le service MTO de base est très poussé
Points négatifs
- L’offre en PAP est un peu limitée
- 3 largeurs en PAP, mais seulement la E est disponible immédiatement
- Pas de boutique en France
Aubercy
Pour ce qui concerne leur prêt à porter Aubercy est un private label, ce qui est relativement rare dans cette gamme de prix. Le fabricant est Enzo Bonafe, une marque Italienne tout à fait sérieuse. Il y a toujours eu une certaine forme de détestation envers Aubercy de la part des singes savants de l’internet, car oh mon Dieu c’est du cousu Blake. C’est bien évidemment un non-sens complet, et si le Blake vous dérange, faites poser un patin.... Aujourd’hui Aubercy a un cahier des charges exigeant, les chaussures sont bien fabriquées et le cuir est très bon. Si vraiment vous tenez impérativement à avoir un cousu trépointe, la marque propose ce montage en option (sur le PAP) pour un supplément de 200€. À voir avec eux si le cousu trépointe est intégralement fait main, ou partiellement machine, car ils parlent de « Goodyear trépointe » ce qui est une expression typiquement Italienne qui porte à confusion. Il faut savoir que les Italiens ont plusieurs acceptations de ce qu’est un cousu trépointe. (Mise à jour: il apparaît d'après un ancien employé que le cousu trépointe est bel et bien effectué intégralement à la main). Sinon j’ai toujours trouvé que le cuir de tige est un peu fin mais c’est également une caractéristique de l’esthétique de la marque, tout en finesse. Esthétique forte qui peut être clivante selon les modèles, la marque a une identité qui tire vraiment sur le dandysme. À vous de voir si cela vous convient ou non. Il est en revanche impossible de dire qu’Aubercy est insipide. En matière de chaussant la marque taille un peu petit et ne propose qu’une largeur standard pour le prêt à porter, mais il est possible sur demande spéciale d'avoir accès à d'autres largeurs.
Points positifs
- Bonne qualité de fabrication
- Cousu trépointe disponible contre supplément
- Très belle boutique Parisienne avec un excellent service
Point négatif
- Une esthétique clivante, parfois de mauvais goût
- Une seule largeur de disponible immédiatement en PAP, il faut prendre commande pour une largeur spécifique
Weston
Terminons par un sujet épineux, Weston. La marque est à mon avis en perdition depuis plusieurs années, les prix grimpent, la qualité baisse, les immondices se multiplient. D’ailleurs la marque enregistre des pertes de façon constante depuis maintenant 3 ans. Au final vous en avez de moins en moins pour votre argent, mais encore une fois, dans ce segment tarifaire, c’est un concept un peu vague. Sauf que Weston ne se trouvait pas vraiment dans ce segment tarifaire à l’origine… la marque a petit à petit fait son chemin vers les cimes du luxe pour le meilleur, du point de vue des actionnaires, et pour le pire, du point de vue des clients. Pour autant les cuirs restent bon, et ce qui fait surtout la force de la marque c’est son vaste parc de formes, de taille et de largeurs ainsi qu’un gros réseau de boutiques en France. C'est donc une destination évidente si vous avez les moyens et que vous êtes un néophyte Il y a également ses modèles iconiques, qui un peu comme Lobb génèrent toujours un gros attrait. D’ailleurs ce sont sur ces modèles qu’il faut rester, car le reste commence à franchement être d’un goût douteux.
Oh et tant que j'y suis l'image qui illustre cet article est "la chasse", n'espérez pas l'avoir aux alentours des 1000€...sauf à l'acheter en seconde main.
Points positifs
- Gros réseau de boutiques
- Beaucoup de choix niveau chaussants
Points négatifs
- Les prix en hausse constante
- La qualité en baisse constante
- De plus en plus de modèles immondes
« Leur idée du frisson c’est le missionnaire lumière éteinte »
J’ai ri. Merci.
Je suis preneur d’autres exemples de grands frissons. Merci pour cet article !
Bonjour !
J’ai travaillé deux ans pour Aubercy : deux très belles années où j’ai été très heureux.
Merci beaucoup de ce que vous écrivez pour cette maison qui est si chère à mon coeur, car, lecteur depuis des années, je sais votre exigence.
Petites précisions :
En P-à-P, si besoin, et sans surcoût, vous pouvez avoir la largeur nécessaire. Il suffit d’être patient car la paire sera commandée. Mais pour avoir droit à cela…. Il faut en avoir besoin !
Si la marque est en private Label, les modèles sont déposés et ne sont, a priori, utilisés que pour Aubercy, avec un cahier des charges qui diffère sensiblement de celui de l’atelier.
Enfin, concernant le cousu trépointe, il s’agit en effet d’un cousu à la main (lecteurs, allez le voir, il est très beau); attention : sur les modèles de villes, pour avoir des demi-lisses collantes, le cousu trépointe s’arrête au niveau des demi-lisses. Personnellement, je trouve que c’est suffisant.
Bonjour,
Vous avez des lectures bien peu recommandables, mais c’est toujours un plaisir d’avoir des lecteurs de qualité.
Je vais modifier l’article pour ajouter ces détails, les gens ne lisent pas toujours les commentaires.
Pour ce qui est du cousu trépointe qui s’arrête en cambrure et qui passe sur du Blake (j’imagine? ) c’est une astuce pratiquée par beaucoup et franchement, je trouve également que c’est suffisant.
