Meermin : des chaussures de qualité à moins de 200€ ?

Avant-propos

Meermin n’est en aucun cas affilié à cet article. Toutes les photos sont la propriété de Sartorialisme.com (sauf mention contraire) et ne peuvent être utilisées sans autorisation.

Cet article va être un peu différent de ce que nous proposons d’habitude. Tout d’abord il sert de préambule à notre premier démontage (non verbal) qui sera bientôt publié. Par ailleurs il va nous permettre de conduire une expérience grandeur nature et de montrer ce qu’il est possible d’attendre en tant que client d’une marque, en l'occurrence Meermin. Ensuite cet article va également vous aider à identifier les différents types de défauts qu’il est courant de voir sur les chaussures. Enfin il s’agit de démontrer une fois pour toutes pourquoi l’achat en boutique est toujours préférable à l’achat en ligne.

Pour la réalisation de cet article nous avons acheté 5 paires de Meermin sur une période s’étalant de 2018 à 2021 et cela dans le but de reproduire l’expérience d’un client normal. Le choix de la marque s’est basé sur le fait que Meermin est une marque extrêmement populaire qui au fil des années s’est imposée sur le segment de l’entrée de gamme. Dès lors, il semblait logique de voir si cette réputation est justifiée et surtout si elle résiste à l’épreuve du temps. Concrètement, il est très rare de pouvoir avoir des retours fiables sur une marque. Certes il existe les forums qui regroupent une grande quantité d’informations mais cette dernière est souvent noyée dans une masse informe d’interventions inutiles dans laquelle il faut trancher à coup de hachoir. Les reviews google ? Si je vous disais qu’un vieux fou propriétaire de plusieurs marques de pompes passe son temps à aller dénigrer ses concurrents (et anciens partenaires) avec de faux avis clients à 1 étoile ? Il reste ensuite les influenceuses mais l’on est en droit de douter de la sincérité et de l’impartialité de quelqu’un qui exhibe une garde-robe de dictateur africain tout en étant en faillite personnelle, soyons sérieux. Notez que je n’ai rien contre essayer honnêtement un produit reçu gratuitement, tant qu’il ne s’agit pas de sucer. Malheureusement bon nombre de gens s’adonnent à la gorge profonde sans même que les marques ne leur demandent, une servilité commerciale doublée de la trouille de perdre leur gagne-pain se chargent de les transformer en avaleuses professionnelles.

Le genre de “reviews” que l’on trouve sur le net. Choc, on apprend que les semelles en cuir ça glisse “relativement”.  Trouver des points négatifs imaginaires et souvent inoffensifs est une astuce courante dans le milieu des influenceuses qui permet de donner l’impression au lecteur que le test est “légitime”. (Source : Comme un camion)
Le genre de “reviews” que l’on trouve sur le net. Choc, on apprend que les semelles en cuir ça glisse “relativement”.  Trouver des points négatifs imaginaires et souvent inoffensifs est une astuce courante dans le milieu des influenceuses qui permet de donner l’impression au lecteur que le test est “légitime”. (Source : Comme un camion)
La réputation de Meermin sur internet est pour le moins polarisante. Qui croire ? Les 63 % d’avis négatifs ou les 28 % d’avis dithyrambiques ? Je suis prêt à parier que les 63 % ont eu affaire au service client de la marque. (Source : Trustpilot)
La réputation de Meermin sur internet est pour le moins polarisante. Qui croire ? Les 63 % d’avis négatifs ou les 28 % d’avis dithyrambiques ? Je suis prêt à parier que les 63 % ont eu affaire au service client de la marque. (Source : Trustpilot)

Présentation de Meermin

Le siège social de Meermin, au premier étage vous pouvez même voir quelques boites de chaussure entassées devant la fenêtre. (Source : Google Maps)
Le siège social de Meermin, au premier étage vous pouvez même voir quelques boites de chaussure entassées devant la fenêtre. (Source : Google Maps)

Toute les marques se dotent d’une histoire et s’inventent une légende, c’est bon pour le business. Lisez notre article sur les arnaques dans le milieu de la chaussure si vous voulez en apprendre plus là-dessus. Toujours est-il que toutes les marques s’attachent à leur petite image d’Épinal et Meermin n’est pas différent des autres. En fonction des périodes vous avez soit le droit au couplet sur la petite entreprise familiale d’Espagne fondée par José Alabladejo qui se bat contre les géants de ce monde pour faire des chaussures qualitatives à des prix abordables. Soit vous avez le droit à l’histoire de la petite start-up qui vante sa stratégie agressive et disruptive parce qu’ils sont trop fous et qu’ils vendent directement au client, tout en faisant des marges “ridiculement” basses. Parce que si vous en doutiez, le secret de Meermin, ce n’est pas sa production Chinoise, non, ce sont ses marges “ridiculement” basses. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le directeur lui-même.

La théorie économique selon le directeur de Meermin, faire produire en Chine est plus cher qu’en Europe. Ça en dit long sur le QI des clients qui avalent le mensonge et sur son degré d’intégrité.  (Source : Stitchdown).
La théorie économique selon le directeur de Meermin, faire produire en Chine est plus cher qu’en Europe. Ça en dit long sur le QI des clients qui avalent le mensonge et sur son degré d’intégrité.  (Source : Stitchdown).

C’est pour cette raison que la majorité des entreprises occidentales font déménager leur capacité de production en Chine depuis des années, produire plus cher ailleurs ce qu’elles peuvent faire moins cher chez elles. Ça n’est pas du tout pour bénéficier des facilités locales en matière de législation, de taxation et de coût de la main d’œuvre. En réalité Meermin est une petite multinationale au capital social avoisinant les 2 millions d’euros, qui dispose de sociétés dans plusieurs pays du monde et dont le chiffre d’affaire global dépasse les 10 millions d’euros. Pas mal pour une “petite entreprise familiale avec des marges basses”.

Examen des chaussures

Toutes ces paires ont été achetées sur le site internet de la marque, nous n’avons donc pas eu la possibilité d’examiner les chaussures avant achat. Le pied gauche est celui qui est utilisé pour la majorité des illustrations, mais les deux pieds sont examinés et dans certains cas les illustrations proviennent des deux. Les différences majeures entre pied droit et pied gauche sont mentionnées, les différences mineures ou anecdotiques sont ignorées.

Paire numéro 1

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Cette paire est la plus ancienne du lot, achetée début 2018 il s’agit d’un mocassin de type penny loafer en cousu rainette. C’est la seule paire du lot à avoir été portée ce qui explique les plis de marche au niveau du plateau. C’est également cette paire qui fera l’objet d’un démontage donc nous n’allons pas nous attarder dessus puisqu’elle fera l’objet d’une analyse en profondeur. En revanche la paire est relativement exempte de défaut, en dehors de quelques coutures pas très droites sur la tige et autres petits défauts esthétiques mineurs. Cela n’est pas illustré en photo mais cette paire porte la mention “made in Spain” sur sa demi première de propreté.

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La paire présente l’un des problèmes récurrents chez Meermin, la séparation trépointe / couche point qui est faite à l’arrache. Ce n’est pas un défaut rédhibitoire, et cela ne demande pas de renvoyer la paire. La roulette d’emboitage n’est pas très belle, et l’application de la déforme un peu crasseuse mais ce ne sont pas des défauts, juste un signe du manque de soin porté par les ouvriers.

Paire numéro 2

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Cette paire est un derby de fin 2018 en country calf, un veau grainé donc. Pour rappel un cuir grainé est un cuir normal qui a été passé sous presse afin de lui imprimer un motif… et accessoirement pour en masquer les défauts.