Le fait que les modèles soient déposés n’offre en réalité qu’une protection très limitée, Weston en a fait les frais. Mais de toute façon Aubercy a une identité forte qui ne saurait être copiée, même si une autre marque proposait des modèles similaires.
Haha ! Merci beaucoup. Sartorialisme est le seul blog que je lis, à présent. Merci de votre travail qui nous élève tous.
C’est exactement cela pour le cousu trépointe : je l’ai sur une bottine à bouton, c’est très élégant. En revanche, sur un modèle sport, on peut avoir un cousu trépointe plus classique, voir baraquette, si on le demande.
« Le fait que les modèles soient déposés n’offre en réalité qu’une protection très limitée, Weston en a fait les frais. Mais de toute façon Aubercy a une identité forte qui ne saurait être copiée, même si une autre marque proposait des modèles similaires. » -> Tout à fait d’accord ! Après, il reste le secret de la réussite d’Aubercy : le chaussant… Le chaussant, une idée d’article de Sartorialisme ?
« L’objectif étant d’éviter de faire comme certains gogoles, acheter des chaussures et ne jamais les mettre car le chaussant ne convient pas, ces handicapés se reconnaîtront. »
Préparez-vous a avoir des nouvelles de mon avocat dans les jours qui viennent pour cette attaque en règle contre ma personne.
Vous n’êtes pas le seul, attendez d’avoir plein de petits camarades pour lancer une action de groupe.
Bonjour,
j’ai dû rater un épisode…
Comment les gogoles se reconnaissent-ils au point de menacer par avocat interposé? Je voudrai savoir histoire sans doute de me joindre à laplainte collective. Sait-on jamais.
Continuez avec votre ton caustique qui reflète incontestablement les pensées de nombre d’entre nous saoûlés par les « gentlemen » routiers ou dandy.
Bonjour,
Le commentaire était drôle et cela peu importe son intention réelle. Soit la personne voulait faire de l’humour et c’était une blague, soit la personne était sérieuse et c’est très drôle car n’importe quel avocat lui rira au nez.
Petit retour d’expérience. J’ai acheté des Weston en mars, le tablier, qui est cousu, s’est ouvert au niveau des plis d’aisance. On m’a expliqué que c’était courant vu que le processus de montage est manuel… Ils m’ont proposé un échange que j’ai accepté. Je crains que ça ne se reproduise… Rien à dire sur le service qui est excellent (chaussures échangées par DHL je ne suis même pas en Europe)…
Le tarif me parait uniquement justifié par la pression fiscale bolchevique qu’ils subissent et leur production en France. Comme pour tout en France il faut diviser par deux pour avoir le vrai prix… Ou le vrai salaire…une paire de Mocassins revient donc à 400 euros prix réel c’est à peu près ce que ça vaut a mon sens.
Je pense acheter quand même quelques paires à l’avenir, juste parce que c’est fait en France et que je suis un énorme pigeon qui assume.
Bon je confirme… Ça a rouvert exactement au même endroit… Cette fois ci ça en est bien fini de Weston… Bon blagueurs…. Je vais passer chez Edward Green
Je vous remercie beaucoup de votre article encore une fois très intéressant. Votre blog est tellement rafraichissant … décoiffant.
Concernant vos demandes de démontage, sans suite, pour la Roumanie, je pense à Saint Crispin. Mais pour la Chine, je sèche ou alors l’étrange nouveau phénomène « Acme ».
Pour le reste, j’ai testé toutes ses marques avec plus ou moins de bonheur et certaines ont fait partie de mes favorites. Le temps a fait son œuvre pour apprécier sur plusieurs décennies, la solidité dans le temps des différentes marques, et leur évolution, à l’exception de G&G, marque pour laquelle je n’ai pas de recul et peu de visibilité à ce jour.
Malheureusement l’amateur un brin collectionneur que je fus a été bien pris au jeu et à l’illusion du temps car beaucoup des chaussures que j’appréciais ne sont plus portables aujourd’hui avec un maximum de confort pour une raison simple qui m’avait fait sourire sans bien de conséquence quand on me l’avait dit plus jeune : le pied vieillit aussi et s’élargit …
Et j’ai fini par le constater à mes dépens.
Ce n’est pas l’usure ou la qualité de ses souliers qui sont en cause, mais le bonhomme qui les porte. Il va falloir que je reconsidère quasiment tout depuis zéro. Un nouveau départ !
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Concernant John Lobb (Paris),
J’ai encore des paires achetées il y a plus de 30 ans (mes premières remontent à 1989) qui sont encore en excellent état. Elles présentent très bien avec une belle patine naturelle.
En tout cas, le cuir des Lobb reste magnifique après toutes ses années, en dépit parfois d’expositions à des intempéries ou des circonstances particulières et sévères parfois.
En effet, je l’ai constaté aussi avec mon père, anciennement architecte. Je lui ai offert également des William ou Borsa par exemple à l’époque : il exposait lors des visites de chantier, notamment, aux criminelles poussières de ciment et de plâtre qui assèchent atrocement le cuir. Mais avec son entretien soigné et continu, elles ont développé des patines naturelles superbes avec les années (sans les artifices actuels sous agression chimique). Le cuir utilisé est beau et résilient à la fois.
En comparaison des Edward Green, celles-ci ont péri corps et âme depuis fort longtemps aux identiques expositions (parfois mêmes moins sévères) ; avec des craquelures par exemple, inexistantes chez les souliers de chez Lobb avec des soins et entretien identiques.
Mais je constate aussi que mes modèles JL plus récents n’ont plus les mêmes « souplesse du cuir » et solidité qu’auparavant. Le modèle William a changé intrinsèquement selon les époques (en dehors des nouveautés stylistiques et allègement de l’épaisseur initiale des semelles). Le cuir ne réagit pas de la même façon qu’auparavant. Il a moins de profondeur aussi : cela se constate sur le cuir noir qui ne réagit pas à la lumière de façon similaire. Il se patine naturellement moins bien et avec moins de résilience. Les chaussures s’affaissent plus facilement, les doublures cuir s’érodent plus rapidement, je trouve, alors que mathématiquement moins portées que leurs ainées.
À cet égard, j’ai une question à votre attention car ma mémoire est aujourd’hui incertaine d’un point de vue historique : l’usine de Northampton achetée en 1994 par le Groupe Hermès appartenait-elle à Edward Green ou Crockett and Jones ? Edward Green n’assura-t-il pas la fabrication des premiers modèles de prêt-à-chausser dans les années 1980 à 1994 ? ou c’est Crockett and Jones ? Les 2 ?
La plupart des modèles actuels ne me convainquent pas d’un point de vue esthétique : comme vous le dites, il faut rester sur les « iconiques » modèles. Même si personnellement, j’ai beaucoup de tristesse concernant les Lopez qui me font souffrir désormais au niveau du coup de pied. Je crains que seule la mesure ne puisse résoudre ce problème…c’est une autre histoire…surtout un autre bduget !
Et sur la qualité : je vous rejoins même si je n’ai pas acheté chez eux maintenant depuis des années. Le ressemelage usine a aussi des tarifs indécents qui finit par dissuader. On nous plume.
Et la mesquinerie de toutes ses marques concernant les embauchoirs, qui devraient être inclus d’office m’achève.
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Concernant Edward Green,
c’est bien et classique – trop certainement comme vous le souligner à la limite de l’ennui. Cela m’a moins séduit en comparaison avec les modèles Lobb de l’époque, sauf à considérer quelques modèles qui n’étaient pas présentes dans le catalogue Lobb comme les boots lacées ou le modèle chelsea boots pendant quelques temps (mais malheureusement avec l’inesthétique couture latérale de l’empeigne avec la partie arrière – le modèle JL ne parviendra pas à le supprimer au contraire de Weston) – alors que le modèle Jodhpur de chez JL qui n’est plus que disponible sur commande aujourd’hui visiblement offrait une allure sans pareil.
Et par ailleurs mon pied a trouvé moins confortable plusieurs modèles dont le cap-toe Oxford (Chelsea vs City). Mais surtout elles ont présenté rapidement des plis plus disgracieux au niveau de l’empeigne. Donc les formes choisies n’ont pas convenu à mon pied et à mon attitude de marche.
En ce qui concerne les mocassins, ils sont tristes, peu saillants pour le pied voire disgracieux pour certains.
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Concernant Aubercy,
j’ai découvert cette marque quand j’avais 16 ans (1990) au hasard de mes promenades nocturnes et des souvenirs familiaux qui ont refait surface au sujet d’Arturo López Willshaw et Alexis von Rosenberg. Un coup de cœur : le compromis à la française, idéal, comme en matière de tailleurs et de costumes entre Italie et Grande-Bretagne. Des chaussures élégantes et confortables – moins empesées que les anglaises, moins futiles que les italiennes.
Malheureusement j’ai fini par bouder cette marque pour d’autres raisons que le style et le confort.
En effet, avec le temps et une plus grande visibilité de cette marque qui a vu l’amélioration de son succès commercial (encore relatif aujourd’hui), j’ai pu constater envers des amis que j’avais convaincu d’acheter Aubercy (au lieu de Weston par exemple) le fait d’être mal reçus à plusieurs occasions par Madame Odette AUBERCY voire d’assister moi-même à des explications oiseuses ou les entendre soutenir des inepties pour justifier d’un défaut d’une chaussure, notamment d’une couture de doublure qui se défaisait après 3 ports ou une doublure de talon qui fripait ou des retards astronomiques de réparation.
Cela m’a déplu à force. Mauvaise foi et manque de courtoisie. Tout a ses limites. Certes cela fait quelques années, la situation s’est améliorée je l’espère pour eux. Mais personnellement cela m’a détourné de cette marque parce déçu. J’y reviendrai peut-être car certains modèles ont une élégance folle – tandis que d’autres effectivement sont de très mauvais goût. Tout cela étant très subjectif et surtout on risque moins de croiser Madame Odette AUBERCY.
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Concernant Weston,
c’est une marque défunte tant en qualité que dans la ligne. Je ne m’y intéresse absolument plus du tout car l’intérêt des chelsea boot sans couture de côté et leur chaussant incroyable avec un maintien sans aucun pli disgracieux chez moi, connaissent des sérieux concurrents comme avec G&G.