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La storm welt a été terminée de façon pour le moins brutale, le problème est plus esthétique qu’autre chose.

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La couture petit point (PP) est plutôt régulière et ne se ballade pas trop au milieu de la trépointe. En revanche la storm welt ne colle pas parfaitement à la tige, c’est un détail mineur, le jour est très faible.

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Les finitions à l’intérieur de la chaussure sont peu soignées mais là encore il n’y a rien de particulièrement problématique. Cette paire ne présente aucune indication de provenance.

Paire numéro 3

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Cette paire est une bottine de type balmoral en bi-matière achetée fin 2019.

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Deux photos qui illustrent le problème des lots pied gauche/pied droit. Les usines ne fabriquent pas des paires de chaussures, elles fabriquent des pieds droits et des pieds gauches qui sont ensuite assemblées en paire. De fait vous pouvez vous trouver avec un pied qui a été coupé dans un cuir propre et un autre dans un cuir beaucoup moins beau. C’est le cas ici. Le pied droit utilise un cuir qui frisote énormément du quartier à la claque. Le cuir présente également des différences notables de teinte. Cela n’est pas présent sur le pied gauche. Un cuir qui frisotte ne veut pas dire que le cuir va avoir une durabilité moindre, en revanche cela veut dire que le pied droit ne va pas du tout vieillir de la même façon que le pied gauche. Rappelez-vous au passage que Meermin n’utilise que le meilleur cuir, venant des meilleures tanneries d’Europe et non du cuir de pangolin contrairement à ce que certains chiens d’impérialistes aiment à raconter.

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Sur le pied gauche la ligne de perforation n’est pas droite, de plus le trou du haut n’est pas totalement percé, l’emporte-pièce n’a fait que marquer le cuir sans le trouer. C’est un défaut uniquement esthétique anodin à ce niveau de prix.

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Le pied gauche présente une cassure significative dont je ne suis pas certain de comprendre l’origine. À l’intérieur de la bottine cela est marqué par une tache noire comme si le cuir avait été chauffé très fortement. L’ouvrier a probablement eu un problème au moment du collage du renfort entre la tige et la doublure mais pour en savoir plus il serait nécessaire de démonter la bottine.

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Des plis d’aisance… sur une paire neuve ? Je n’ai jamais porté cette paire, je me suis contenté de la sortir de sa boite et de lui mettre des embauchoirs. Le pied droit n’a pas ces plis. Il semble donc très probable que cette paire ait déjà été vendue à quelqu’un, qui a essayé le pied gauche, visiblement en intérieur et pour peu de temps, la semelle gomme présente également une infime trace d’usure. Cette personne est parvenue à renvoyer la paire et Meermin s’est contenté de la remettre en circulation. À mon sens on dépasse ce qui est tolérable même dans cette gamme de prix. À son retour cette paire devait être identifiée comme défectueuse et mise en vente à un prix réduit.

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La nouvelle mention de provenance, dessinée en Majorque fabriquée en Chine. Cette paire semble être l’un des premiers modèles à avoir été intégralement produit en Chine. Jusque-là certains des modèles indiquaient une provenance Espagnole et étaient montés en Chine puis “terminés” en Espagne. Il faut tout de même noter que beaucoup (l’intégralité ?) des modèles pré 2018 n’indiquaient aucune provenance, laissant planer le doute sur la réalité de la production Majorquine de la marque.

Paire numéro 4

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Il s’agit d’une paire de double boucle en veau velours achetée durant la toute première solde de Meermin d’Avril 2020. La marque ne faisait jusque-là pas de soldes. En revanche elle revendait les paires rejetées par le contrôle qualité de l’usine sur Ebay en enchère libre, chose qu’elle a arrêtée de faire dans les mois précédents la solde. Nous pensions qu’il était possible que Meermin utilise cet évènement pour se débarrasser des paires autrefois vendues sur Ebay (spoiler : cela a bien été le cas). Nous sommes parvenus à acheter une paire malgré la grande popularité de l’évènement, toutes les paires soldées ont été vendues en moins de 24h. Lorsque les paires ont été livrées et que les retours ont commencer à apparaître sur les forums il est devenu apparent que Meermin a bien refourgué ses rejets d’usine à -25 % sans mentionner la présence de défauts. Depuis cet évènement Meermin a organisé une nouvelle solde en Novembre 2020, en précisant cette fois qu’il s’agissait bien de “factory seconds”. Connaissant leur mauvaise foi légendaire cet aveux de leur part est presque un miracle. Voici donc notre paire des soldes d’Avril 2020.

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Lorsque les chaussures sont sur la chaine de montage la tige est protégée par un plastique. Ce sont les restes de ce plastique que vous pouvez voir ici. C’est sans conséquence sur la longévité de la chaussure mais c’est en général un bon indicateur du manque de soin apporté lors de la fabrication. Au passage j’ai pendant longtemps pensé que Meermin ne protégeait pas ses tiges tant leurs souliers avaient tendance à comporter bon nombre d’éraflures et autres marques diverses. Je sais maintenant que j’avais tort, mais je me demande encore plus comment ils se démerdent pour marquer autant les tiges…

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La fameuse séparation trépointe / couche point faite à l’arrache. De plus, l'ouvrier a teinté la tige au niveau de l'emboitage. À ce niveau c'est plus qu'une simple bavure. Probablement un artiste contrarié forcé par le glorieux parti communiste chinois à travailler dans une usine de chaussure. C'est un défaut mineur mais l'application de la teinture est si régulière (à l'exception de la fin de la ligne) que l'on se demande si l'employé savait ce qu'il devait faire.

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Le défaut le plus sérieux sur cette paire. Les points sombres sont en réalité la couture trépointe. Cette couture est normalement invisible, aucune pression n’était appliquée sur la chaussure pour la photo. En forçant un peu j’arrivais à voir les fils mais je ne pouvais pas prendre la photo en même temps. Quand la couture trépointe est visible c’est souvent à cause de problèmes de tensions, et cela a tendance à fragiliser le soulier donc à nuire à sa durabilité. J’ai vu des trépointes bien plus exposées que cela, néanmoins cela justifie quand même un remplacement de la chaussure. D’autant plus qu’il y a d’autres problèmes avec cette paire.

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De la colle, de la colle PARTOUT. Ça n’a rien d’exceptionnel sur une paire de Meermin et c’est sans conséquence. Notez la mention “made in Shanghai” sur la languette.

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Une machine à coudre qui va trop loin. Dans le cas de la dernière photo l’ouvrier, emporté par son élan et son amour du parti a voulu poursuivre sa couture PP sur le couche point.

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Cette chaussure a déjà été portée et a fait l’objet d’un retour. La couture a été “écrasée” par la démarche de quelqu’un. Il en va de même avec la semelle caoutchouc qui présente également quelques légères traces d’usure.

Paire numéro 5

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Cette dernière paire a été achetée en Janvier 2021 et est donc la plus récente du lot il s’agit d’un mocassin de type bit loafer. C’est également la seule paire issue de la gamme “femme“ de notre sélection. Le volume de la gamme féminine étant moindre nous voulions voir si ces modèles faisaient l’objet d’un traitement particulier ou si le niveau de (non) finition était le même que sur la gamme homme.

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On retrouve notre ami le morceau de plastique protecteur. La déforme est toujours appliquée de façon aussi aléatoire. Le couche point forme une bosse et la couture PP n’est pas droite. En fait elle sort pratiquement de la trépointe mais cette photo ne le montre pas bien. Les sous-couches du bloc talon sont en salpa, d’ailleurs un coin a été endommagé. C’est prometteur pour la suite.

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La tige frisote un peu, il y a différentes marques, éraflures et autres décolorations. “Made just using the finest French boxcalf” qu’ils disaient. Beaucoup de ces défauts vont disparaître lors d’un premier crémage. Sinon vous pouvez également voir que coudre droit chez Meermin est optionnel. Vu le prix c’est normal, et personne ne va le remarquer. Mes commentaires sarcastiques sont surtout là pour me moquer de la communication de la marque et de ses “very skillful artisans” du parti unique.

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Là aussi la tige frisote un peu, il y a quelques fils qui se baladent, aucune finition de tranche au niveau de la languette.

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Un fil qui a sauté et des coutures pas très propres…

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Enfin on termine sur la spécialité de Meermin, une séparation trépointe / couche point faite à l’arrache avec en prime une couture PP qui déborde et un morceau de plastique coincé entre la tige et le couche point.

Conclusion

Bien que 5 paires ne représentent qu’un échantillon limité, quelques tendances se détachent. Tout d’abord il y a beaucoup de défauts cosmétiques, mais également quelques défauts plus sérieux. Par ailleurs, les deux paires les plus anciennes sont de loin les plus propres. On peut toujours spéculer sur les raisons derrière la baisse de qualité, toujours est-il que le prix a augmenté sans que le niveau de finition ne se maintienne. On peut toujours spéculer sur les raisons derrières ce déclin. Est-ce que le déplacement intégral de la production vers la Chine y est pour quelque chose ? Quelle quantité de travail était effectué en Espagne auparavant ? Néanmoins, si certains doutent encore de la provenance des chaussures voici un tableau présentant les imports de la succursale de Meermin aux États-Unis. Les pompes sont livrées par conteneur directement depuis Shanghai, il n’y a aucune raison pour qu’il n’en soit pas de même pour les ventes en Europe.

La division USA de Meermin qui importe les paires directement depuis la Chine. (Source : seaair)
La division USA de Meermin qui importe les paires directement depuis la Chine. (Source : seaair)

De la même façon il faut savoir que depuis 2016 Meermin a connu une croissance exponentielle, avec une augmentation très forte de leur capital (ils sont passés d’un million d’euros en 2016 à pratiquement deux millions en 2017). La marque en a profité pour s’internationaliser en implantant aux États-Unis une nouvelle entité commerciale qui leur permet d’avoir à la fois un point de vente mais également un centre de stockage. Est-ce l’exemple d’une société qui a grandi trop vite et n’a pas été en mesure de gérer son expansion ? Il y a juste quelques mois en août 2020 la marque a ouvert une nouvelle entité commerciale à Hong Kong. Son utilité n’en est pas encore connue mais il peut s’agir d’un magasin. Toutefois, Meermin n’étant pas propriétaire de leur usine à Shanghai il est également possible que la marque ouvre une entité de production différente. Hong Kong bénéfice d’un régime différent de Shanghai, et ce dernier est particulièrement avantageux du point de vue fiscal…

La nouvelle entité commerciale de Meermin enregistrée à HK en pleine crise du virus Chinois. Comme quoi le business n’est pas mauvais pour tous. (Source : Companies Registry HK)
La nouvelle entité commerciale de Meermin enregistrée à HK en pleine crise du virus Chinois. Comme quoi le business n’est pas mauvais pour tous. (Source : Companies Registry HK)

L’autre point à retenir est que les caractéristiques intrinsèques des souliers n’ont pas beaucoup bougé à travers les années. Les contreforts et bouts durs sont toujours aussi fins et souples par exemple, ce n’est pas pour rien que les Meermin ont tendances à devenir difformes après quelques années. Le travail des tiges est lui aussi toujours aussi aléatoire et ainsi de suite. Après il est difficile de se prononcer sur ces aspects dans la mesure ou le cahier des charges de Meermin n’a jamais été homogène à travers la gamme. Par exemple certains modèles ont un bloc talon en cuir, d’autres ont un bloc talon en salpa, et cela a toujours été le cas et résulte juste d’exigences différentes pour des modèles différents. Il n’en reste pas moins que Meermin a toujours fait des chaussures d’entrée de gamme, et qu’il y a toujours eu des ratés comme l’image suivante le démontre.

Un cousu Norvégien tressé réalisé en 2015 par Meermin. Tout simplement atroce, d’ailleurs la marque a toujours un taux de défauts hallucinant sur ses cousus Norvégiens. Les ouvriers Chinois peuvent copier bien des choses mais il reste encore des domaines qu’ils ne maitrisent pas même après 5 ans. (Source : Styleforum)
Un cousu Norvégien tressé réalisé en 2015 par Meermin. Tout simplement atroce, d’ailleurs la marque a toujours un taux de défauts hallucinant sur ses cousus Norvégiens. Les ouvriers Chinois peuvent copier bien des choses mais il reste encore des domaines qu’ils ne maitrisent pas même après 5 ans. (Source : Styleforum)

S’il y a bien une chose qui est mise en valeur par cette sélection de paires c’est la nécessité d’acheter en boutique et non plus en ligne. Acheter en ligne se résume plus à un jeu de roulette Russe qu’autre chose, alors certes c’est l’option la plus facile et la plus pratique et sans aucun doute celle qui est privilégiée par la majorité des clients mais il faut bien comprendre que cela vous expose à des déceptions. Au final, pour le prix payé Meermin reste une marque intéressante à condition de choisir vos paires. À ce prix vous avez un vaste choix de tailles, de formes, de modèles… le fait est que la marque n’offre plus la même attention aux détails que par le passé.

Bonus: le service client

L’objectif était de reproduire l’expérience d’un client normal de la marque et cela passe également par la qualité du service. Parmi nos 5 paires, 2 avaient déjà été portées, ce qui en soit en dit déjà long sur le niveau d’exigence de la marque, mais cet article n’aurait pas été complet sans un message au légendaire service client.

Est-il nécessaire d'en rajouter?
Est-il nécessaire d'en rajouter?

Guide 2021 des souliers de 150€ à 600€

Avant-propos

Suite à nos articles sur les chaussures industrielles, beaucoup de nos lecteurs désiraient avoir une sélection de marques vers lesquelles ils peuvent se tourner sans trop se poser de questions.

Tout d’abord, j’ai toujours trouvé l’exercice du guide d’achat généraliste totalement stupide. Les marques changent de propriétaire, d’objectifs, de méthodes de fabrication, parfois même d’usine dans le cadre des private labels. Bref, un guide d’achat est voué à être obsolète.

Il faut aussi comprendre qu’un guide d’achat ne peut répondre à chaque demande individuelle. Vous n’allez pas avoir les mêmes besoins si vous êtes bankster, contremaître, loufiat, souteneur, chômeur en puissance ou tout autre assisté professionnel. De la même façon certaines personnes n’éprouvent pas de difficulté à “faire” une chaussure alors que pour d’autres, la période d’adaptation va être plus longue. Sans compter que toutes les marques ne conviennent pas à tout le monde. Lisez notre article sur les formes et chaussant afin de comprendre les principes de bases qui commandent l’achat d’un soulier.

Sachez également que contrairement à d’autres soupeurs dont c’est le gagne pain, je m’en tape royalement de ce que vous faites avec votre argent. Ce guide n’est pas une recommandation, il s’agit simplement de donner quelques commentaires rapides sur plusieurs marques afin d’aiguiller les plus novices, autrement dit, si vous ne savez pas par où commencer cet article est pour vous.