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Concernant G&G,
Cette dernière marque a du sex-appeal ; elle est plaisante visuellement. Mais il y a aussi des modèles ou des choix de matières que je trouve offensants pour la rétine.
Mais il me reste à la découvrir plus amplement.
Même si Optimum est du champ de votre guide, votre avis m’intéresse.
Merci en tout cas pour tous vos articles, celui à la suite du décès de Stéphane Jimenez comme de ses coreligionnaires m’a beaucoup touché : la beauté du geste s’accompagne de beaucoup de risques et de sacrifices. Je n’ai jamais eu l’opportunité de lui commander des souliers, mais j’ai le souvenir de lui dans l’atelier du 74 faubourg Saint Antoine (quand l’esprit de M. Wilkinson y était encore présent) ou celui-ci m’a montré comment il montait. Il y a de cela bien longtemps (entre 1992 et 1994). Et le souvenir du moment ne s’est pas effacé de découvrir les coulisses du métier de bottier et l’extrême exigence physique qu’il implique.
Bonjour et merci pour votre commentaire,
Pour la Chine il y a beaucoup de marques qui sont en train d’émerger. Pour l’instant la France est un marché qu’ils ignorent mais il y a Blazing Wonders, Oct Tenth, Acme… À la base beaucoup de marques viennent du fabricant Xibao, mais au fur et à mesure des scissions il existe maintenant plusieurs usines différentes. La Chine est en train de devenir le Portugal de la chaussure cousue trépointe.
En ce qui concerne le cuir Lobb qui n’est plus le même qu’avant, je pense que c’est effectivement vrai. Et je pense que c’est un problème global sur le marché du cuir. La qualité est en baisse de façon assez dramatique depuis plusieurs années maintenant. Pour répondre à votre question sur les liens de la marque avec les fabricants de Northampton, originellement la gamme Lobb était fabriquée en private label par Crockett & Jones. Ensuite Lobb a fait usine commune avec Edward Green. Je ne connais pas les détails, mais la cohabitation ne s’est pas bien passée et Lobb a racheté l’usine dans son intégralité.
Et enfin, pour répondre à votre question sur la gamme Optimum de G&G, vous avez toutes les qualités du bespoke de la marque, mais sur une forme standard. Ce qui ne veut pas dire que le chaussant sera similaire aux paires en prêt-à-porter. Le fait que le montage soit réalisé à la main, avec les mêmes caractéristiques que les paires bespoke implique que le chaussant soit différent des formes en prêt-à-porter. Le prix est à mon avis astronomique pour ne pas dire indécent, on s’approche de Cleverley en bespoke. Bien évidemment, la qualité de fabrication est au rendez-vous, le bespoke G&G est vraiment parmi les meilleurs. Mais le client se passe de tout ce qui fait à mon avis l’expérience bespoke, à savoir les essayages, le chausson d’essai, et le chaussant sans compromis. Pour le même prix, vous pouvez facilement allez chez Dimitri Gomez par exemple et vous aurez une expérience bespoke intégrale. À mon avis, c’est une offre pour gens pressés qui n’ont pas envie de se déplacer et veulent ce qui se fait de mieux. Ça n’est pas non plus la même façon de travailler. Les Français ont en général une approche plus individuelle de la fabrication main, les anglais travaillent en équipe sur beaucoup plus d’étapes. Il y a eu une offre similaire, de chaussures fabriquées à la main façon bespoke mais sur forme standard chez certains bottiers Français. Mais on était vraiment sur quelque chose de (très) confidentiel. Là G&G en fait une partie intégrale de son offre, et je pense que ça correspond à la façon dont le monde est en train d’évoluer. Le chaussant est en train de perdre en importance, les déplacements pour les essais sont perçus comme des contraintes. Comme toujours quand on arrive dans ces prix, la valeur pécuniaire est au finale toute relative. Pour le coup je trouve que la marque est plutôt honnêtes, vous avez une véritable fabrication main qui porte le nom de marque et qui est exactement ce qu’elle prétend être. On est donc très loin de l’arnaque des bottiers qui se contentent d’une ligne PAP générique fabriquée en usine.
Bonjour,
Je vous remercie infiniment d’avoir pris tout ce temps pour me répondre.
Je vais essayer de trouver des informations sur ces marques chinoises émergentes que vous citez. Au moins pour la « culture générale ». J’avais déjà mis en « suivi » Blazing Wonders, mais j’avoue que je ne savais pas trop quoi en penser – s’il ne s’agissait d’un compte factice, un peu frauduleux ; comme il y en avait eu une série à une époque d’origine indienne qui étaient des arnaques. Mais BW reste encore sur un mode « étrange » comme l’était Acme au début.
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Merci également pour avoir clarifié l’histoire « industrielle » de John Lobb Paris, car j’avoue que la certitude de mes souvenirs n’était plus aussi vaillante avec le temps d’autant que la plupart des gens se moquent de tels détails, et on ne finit par retenir que les souvenirs qu’on mobilise.
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En ce qui concerne le cuir John Lobb, je l’ai constaté sur le temps long – même s’il reste meilleur que les autres comme vous l’avez dit. Hermès a le « même sujet » avec sa maroquinerie ou la soie de ses carrés ou cravates (moins épaisse, moins chatoyante qu’avant). Le problème semble général.