Pour cette raison ce guide va donc avant tout traiter des marques dont le prix de vente est inférieur à 600 euros. Somme qui peut paraître importante, mais il est bon de rappeler que les chaussures industrielles de marques prestigieuses comme Edward Green commencent à plus de 1000 euros et que la botterie commence à plus de 2000 euros. Une chaussure à 600 euros n’est donc pas totalement un produit de luxe, mais elle n’est pas non plus bon marché. Qu’elle soit trop chère pour vous est une question totalement différente.

Ce guide ne va pas traiter des centaines de marques qui existent en private label, au-delà de celles qui composent l’entrée de gamme et des cas particuliers. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, tout d’abord cela rendrait le travail du guide moins efficace puisqu’il y aurait des dizaines de marques supplémentaires à ajouter. Par ailleurs la production pour toutes les marques en private label de Sendra ou de Carlos Santos par exemple n’est pas suffisamment différente pour justifier de les inclure dans le guide. La différence se joue surtout au niveau de la politique commerciale, des patronages, du chaussant voire des peausseries (et encore que…) plutôt que sur la qualité de fabrication en elle-même.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bonnes marques parmi les private labels, ni qu’il n’est pas possible de faire de bonnes affaires, mais entre une paire de Malfroid cousu rainette (fabriquée par Carlos Santos) et la production en nom propre de Carlos Santos (sur leur ligne cousu rainette) c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Ce guide ne va pas non plus traiter des marques “niches” que ça soit les nouveaux entrants des pays du tiers-monde (Bridlen par exemple) qui peuvent être intéressants mais sur lesquels les retours sont encore trop rares comme les marques plus établies de calcéophiles tordus. Vous avez été prévenu, c’est concis.

En dessous de 200 euros, Maximator über alles.

Une gamme de prix dans laquelle il ne faut pas faire la fine bouche, un peu comme quand vous êtes le créancier d’une boite qui vient de faire faillite. Même si le liquidateur a bonne gueule, vous ne savez pas vraiment ce que vous allez récupérer. Comme on dit en anglais “you get what you pay for”. Cheers.

YPSON’S

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Prix aux alentours de 165€

Ypson’s existe depuis plusieurs années et dispose d’une boutique parisienne, mais la marque est plutôt discrète et est surtout connue pour sa copie de Coniston. Les chaussures sont faites au Portugal, en Goodyear cousu rainette. Les cuirs ne sont pas terribles, mais dans cette gamme de prix ce n’est pas différent de la concurrence, et le chaussant est plutôt très généreux. Certains modèles sont d’un goût un peu douteux, on a l’impression de voir la collection Loding des débuts mais il y a quelques classiques intéressants

Points positifs

- Une boutique physique qui permet d’essayer les modèles

- Un service de cordonnerie sur place qui est correct et bien pratique pour faire poser patin et fer à l’achat

Points négatifs

- Beaucoup de modèles objectivement laids en dehors de quelques exceptions

- La qualité des cuirs, très variable et bien souvent basse (comme l’illustre la photo)

MEERMIN

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Prix aux alentours de 170€

Meermin est un nom incontournable quand on parle de l’entrée de gamme, la marque a acquis sa réputation durant ses premières années d’existence quand le rapport qualité prix était très intéressant. En revanche, ces dernières années, la qualité de fabrication est en baisse constante, les défauts se multiplient, le service client est passé maître dans l’art de la mythomanie et de la mauvaise foi. La marque entretient également la confusion sur son lieu de production. Depuis quelques années maintenant la très grande majorité (si ce n’est la totalité) des modèles sont intégralement fabriqués en Chine. Que reste-t-il alors à la marque ? Plus grand-chose, mais il ne faut pas oublier qu’elle dispose d’un très grand parc de formes et de tailles, dont des tailles larges, et qu’elle a également une boutique physique à Paris permettant l’essai sur place. L’achat en ligne est très fortement déconseillé à moins de vouloir jouer à la roulette russe.

Points positifs

- Un très bon parc de formes

- Des modèles plutôt originaux dans cette gamme de prix

- La Linea Maestro (à partir de 260€) qui propose des montages intéressants (quand ils sont bien effectués...) à des prix défiants toute concurrence

Points négatifs

- La qualité du cuir qui est plus proche du pangolin que du veau

- Beaucoup de défauts, parfois esthétiques, parfois rédhibitoires

- Le service client proprement catastrophique

- Pas de soldes mais un outlet pour refourguer les paires avec défauts

LODING

4aY2SVk

Prix aux alentours de 180€

La marque est un peu l’ombre de ce qu’elle était il y a encore quelques années. La production est maintenant divisée entre le Portugal (chez Carlos Santos/Zarco) et en Inde, le réseau de boutiques a fondu au soleil, et comme chez beaucoup d’autres les prix sont à la hausse. Les modèles en Goodyear rainette qui sont fabriqués chez Carlos Santos ont une construction très honnête à ce prix. Les cuirs en revanche ne sont pas terribles. Il y a 10 ans c’était encore une affaire, aujourd’hui l’intérêt principal de la marque réside dans ses boutiques qui vont vous permettre d’essayer du Zarco, attention, ça chausse un peu plus large que la moyenne.

Points positifs

- Un réseau de franchisés en France qui bien que sur le déclin couvre encore du territoire

- Quelques modèles assez classiques qui passent partout

Points négatifs

- La qualité du service en boutique dépend du franchisé, et il y a plus de pignoufs que de gens compétents

- Les modèles indiens

- Baisse de qualité globale de la gamme et des cuirs

- Certains modèles sont (toujours) d’un goût douteux

VELASCA

8q0Y1Bc

Prix aux alentours de 200€

Velasca est une marque dans la plus pure tradition Italienne, beaucoup de baratin pour pas-grand-chose. À les écouter tout est fait à la main chez mama Rosa dans le plus pur respect des traditions. La réalité est tout autre, la marque est le produit d’un ancien bankster qui a fait ses armes en Asie et qui a monté de toute pièce cette communication mensongère. Pour autant, les modèles proposés par la marque sont intéressants, ils ne semblent pas souffrir du même taux de défaut que leur concurrent Chinois. La majorité des montages sont en Blake ou Blake rapid, ce qui n’est pas une surprise venant d’Italie. Mettez-y un patin et il n’y paraîtra plus. Les modèles les plus chers (aux alentours de 250€) sont à déconseiller hors période de solde, vous pouvez trouver mieux chez la concurrence.

Points positifs

- Une gamme très complète

- Un taux de défauts qui semble inférieur à Meermin

- Un service client assez réactif

Points négatifs

- Des cuirs pas terribles

- Des plus en plus de modèles en Blake avec fausse trépointe (même pas du Blake rapid)

- Se limiter aux modèles les moins chers

En dessous de 300 euros, on a pas de pétrole mais on a des idées.

C’est probablement l’une des gammes de prix les plus compétitives avec un nombre incroyable de marques d’où la nécessité de faire le tri. Il existe des dizaines de private labels qui font produire chez Sendra à ce tarif, n’espérez pas trouver le Graal mais en cherchant bien il y a plein de chaussures correctes.

YANKO

94eTgZm

Prix aux alentours de 280€

Un ancien géant de la chaussure majorquine qui s’est effondré et peine à se relever. La concurrence est rude dans cette gamme et Yanko est un ton en dessous de TLB et de Carmina mais fait jeu égal avec Sendra. La marque reste néanmoins intéressante, surtout en période de solde. Un détail important, la marque taille grand. La distribution en France est inexistante et il faudra passer par des revendeurs tiers, les prix peuvent donc varier fortement d’un revendeur à un autre. Le style est très majorquin, ça plaît à certains et pas à d’autres.

Points positifs

- Bon rapport qualité prix surtout en solde

- Des modèles intéressants et variés

Points négatifs

-Une distribution confidentielle

- Des cuirs pas toujours au niveau

- Un parc de formes assez limité

SENDRA

Gv68CQb

Prix aux alentours de 280€

La marque d’une usine qui fabrique pour énormément de clients en private label. Si vous avez du JFitzpatrick, Septième Largeur, Sons of Henrey, Morjas, Markowski, Cobbler Union et j’en passe vous avez du Sendra. La marque Sendra est intéressante car elle est relativement méconnue, probablement qu’ils évitent de faire trop de communication pour ne pas faire d’ombre à leurs clients en private label. Les modèles sont assez classiques, ils proposent un service de patine comme leur client 7L (quelle surprise). La distribution est assez confidentielle en France, il faut passer directement par leur site. À noter que leur production en nom propre ne montre pas l’étendue des capacités de l’usine, les modèles sont cousu rainette, avec contreforts en celastic alors que l’usine propose du cousu sous gravure et des contreforts en salpa à ses clients en private label. Probablement une histoire de positionnement tarifaire.

Points positifs

- Du Sendra directement sorti d’usine, sans avoir à payer pour la comm à la con

- Une section outlet sur le site et des soldes assez fréquentes

- Une section MTO/Custom pour ceux que ça intéresse

- Et pour ceux qui ne sont pas satisfaits, il reste leur vaste panel de marques en private label

Points négatifs

- Le cahier des charges moins qualitatif que pour certains de leur private label

- Le cuir est d’une qualité variable mais n’est jamais très bon

En dessous de 400 euros, pas encore du champagne mais certainement pas de la pisse.

Beaucoup de marques ibériques se battent dans ce créneau, avec un peu de chance vous pouvez faire de bonnes affaires. Profitez-en tant que ça dure, ce segment tarifaire a tendance à être assez cruel pour les entreprises qui se ratent.

CARLOS SANTOS

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Prix aux alentours de 350€

L’usine de Carlos Santos (Zarco) produit pour énormément de marques en private label mais elle produit également en nom propre. Que ce soit pour sa propre marque comme pour ses clients, Carlos Santos dispose d’au moins 4 lignes différentes, son cousu Blake, Goodyear rainette, Goodyear sous gravure (Handgrade) et la Handcrafted. La ligne Blake est à oublier. Celle en GW rainette est correcte mais globalement inférieure à Carmina ou TLB. Le véritable intérêt de la marque est avec les deux dernières lignes. La Handgrade se trouve aux alentours de 400€ et est similaire à ce que propose Carmina (même si un peu en dessous). La Handcrafted est aux alentours de 600€. Les modèles en Handcrafted sont difficiles à trouver mais sont d’une excellente qualité JM legazel en propose quelques-uns mais sous leur nom et non sous le nom Santos ce qui est dommage car les modèles de Santos sont en général plus sobres. Sans surprise la marque taille un peu plus grand que la moyenne.

Points positifs

- Beaucoup de lignes de formes et de modèles

- La ligne Handcrafted de très bonne qualité mais difficile à trouver

- Un vaste panel de marques en private label

Points négatifs

- La distribution des lignes les plus intéressantes (Handgrade et Handcrafted) est anecdotique et floue.

- Un réseau de revendeur assez vaste mais qui change assez souvent et une politique commerciale illisible.

- La ligne Blake est à oublier

TLB MALLORCA

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Prix aux alentours de 400€

TLB est une marque assez récente fondée par des anciens de Yanko (d’où la ressemblance sur les patronages). La marque fabrique pour quelques private labels mais elle offre en son nom propre deux lignes, l’une classique à 300€ (hors taxe) et l’autre dite “Artista” à partir de 350€ (hors taxe). C’est cette dernière qui est la plus intéressante. Son objectif était de repousser les limites du milieu de gamme en matière de qualité de fabrication et le pari est réussi. La construction est soignée, les contreforts sont en cuir (très rare dans cette gamme de prix), globalement il s’agit d’un très bon rapport qualité prix. Le chaussant est un peu plus large que la moyenne, et les modèles ne sont pas d’une grande originalité. La distribution est encore confidentielle, il faut passer par le site de la marque car elle ne dispose pas de boutique en nom propre.

Points positifs

- La gamme Artista et son attention aux détails sur la construction (contreforts cuir, anti-glissoires…)

- Un service client réactif et amical

- Un service MTO qui comprend la gamme Artista

Points négatifs

- Une politique tarifaire confuse. On ne sait pas bien si la ligne Artista sert de vitrine pour la ligne classique ou si cette dernière sert de produit d’appel pour l’Artista.

- Une distribution encore assez limitée et un parc de forme très réduit pour ne pas dire rachitique (2 formes, 4 largeurs...)

- Une sélection de cuirs limitée

CARMINA

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Prix aux alentours de 400€

L’une des marques les plus populaires du milieu de gamme, et pour cause, les montages sont très corrects, les finitions sont bonnes, le parc des formes et modèles très développé. Certains murmurent que c’est trop beau pour être vrai et que les modèles ne sont peut-être pas fabriqués en Espagne mais en Chine, faute de preuve pour l’instant il ne s’agit que d’une rumeur. Carmina demeure une valeur sure, mais la marque a intérêt à ne pas se reposer sur ses lauriers, la concurrence a les dents longues et il y a quelques aspects ou elle n’est plus à la pointe. La marque dispose d’une boutique à Paris qui est bien tenue et qui propose un service de qualité. L’achat en ligne est en revanche déconseillé, les cuirs de la marque ne sont pas toujours au niveau et choisir en boutique est votre meilleure garantie d’avoir une paire qui soit satisfaisante.

Points positifs

- Gros parc de formes et de modèles

- Un service MTO très complet (attention cependant à la qualité des cuirs)

- Bonne qualité de fabrication…

Points négatifs

- … mais qui stagne

- Les cuirs un peu moyens, l’achat en boutique est à privilégier

- Le service client en ligne d’une qualité variable

En dessous de 600 euros, Georges Abitbol serait presque fier de vous.

On commence à arriver dans une gamme de prix où les chaussures sont beaucoup plus intéressantes. On s’éloigne un peu de la dimension purement utilitaire de la chaussure pour s’approcher un peu plus de l’objet plaisir sans qu’on soit encore dans le “luxe”.

CROCKETT & JONES

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Prix aux alentours de 500€

Il s’agit d’une marque dont la réputation dépasse un peu la qualité réelle des produits. Non que C&J fasse de mauvaises chaussures loin de là, mais le rapport qualité prix n’est pas le meilleur du segment. La marque dispose de deux gammes, la main line et la handgrade. La handgrade dépasse le cadre de ce guide en matière de budget et nous n’allons pas l’aborder. La main line est en dessous des concurrents directs de la marque en matière de construction. Au regard du prix payé les finitions sont grossières (couture petit point pas toujours soignée, cousu Goodyear sous rainette et non sous gravure, couche point non aligné) mais le cuir est d’une qualité très correcte. La distribution de la marque est aléatoire et la possibilité de commander sur le site par mail order est risible à notre époque. Il n’y a en revanche aucun reproche à faire à la collection, la marque dispose de beaucoup de modèles tailles et formes, dont probablement les meilleures boots d’inspiration rurale qui existent (Coniston, Aldershot Snowdon…).

Points positifs

- Les boots !

- Le cuir de meilleur qualité que les concurrents Majorquins

- Le large choix de formes, tailles et modèles

Points négatifs

- La qualité de fabrication (et de finition) pas au niveau

- Le cousu rainette à ce niveau de prix, sérieusement ?