J’ai du mal à déterminer s’il n’existe plus de tels fournisseurs parce que les matières nobles ont « disparu » ou que les cahiers des charges « baissiers » de tels groupes ont conduit à la disparition pure et simple de telles offres.
À cet égard, sur un point, j’avais compris que c’était purement et simplement délibéré. En effet, j’avais appris – il y a certes fort longtemps – mais cela n’avait pas manqué de me choquer (sans exagération car c’est à la limite frauduleux) une volonté de changer la formule des crèmes d’entretien John Lobb.
Après les premières versions des produits d’entretien John Lobb, qui avaient une odeur et une texture caractéristiques de composants naturels qui semblaient être de qualité (mais on peut être leurré aussi sur la composition de tels produits) – ceux avec l’étiquette noire comportant l’ancien logo avec des lettres à volutes de la maison historique – et les versions suivantes avec le premier logo John Lobb (Paris) – qui étaient plus soyeux et séchaient moins vite dans le pot, une annonce discrète de « rationalisation » d’un contrôleur de gestion demi-habile est intervenue.
Ainsi il a semblé qu’à l’occasion de l’arrivée d’un émule de chez Procter & Gamble (certainement la division Pampers eu égard à « ses idées » saugrenues), celui-ci ait voulu prétendre « rationnaliser » la formule (càd faire plus de profits au prix de n’importe quelle considération) en abaissant la qualité des composants et notamment en recourant aussi à des artifices issus d’hydrocarbures et autres cochonneries ou vilainies indignes de chez Hermès. Je ne sais pas si depuis ils sont revenus à de meilleurs sentiments en renonçant à de pareils expédients, mais après cette « information fuitée », j’avais refusé d’acheter de tels produits qui ne pouvaient qu’endommager le cuir.
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Sur l’origine de cette baisse de qualité du cuir, je serais très curieux d’avoir un avis expert de votre part.
Pour un non-professionnel comme moi deux axes de réflexion me semblent possibles : la qualité de la peau elle-même et le tannage.
Sur le premier d’avis d’experts agricoles et de vétérinaires, la qualité générale de la peau même dans de bons élevages a décru en raison de différents facteurs ayant des impacts physiologiques, semble-t-il, notamment avec de l’alimentation transformée ou produites « à l’extérieur » et de prophylaxie qui nuisent à la souplesse et la durabilité de cette peau.
Je ne sais pas si vous êtes d’accord sur ce constat.
De manière incidente, je suis en mesure de vous dire que je collabore avec des experts du monde agricole qui ont développé différentes techniques innovantes et écologiques, notamment, pour améliorer la santé et le bien-être des animaux, en particulier les bovins : l’objectif principal qui portait sur la qualité gustative et nutritionnelle de la viande a été atteint. Il reste à développer ce modèle vertueux dans de plus nombreux endroits et exploitations.
À cette occasion, un d’entre eux a travaillé également dans l’optique plus spécifique de tenter d’améliorer la qualité de la peau des bêtes avec en retour des résultats des plus probants d’autant que les deux objectifs sont très liés. Ces personnes ont des démarches scientifiques et techniques, et sont très étrangers à tout aspect commercial ou juridique ; il faudra y pallier pour proposer à des élevages ou des acteurs du cuir de s’y intéresser – si évidemment une telle qualité serait encore recherchée par le « marché ». Une utopie peut-être à ce jour ?
Par ailleurs, j’ai conscience que les opérations de tannage ont un impact énorme sur le résultat du cuir – à ce niveau, j’ignore les facteurs et causes de la baisse de qualité de tels cuirs quand on parle de maisons réputées comme les Tanneries du Puy et Tanneries Annonay (groupe HCP), ou Tanneries Haas – ou là encore des illusions existeraient.
Vous avez certainement identifiés ceux-ci.
Peut-être naïvement, j’ai pensé de pouvoir envisager avec eux une « proposition méliorative ». En effet, si la question de la peau elle-même peut être améliorée dans leurs élevages de référence, de manière répétible et contrôlée par un cahier des charges en vue d’assurer une meilleure gestion de l’alimentation, de la santé et du bien-être de l’animal convoité (et ce selon des rationalités financières maitrisées), ce serait peut-être une première étape pour améliorer le cuir en résultant, et que cela pourrait éventuellement intéresser de telles maisons françaises (ou J. & F.J. Baker & Co Ltd. par exemple).
Je me berce aussi peut-être encore d’illusions. Mais je réfléchis discrètement à la construction d’une approche stratégique afin de tenter de passer un cap supplémentaire en offrant une mise en œuvre plus large de ce savoir-faire.
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En ce qui concerne vos excellentes remarques sur ma question « G&G Optimum », j’ai bien compris la calibration de cette offre et au public particulier auquel elle s’adresse. Le mettre en résonnance avec un bottier comme Dimitri Gomez permet de relativiser les choses (notamment en termes financiers) en offrant une expérience « bottier » complète – et certainement avec une exigence supplémentaire sur le chaussant du fait des différentes phases d’essai – ici escamotées par l’offre Optimum. Il faut aussi dire que c’est Londres et que c’est Savile Row : une clientèle particulière de voyageurs pressés s’y rend. L’offre doit rencontrer une certaine demande.