ALFRED SARGENT

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Prix aux alentours de 540€

Alfred Sargent est une marque qui ne bénéficie pas de la même popularité d’une marque comme C&J par exemple, et c’est bien dommage. Il s’agit selon nous de l’une des meilleures marques anglaises dans cette gamme de prix, si ce n’est la meilleure marque. Pour l’anecdote, l’usine de Sargent était celle qui assurait la production des chaussures de Gaziano & Girling avant que la marque n’acquiert leur propre unité de fabrication. La gamme d’Alfed Sargent s’articule autour de 3 lignes, la main line, l’exclusive et la handgrade. Nous n’allons pas aborder la handgrade qui sort du budget de ce guide, mais elle offre un excellent rapport qualité/prix. La main line et l’exclusive sont également de très bonne facture, très largement au-dessus de la main line proposée par C&J en matière de montage et cela pour un prix similaire ou très légèrement supérieur. Le cuir est de qualité équivalent à C&J. Depuis le rachat par Bowen, la marque est plutôt bien représentée à Paris. En revanche, la politique de distribution via les revendeurs tiers est confuse et les prix disparates, il est possible comme chez C&J de commander directement sur le site via mail order.

Points positifs

- Très bonne qualité de fabrication

- La ligne exclusive

- Un excellent rapport qualité/prix pour une marque anglaise

Points négatifs

- Une distribution qui pourrait encore être améliorée

- Seulement 4 formes dont 3 pour l’exclusive

- Plus de modèles pour la gamme exclusive, please.

VASS

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Prix aux alentours de 560€

Vass a une excellente réputation dans le milieu du soulier, et sans aller dire qu’elle n’est pas justifiée elle est probablement un peu exagérée. La marque propose définitivement des souliers très intéressants, mais derrière les arguments marketing se cachent une réalité commerciale pas toujours au niveau. Certes, les montages sont effectués en partie à la main (trépointe cousue main, couture petit point faite machine) mais sont d’une qualité variable. La marque a eu une certaine difficulté à s’adapter à son gain exponentiel de popularité et cela se ressent au niveau de la politique commerciale. Le site internet est difficile à trouver et est le meilleur canal pour obtenir les prix les plus compétitifs. Il existe quelques revendeurs mais certains ont des prix délirants (Vass via Ascot shoes). En fonction du prix auquel vous trouvez votre paire, le cuir va de passable à très correct. Il ne fait aucun doute que la marque propose une offre qui est vraiment de très grande qualité, surtout en période de solde où le rapport qualité/prix peut être extrêmement avantageux.

Points positifs

- Un montage en partie fait main

- Semelles J. Rendenbach sur énormément de modèles

- Les embauchoirs sont inclus dans le prix

- Beaucoup de modèles et de formes

Points négatifs

- Les montages ne sont pas toujours bien soignées

- Une politique de distribution illisible. Pour la gamme classique les prix vont de 250€ (en solde) à plus de 900€ en fonction des revendeurs sans qu’il n’y ait d’explication valable en dehors de la marge.

- Un service client d’un autre temps, avec des délais parfois longs surtout pour la livraison des paires achetées directement sur leur site.

JACQUES ET DÉMÉTER

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Prix aux alentours de 560€

Jacques et Déméter est une marque un peu à part sur le marché. D’un part, il s’agit d’un private label fabriqué par Malinge, une petite usine de l’Ouest de la France. D’autre part son placement tarifaire est au-dessus de ce que fait la majorité des private labels. Les chaussures de Jacques et Déméter se démarquent surtout par la qualité de leur montage, pour le prix proposé, les montages sont parmi les meilleurs. La marque propose notamment des murs de montage mixtes (à savoir gravurés et entoilés) d’une très belle facture. Beaucoup de marques dans le même segment de prix voire même au-dessus ne sont pas aussi qualitatives. Il est dommage que les finitions ne bénéficient pas du même traitement, ces dernières sont parfois un peu moyennes. En ce qui concerne les cuirs, ces derniers sont bons, mais le travail des tiges n’est pas irréprochable. La marque propose surtout des modèles d’inspiration workwear, idéal si c’est ce que vous cherchez, dommage si ce n’est pas à votre goût. Jacques et Déméter ne dispose pas d’une boutique, mais la marque possède un showroom, vous pouvez y accéder sur rendez-vous pour essayer les paires.

Points positifs

- L’excellence du montage

- Les cuirs sont bons mais une baisse de qualité a été observée récemment

- Beaucoup de workwear

Points négatifs

- Trop de workwear

- Des finitions perfectibles

Les arnaques dans le milieu de la chaussure

Avant-propos

Chaque industrie a ses petits secrets, mensonges et autres combines. Parfois cela prend des proportions amusantes, souvenez-vous de Volkswagen il y a de cela quelques années et de leurs petits problèmes d’émissions…. Ou encore des lasagnes de bœuf Spanghero contenant en fait de la viande de cheval. Je doute que même en axant sa communication sur les amateurs de cordovan la marque eu trouvé beaucoup de sympathie. Voilà deux exemples d’entreprises qui je n’en doute pas devaient beaucoup communiquer sur l’environnement, le bien-être et je ne sais encore quel concept post-moderne pour idiots utiles.

Le marketing fait partie de notre vie quotidienne, il est partout et dans une certaine mesure nous sommes tous plus ou moins au courant de son influence sur nos décisions. Il a conquis toutes les classes de la population, toutes les ramifications du pouvoir, toutes les couches des médias, la communication c’est la vie. Il faut être lucide, si la publicité au sens large n’était pas efficace, cela fait bien longtemps qu’elle aurait cessé d’exister. Au contraire, au fil des années elle est devenue plus pernicieuse, plus influente, elle est plus omniprésente que jamais. Avec le développement de l’internet et des réseaux sociaux ses supports se sont multipliés, elle existe maintenant sous la forme de sponsorisation, de contenu ciblé basé sur vos habitudes de navigation…. L’information elle-même a changée, elle est petit à petit devenue une distraction, pour devenir ce nouveau Leviathan qu’est “l’infodivertissement” ou “big media”. Et tout cela marche, la preuve il y a des cons qui achètent bien des véhicules électriques de leur plein gré en s’imaginant qu’ils vont sauver le monde, les gosses qui bossent dans les mines de cobalt Congolaises leur en sont reconnaissants. D’autant que les batteries ça explose, Dirnelli en sait quelque chose.

Vous vous imaginez que nos problèmes de chiffons et autres savates est épargné par ces questions ? Parce que se donner une image de gentilhomme et parler “d’élégance” est peut-être un antidote contre la vie moderne ? Heureux les simples d’esprit. La pourriture est partout, même chez les sacs à foutre qui s’autoproclament “Lord”, “Gentleman”, “Snob” et autres titres plus cons les uns que les autres. Ils ont tous tellement vendu leur cul à droite et à gauche qu’ils sont des cuvettes de chiotte de gare, l’expression ne vient pas de moi, elle est d’un célèbre client d’Arnys dont la verve était inversement proportionnelle au goût vestimentaire. Pour vous piquer de la thune, tous les moyens sont bons, dans le monde actuel pour vendre de la merde il suffit de faire une chaine youtube, être bobo compatible, avoir le tutoiement facile et l’air un peu pé… inoffensif. Succès garantis. Pour asseoir votre légitimité vous pouvez dire ensuite que vous avez visité tous les magasins d’usine de Northampton et que vous avez été au championnat du monde de patine, ça épatera la galerie.

La communication visuelle en politique est un élément important. Par exemple le costume mal coupé de Macron avec ses revers étriqués et sa cravate slim ont pour objectif de lui donner un air jeune, contemporain, entreprenant. L’homme de la situation quoi. (source : l’express)
La communication visuelle en politique est un élément important. Par exemple le costume mal coupé de Macron avec ses revers étriqués et sa cravate slim ont pour objectif de lui donner un air jeune, contemporain, entreprenant. L’homme de la situation quoi. (source : l’express)
Vous doutez de la pertinence du propos ? Demandez-lui ce qu’il en pense. En politique bien s’habiller peut nuire à une carrière. (source : le parisien)
Vous doutez de la pertinence du propos ? Demandez-lui ce qu’il en pense. En politique bien s’habiller peut nuire à une carrière. (source : le parisien)

Il faut bien comprendre que le problème ne réside pas tant dans le besoin de faire de la communication pour vendre un produit ou une marque, tout le monde comprend l’importance du marketing dans le monde actuel. Non, le problème réside dans la nature même de la communication et bien souvent des différents messages qu’elle tente de faire passer, de suggérer et des pratiques commerciales qui en découlent.

Énormément de marques cherchent à se donner une image de proximité, de respectabilité, de luxe, ou encore de petit artisan. Elles emploient des expressions bien souvent galvaudées, dithyrambiques, parfois même totalement mensongères et frauduleuses qui visent à faire passer leurs produits pour ce qu’ils ne sont pas. Et cela dans l’impunité la plus totale. Car ceux qui savent acceptent sans broncher, et ceux qui ne savent pas se font berner. Les premiers peuvent passer leur chemin, je vois déjà venir les remarques, “sans communication rien ne se vend”, “ouais mais il n’y a que les idiots pour croire ce genre de trucs, la com ça ne marche pas avec moi”, ou “non mais tout ça on le sait déjà, il n’y a rien de neuf” venant des types qui achètent des t-shirts en poil de cul de Yak vendus grâce à la com 2.0 des soy boys à moustache ou de ceux qui ont fait prospérer pendant des années et continuent de le faire le blog du cher Hugo.

Ce “blog” est en réalité un outil marketing utilisé pour faire de la publicité déguisée, du native advertising (moi aussi je parle Anglais bro) à un certain nombre de marques bien connues. Il est amusant de voir cette même personne quémander de l’argent sur Patreon pour sa liberté d’expression alors que son média fait déjà vivre confortablement grâce à sa servilité commerciale une petite famille et cela depuis plusieurs années maintenant. Petite famille qui est en réalité bien utile pour signer les documents légaux puisque le personnage a été interdit de gestion suite à l’étrange faillite de sa précédente société. Il est également en faillite personnelle, et ce jusqu’en 2026. La faillite perso en costume Cifo, c’est aussi honnête qu’une vielle putain qui exige de se marier en blanc alors qu’elle a 30 ans de rue Saint Denis derrière elle.

Bref, on ne peut satisfaire tout le monde, en revanche on peut toujours casser des sales gueules, et en ce début d’année, c’est distributions de mandales gratuites. “Je ne te dis pas que c’est pas injuste, je te dis que ça soulage”. De plus un tour sur les sites généralistes ou une rapide discussion entre amis montrera qu’en réalité seule une petite minorité de gens connaissent les coulisses du milieu. La majorité ne sait pas faire la différence entre une crème et un cirage et est une proie facile pour les vendeurs de babouches et leurs rabatteurs de l’internet.

Le genre de discours ronflant qui coche à peu près toutes les cases et que l’on trouve sur tous les sites ou presque. On y parle de famille, de tradition, d’héritage de qualité etc etc. Pour des chaussures d’entrée de gamme fabriquées en Chine. (source : meermin)
Le genre de discours ronflant qui coche à peu près toutes les cases et que l’on trouve sur tous les sites ou presque. On y parle de famille, de tradition, d’héritage de qualité etc etc. Pour des chaussures d’entrée de gamme fabriquées en Chine. (source : meermin)
La même version chez les Italiens de Velasca. Là encore on coche les mêmes cases. Il est amusant de voir que moins les pompes sont chères plus le discours est pompeux. Ils doivent probablement essayer de compenser quelque chose qui leur fait défaut… (source : velasca)
La même version chez les Italiens de Velasca. Là encore on coche les mêmes cases. Il est amusant de voir que moins les pompes sont chères plus le discours est pompeux. Ils doivent probablement essayer de compenser quelque chose qui leur fait défaut… (source : velasca)

Comment se différencier quand toutes les marques copient les mêmes designs ?

Il existe un phénomène amusant dans le milieu de la chaussure industrielle, il ne semble pas y avoir le moindre respect pour l’originalité d’un design. Toutes les marques se copient entre elles. Tout a déjà été fait en matière de chaussure. TOUT. Pour la simple raison que les qualités esthétiques demeurent permanentes à travers les époques. Les styles peuvent changer, les détails peuvent aller et venir, mais la beauté est intemporelle. Tout ça ce n’est pas de moi, c’est du Roger Scruton.

Dès lors ce n’est pas pour rien que toute les marques font et refont les mêmes modèles année après année. Elles se copient toutes, parfois à l’absurde. Dès qu’un modèle rencontre une certaine popularité, vous pouvez être certain que toutes les autres marques vont rapidement en sortir leur version. Parfois certains se croient plus malins que les autres et sous prétexte d’originalité vont aller pomper les catalogues de mode des années 30/40 pour ressortir des styles qui prenaient un peu la poussière. D’autres sont plus honnêtes et revendiquent pleinement leur inspiration dans le passé. Mais le résultat est le même, la chaussure est un milieu terriblement cyclique.

Quant aux grands groupes cosmopolites du “luxe”, ils tentent de se réinventer pour séduire une nouvelle clientèle dont le manque de goût reflète très souvent un cortex préfrontal sous développé, pour ne pas dire simien. Ils tentent de se débarrasser de leur image historique, qui sent un peu trop le monde d’autrefois. Ce monde qui est aujourd’hui considéré comme nauséabond et est contreproductif sur le plan de l’image globale, ils engagent alors de jeunes designers très talentueux qui pensent pouvoir élever leurs étrons au rang d’œuvre d’art juste parce qu’ils collent un grand nom dessus et qu’ils conceptualisent le truc.

Un problème d’inspiration dans le monde de la chaussure ? La Galway est le modèle originel. (source: lof&tung, carlos santos, edward green).
Un problème d’inspiration dans le monde de la chaussure ? La Galway est le modèle originel. (source: lof&tung, carlos santos, edward green).
Vous ne me croyez pas? Vraiment? De gauche à droite et de haut en bas vous avez : Edward Green Galway, Lof & Tung Kingsley, Meermin 101518, Saint Crispin Mod 620, Enzo Bonafe Shell, Allen Edmond Sullivan St, Meccariello Evocatus, Vass Valway, Carlos Santos Field Boots. Les prix vont approximativement de 200 à 1500 euros. Mention spéciale au nom trouvé par Vass pour leur paire. Ils changent une lettre, à croire qu’ils aiment bien troller. (source: reddit)
Vous ne me croyez pas? Vraiment? De gauche à droite et de haut en bas vous avez : Edward Green Galway, Lof & Tung Kingsley, Meermin 101518, Saint Crispin Mod 620, Enzo Bonafe Shell, Allen Edmond Sullivan St, Meccariello Evocatus, Vass Valway, Carlos Santos Field Boots. Les prix vont approximativement de 200 à 1500 euros. Mention spéciale au nom trouvé par Vass pour leur paire. Ils changent une lettre, à croire qu’ils aiment bien troller. (source: reddit)
Weston qui rit. La marque s’imagine être maligne en enregistrant sa 180 comme dessin et modèle. (source : inpi)
Weston qui rit. La marque s’imagine être maligne en enregistrant sa 180 comme dessin et modèle. (source : inpi)
Weston qui pleure. Arrêt de rejet de la Cour de cassation qui fait suite à la procédure judiciaire intentée par Weston contre Paraboot pour avoir copié la 180. (source : légifrance)
Weston qui pleure. Arrêt de rejet de la Cour de cassation qui fait suite à la procédure judiciaire intentée par Weston contre Paraboot pour avoir copié la 180. (source : légifrance)
John Lobb qui recrute Paula Gerbaise pour repomper des modèles chez Herring. (source : john lobb)
John Lobb qui recrute Paula Gerbaise pour repomper des modèles chez Herring. (source : john lobb)
Le modèle qui sert d’inspiration. Je suis certains que les grand “designer” méritent leur salaire, c’est du boulot d’aller piquer les modèles des autres. (source : herring).
Le modèle qui sert d’inspiration. Je suis certains que les grand “designer” méritent leur salaire, c’est du boulot d’aller piquer les modèles des autres. (source : herring).
Si ça vous amuse vous pouvez jouer aux jeux des 7 erreurs. (source : reddit)
Si ça vous amuse vous pouvez jouer aux jeux des 7 erreurs. (source : reddit)