Vous citez aussi en comparaison l’offre bespoke de Cleverley (qui a en commun avec Aubercy les personnages excentriques précités ayant été parmi leurs meilleurs clients en particulier le baron de Rédé). Mais j’avoue que je trouve l’esthétique de cette maison moins à mon goût – un peu « vieillot », un peu « fané ».
Je pensais que Paris n’ayant pas le même public niche, il n’y avait rien de tel. Mais vous écrivez :
« Il y a eu une offre similaire, de chaussures fabriquées à la main façon bespoke mais sur forme standard chez certains bottiers Français. Mais on était vraiment sur quelque chose de (très) confidentiel. »
Cela pique évidemment ma curiosité ; de telles informations m’intéressent car je l’ignorais tant les bottiers français sont rares : aussi je vais jouer à la devinette pour tenter de détecter ceux qui ont des clients « pressés ».
La « Mesure » de chez Aubercy qui l’annonce publiquement comme tel est « facile » à deviner mais même si j’apprécie cette marque de souliers – je ne sais si le terme de « bottier » lui sied bien car cela repose surtout sur les épaules de Yasuhiro Shiota. Mais il est vrai que le concept d’artisan comme feu Stéphane Jimenez, Dimitri Gomez, Philippe Atienza a cédé le pas à des ateliers avec des artisans cachés sous la bannière d’une marque phare : JL, Berluti.
Donc pour les autres c’est moins évident d’imaginer une telle offre à part pour Berluti (quand on connait la rapidité que veut imprimer en toutes choses le groupe qui le chapeaute et surtout l’absence d’un souci de qualité sacrifiée sur l’autel de l’ultra-profit).
Mais sinon : John Lobb ? (un groupe moins « pressé » mais certainement plus pressé qu’avant)
Corthay ?
Atienza ? Gomez ? trop puristes je pense – même si ce type d’offres ne me semble pas indigne par principe. Mais c’est très subjectif.
En tout cas, ce type d’offres permet aussi d’ouvrir l’accès à des bottiers pour des portefeuilles moins garnis mais désireux, de permettre de constituer le départ d’une collection ou reconstituer une petite collection de souliers en attente de son oxygénation par l’arrivée de paires attendus et désirées pendant une année voire plus. La vie est courte …
Avoir ainsi une très belle paire de souliers qui n’est certes pas la quintessence d’une chaussure bespoke, mais avec une esthétique soignée et tout de même un bon chaussant (du moins je l’espère).
À cette occasion, j’en profite pour connaitre votre avis car dans votre réponse vous abordez le sujet du « chaussant » qui semblent en effet être un élément bien moins en valeur que l’esthétique ; certes indubitablement incontournable sur ce sujet, mais le premier ne doit pas être sacrifié par le second.
Comme je n’ai pas fait l’expérience de marques japonaises (bottiers ou PAC dérivé s’il existe), je ne sais pas si ce que j’ai entendu est fondé ou non. En effet, si un certain nombre de bottiers japonais tant au Japon (tels que Fukuda – que vous citez dans votre article, Murata, etc.) qu’en Italie (Orma) recoivent des éloges notamment par la technicité et la qualité de leurs ouvrages, certains soutiennent qu’il serait aventureux (sans considération évidemment de prix notamment dus aux déplacements des essayages) de recourir à un bottier japonais du Japon car la façon d’appréhender la morphologie du pied serait différente. Est-ce également le cas pour le PAC ?
Je ne sais pas si c’est une légende ou pas.
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En tout cas, encore mille mercis pour votre site et son approche revigorante.
Belle journée
Bonjour,
Merci d’avoir partagé l’histoire des crèmes d’entretien Lobb et merci pour vos contributions pertinentes.
En ce qui concerne la baisse de qualité du cuir, les causes sont multiples, complexes et je pense qu’elles m’échappent partiellement car je n’ai qu’un regard incomplet sur l’ensemble de cette chaîne de valeur. D’autant plus qu’en raison d’enjeux économiques considérables le milieu cultive le secret. En tant qu’amateur et artisan occasionnel je constate le résultat comme vous, mais je ne peux que conjecturer sur les causes. Je pense que la qualité de la peau et du tannage sont effectivement deux facteurs majeurs.
Tout d’abord, la baisse de qualité des peaux. Lorsque je questionne les professionnels du milieu, on me répond toujours que tout est fait pour s’assurer du meilleur résultat possible. Pourtant je pense comme vous que cet élément joue un rôle dans la baisse de qualité globale du cuir que nous constatons. Alors forcément, je m’interroge. Je sais qu’un travail a été fait par des tanneries réputées en collaboration avec les éleveurs dans le but d’améliorer de la qualité des peaux. Et cela au moins jusque dans les années 80/90. Mais les axes évoqués sont toujours les mêmes, à savoir la lutte contre le varron, le fil de fer barbelé, et l’amélioration des conditions de stockage post-mortem. L’alimentation n’est, du moins à ma connaissance, jamais évoquée et je pense que c’est une piste très intéressante. Il faut dire qu’en parallèle j’entends des rumeurs qui laissent à croire que de plus en plus de tanneries Françaises se fournissent avec des peaux qui proviennent de cheptels d’Europe de l’Est… Est-ce une réalité, je n’en sais rien, et si c’était le cas cela serait insuffisant à expliquer une tendance « baissière » déjà ancienne, mais comme je le disais: je m’interroge.
Ensuite pour ce qui est du tannage, il est évident qu’il y a là aussi eu des changements (en partie pour des raisons écologiques) qui ont eu un impact négatif. Qu’il s’agisse du cuir tanné au chrome comme du cuir au tannage végétale. Un article traitant des semelles en cuir sera bientôt publié et expliquera en partie pourquoi les semelles actuelles tiennent plus du carton que du cuir. Globalement la contrainte temps est de plus en plus compressée, et cela conduit les tanneries à prendre des raccourcis. Il faut dire que le marché du cuir haut de gamme est sous tension et qu’il est beaucoup plus facile d’expédier le processus de finition en pigmentant à outrance un cuir, plutôt qu’en essayant d’obtenir un résultat naturel optimal. La généralisation des pigments dans le marché du cuir de luxe est une véritable épidémie, et le pire c’est qu’elle est supportée par la demande de consommateurs qui sont à la recherche de cuirs toujours plus immaculés.
Par ailleurs je pense malheureusement que l’âge d’or du cuir des années 1900 est révolu, et que l’avenir n’est pas brillant. Les tanneries s’inquiètent beaucoup plus d’être « citoyennes et responsables » (ces mots ne viennent pas de moi mais de Bodin Joyeux) que de la qualité véritable de leur production.
Sur le sujet du bottier Français ayant réalisé une petite série en prêt-à-porter il s’agit d’Atienza
Pour en revenir rapidement à Cleverley, je dois dire que j’ai beaucoup de respect pour certains de leurs bottiers, mais pour le reste j’ai le clan Glasgow en horreur et je partage votre avis sur la fanaison de la maison.
Et enfin pour répondre à votre question sur le chaussant, je pense qu’il peut éventuellement y avoir une différence dans l’approche de la morphologie du pied par certains bottiers Japonais. Mais que c’est un élément un peu exagéré par la barrière de la langue et par le fait que beaucoup d’achats se font en trunk show ou en tournée. Je pense que beaucoup d’autres éléments entrent en ligne de compte dans la relation avec un bottier avant que l’on puise parler de leur approche de la morphologie. À titre personnel je trouve aventureux de recourir à un bottier dont je ne parle pas parfaitement la langue. Il est vrai qu’il y a en revanche un style japonais, et que ce dernier convient mieux à certains types de pieds qu’à d’autres. En revanche je pense que pour le prêt-à-porter la question est différente et il y a en effet un risque plus grand que le chaussant ne soit pas confortable pour un occidental. Tout va dépendre du marché qui est visé par la marque puisque c’est le facteur qui va déterminer des formes qui vont être utilisées. Certains fabricants Japonais se destinent avant tout au marché Asiatique, d’autres ont des objectifs internationaux et cela se ressent dans le choix des formes. Il faut donc avancer avec précaution, mais je pense que pour les noms qui arrivent jusqu’à nous assez régulièrement il n’y a pas trop de crainte à avoir. C’est lorsque l’on commence à s’intéresser au marché Japonais avec plus de profondeur qu’il faut commencer à faire attention.
Bien à vous
Encore une fois, je vous remercie de votre réponse et tout le temps que vous lui avez consacré.
Concernant la qualité décroissante des peaux et donc des cuirs, vos indications sont intéressantes et semblent confirmer que l’alimentation et surtout sa qualité ne soient pas au cœur des préoccupations actuelles des éleveurs et de l’attente des tanneries, ce qui confirme l’approche singulière conçue et développée les personnes que j’évoquais précédemment.
Car leur approche est globale et comprend la qualité de l’herbe ingérée par les bovins avec une eau filtrée et traitée (non chimiquement) afin d’éliminer le maximum de polluants dont les « xénobiotiques » (ce qui n’est même pas réalisé par les opérateurs habituels pour l’eau à destination de la consommation humaine). Elle inclut également une gestion du stress animal à toutes les étapes afin d’apaiser chaque individu. Il y a donc plus de collagène et de meilleure composition ce qui induit une meilleure « liaison » pour le futur cuir et laisse espérer une meilleur résultat après tannage.
Il est constaté un rendement augmenté de 17% avec un accroissement de la qualité ; 30 % d’économie d’eau ; pas d’antibiotiques ou sinon une diminution de -50% de leur utilisation en cas de gestion de phénomène épizootique ; une diminution de 75% du recours aux produits sanitaires et phytosanitaires ; une réduction de 66% de la mortalité animale ; le tout avec une gestion 0 carbone, azote maitrisée, etc. sur l’ensemble de l’exploitation.
Évidemment la viande est somptueuse avec des qualités nutritionnelles exceptionnelles – mais comme évoqué les peaux se trouvent améliorées avec une disparition des cas d’hypodermose bovine par cette approche car les bovins ont de meilleurs anticorps : c’est cette filière qui m’intéresse de développer avec eux.
Sur la filière des pays de l’Est, tout est possible. En tout cas, les cuirs en provenance d’Italie ont été frappés de plusieurs scandales. En tout cas, pour avoir vu des élevages en Moldavie, Bulgarie, Roumanie et Pologne, le souci de la qualité et du bien-être animal est bien loin des préoccupations centrales.
Concernant le tannage, il y a, comme vous le soulignez, certainement des expédients qui ont été adoptés pour expliquer cette baisse de qualité.
Le tannage végétal présente tout de même des vertus écologiques car plus neutre que le tannage au sulfate de chrome par exemple – même s’il est très consommateur d’eau. Les résidus du tannage sont biodégradables, généralement transformables en engrais agricoles. Le traitement des eaux usées intervenir par une station d’épuration collective assez classique.
Comme « le temps c’est de l’argent », ce tannage est trop long et trop aléatoire : c’est dommage.
Mais surtout j’ai l’impression à vous lire que c’est peine perdue si la demande de la clientèle n’est globalement plus préoccupée par cet « aspect » qualitatif.
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Je vous remercie concernant l’information sur l’offre de Philippe ATIENZA, qui n’en fait pas effectivement pas l’écho. C’est vraiment confidentiel…à part pour les FBookistes…
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Sur le chaussant, il est bien difficile de se faire une idée d’autant qu’il semble n’y avoir que peu de personne qui en parle précisément. Je ne sais comment cela pourrait être abordé afin de renseigner les candidats acheteurs.
En tout cas, je vous remercie de vos remarques et bons conseils sur les bottiers japonais qui sont frappés du bon sens.
J’avais noté précédemment notamment Orma Shoemaker (Wataru Shimamoto) mais j’avais oublié de citer Il Micio (Hidetaka Fukaya), son maître d’apprentissage.
J’ai hâte de lire votre prochain article sur le « cuir » de semelle.
Très bien à vous,
Bonjour,
Il ne me semble pas que vous ayez évoqué sur ce site la gamme Handgrade de C&J. Celle-ci fait face à la même inflation (et sans doute à une baisse de qualité) que la gamme basique. Les prix étant aujourd’hui grosso modo similaires à Weston, privilégiez-vous le Limousin ?
Merci.
Bonjour,
Peut être en passant, mais pas spécifiquement non. La principale différence avec leur ligne principale réside surtout dans la couture GW sous gravure. les prix de Weston augmentent tout aussi rapidement que ceux de C&J, mais niveau qualité c’est plus ou moins la même chose, voire même un peu mieux en fonction des modèles/
Je sais que c’est pas gentil de tirer sur les ambulances, mais j’ai vu sur un site de son de main une paire de Weston qui illustre bien la chute sans fin de la marque:
https://www.vinted.fr/items/3733161674-richelieus-jm-weston-modele-300-noires-taille-9d
Regardez en particulier la photo du talon endommagé, on voit qu’il s’agit d’un bête talon creux en caoutchouc comme on en trouve sur toutes les paires André, Minelli et compagnie. Le tout pour 820 euros, ça pique.
Bonjour,
Je suis tombé sur ce post montrant un démontage d’une paire John Lobb Paris et d’une autre John Lobb London:
https://www.gentlemansgazette.com/cutting-apart-john-lobb-shoes/
S’agit-il de production récentes qui sont démontées ici?
Aussi, les résultats du démontage semblent en phase avec l’article. Notamment, la construction semble assez fragile vu les prix invoqués comme vous l’avez signalé
Merci.
Bonjour,
Pour la paire de Lobb Paris il me semble qu’il s’agit du modèle Campus (315). Il n’est plus dans la collection de la marque, mais c’est un modèle relativement récent (de ces 10 dernières années). Pour la paire de Lobb London, aucune idée, mais je penche pour une paire plutôt ancienne.
Je n’irais pas jusqu’à dire que JL Paris est fragile, d’ailleurs ce plouc de Sven se blesse en l’espace de 5 minutes en essayant de démonter la paire. Mais la fabrication est quelconque par rapport au prix payé. Pour avoir démonté quelques paires Lobb il y a des années de cela, au niveau de la construction on est assez proche des chaussures de la péninsule ibérique (Carmina, Santos etc) à 300/400€, mais avec des cuirs largement supérieurs. Heureusement d’ailleurs sinon on se demande ce qu’il reste derrière le nom et les designs. Donc fragile non, mais sans lien avec la quantité de travail nécessaire pour produire la paire, absolument.
En ce qui concerne la paire de Lobb London, elle n’est pas spécialement intéressante non plus (d’ailleurs c’est son opinion aussi), ils n’ont pas une excellente réputation. Ils travaillent correctement, mais sans plus. Lobb Paris en bespoke est supérieur. Là où j’ai plus de mal avec sa conclusion c’est sur le fait de trouver du Bespoke pour le prix du RTW Lobb Paris en Autriche ou Italie…. Mouais… le coût du travail n’est pas le même dans ces pays, mais surtout il devient de plus en plus difficile de trouver du bespoke sous la barre des 2500€. Et il peut être très difficile de travailler avec les « artisans inconnus » de ces pays là, c’est assez régulièrement la source déconvenues. Les prix de Lobb London ne sont pas seulement justifiés par le coût du travail et de la vie plus élevés en Angleterre, mais sont aussi justifiés par une certaine facilité d’accès et par une prise de risque pratiquement nulle.
Merci pour votre retour
Bonsoir,
Merci pour ce guide.
Avez-vous un avis à propos de Paolo Scafora ?
Bien à vous.
Bonjour,
C’est très moche, et c’est un peu cher pour ce que c’est. Mais la qualité de fabrication est plutôt bonne. Enzo Bonafe est une meilleure alternative dans le milieu.
Bien à vous