Non, vos chaussures ne sont pas faites à la main.

Révélation. Choc. Horreur. Riez tant que vous voulez, certaines personnes ne le savent pas. Il ne faut pas oublier qu’à une époque où l’écrasante majorité de la population s’habille comme des ados attardés le business des boutiques de costumes et de souliers est en très grande partie alimenté par les mariages. Des clients qui achètent plus pour l’évènement que par un intérêt réel sur le produit.

Cela fait de la peine de devoir le rappeler, mais malheureusement l'utilisation du terme "fait main" pour des chaussures industrielles vendues quelques centaines d’euros n’est pas rare, elle est même devenue très courante. Le phénomène n’est pas réservé à la chaussure, vous avez la même chose pour les costumes, chemises et autres pantalons. Cette tendance est intolérable car elle est un doigt d’honneur adressé aux artisans qui à force d’effort, d’ampoules et de sueur proposent des produits qui sont réellement réalisé à la main et dont l’expérience et le savoir-faire sont uniques. Ce n'est pas parce qu'un ouvrier (même très qualifié) est assis devant une machine, touche une chaussure avec ses mains et la guide dans une machine que la chaussure en question est faite main. Ce n’est pas exactement comme cela que la fabrication d’une chaussure à la main fonctionne.

Appréciez l’ironie entre le titre “italian handmade” avec une personne travaillant à la machine en dessous et le pire c’est que ça ne les dérange même pas. Velasca est l’une des marques d’entrée de gamme avec la communication la plus mensongère qui existe dans ce domaine. Chez les Italiens c’est presque un sport national. (source : velasca)
Appréciez l’ironie entre le titre “italian handmade” avec une personne travaillant à la machine en dessous et le pire c’est que ça ne les dérange même pas. Velasca est l’une des marques d’entrée de gamme avec la communication la plus mensongère qui existe dans ce domaine. Chez les Italiens c’est presque un sport national. (source : velasca)
Morjas, la marque d’entrée de gamme Suédoise qui fait fabriquer “à la main” chez Sendra. (source : morjas)
Morjas, la marque d’entrée de gamme Suédoise qui fait fabriquer “à la main” chez Sendra. (source : morjas)
Pour mémoire Sendra c’est ça. Une usine massive qui sert à la fois pour les chaussures et les bottes d’Andrès Sendra mais qui produit également pour au moins 18 marques différentes en private label et aucune des chaussures ne sont faites “à la main”. (source : sendra)
Pour mémoire Sendra c’est ça. Une usine massive qui sert à la fois pour les chaussures et les bottes d’Andrès Sendra mais qui produit également pour au moins 18 marques différentes en private label et aucune des chaussures ne sont faites “à la main”. (source : sendra)
Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin pour trouver des marques qui nagent en plein délire. Dans l’hexagone on a aussi notre lot d’affabulateurs. (source : emling)
Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin pour trouver des marques qui nagent en plein délire. Dans l’hexagone on a aussi notre lot d’affabulateurs. (source : emling)

Qu’est-ce qu’une chaussure faite main ? Vaste question à laquelle il n’existe pas véritablement de réponse. Si j’étais un gros apparatchik siégeant au parlement Européen, j’aurais énormément de temps libre pour composer une définition aussi alambiquée qu’inutile mais je n’ai malheureusement pas ce loisir et je vais donc aller droit au but. Au sens le plus strict une chaussure faite main doit être intégralement réalisée à la main. De la création de la forme aux finitions. C’est la définition la plus objective qui soit.

À mon sens, et c’est là une définition personnelle, il faut que les principales étapes de fabrication soient faites à la main. Le levage du cuir, la mise en forme, le montage… Mais cela n’est que ma définition et cette dernière est plus laxiste. Il semble en revanche qu’il soit plus facile de déterminer ce que n’est pas une chaussure faite à la main, c’est une chaussure où la majorité des étapes sont faites à la machine. Soyons clair, si vous avez acheté vos chaussures dans un grand magasin, elles ne sont pas faites à la main. Si elles coûtent moins de 1500€, elles ne sont pas faites à la main… Certaines étapes peuvent être faites à la main, mais dans la chaussure industrielle, pratiquement aucune marque ne peut prétendre à une réalisation à la main de façon bottière, à l’exception peut-être de certains modèles spécifiques tel que la Chasse de Weston par exemple.

Ce problème n’est pas limité aux nouvelles marques “sans intermédiaire” dont les chaussures sont fabriquées en Espagne ou au Portugal, non, certaines marques comme Crocket & Jones font la même chose. Tout en présentant sur leur site internet les différentes étapes de fabrication réalisées comme il se doit…à la machine. La dissonance cognitive ne semble pas les déranger, je suis certains qu’ils arriveraient à se trouver une excuse à la con pour tenter de se justifier. En même temps on parle d’une marque qui fait sa communication sur le fait d’être le fournisseur des pompes de James Bond, niveau plouquerie, on est pas loin de dépasser Alden.

Même les marques dites premium ne vendent pas des chaussures faites à la main. Certaines n’hésitent pas à le prétendre, surtout chez les Italiens mais chez eux tout est fait main. La Madonna que c’est vrai. Même la déclaration de revenus de Meccariello elle doit être fait main…. contrairement à ses chaussures PAP. Loin de moi l’idée de lui reprocher de tromper le fisc, mais tromper les clients c’est tout de suite moins noble. D’autres en revanche sont beaucoup plus transparentes avec leur clientèle, des grandes maisons comme Edward Green, John Lobb ou Corthay ne mentionnent pas dans leur communication que les chaussures sont faites à la main. Leur nom suffit à imposer le respect, elles n’ont pas besoin de compenser par quelques artifices. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de reproche à faire sur leur production en PAP, mais l’honnêteté sur le domaine de la fabrication est au moins très louable.

Il n’existe pas de solution à cette tendance de vouloir tout étiqueter “fait main”, la seule chose à faire est d’être au courant que ce n’est bien souvent que de la fumisterie. Un bottier met entre 40 et 60 heures pour fabriquer une chaussure, il faut être idiot pour s’imaginer que des usines qui sortent des dizaines de milliers de paires par an passent autant de temps sur leur fabrication. Documentez-vous, lisez notre article sur ce qu’est un soulier de qualité et la prochaine fois qu’un vendeur vous dit que les chaussures sont “fait main” faites-lui avaler ses mensonges à grand coup de chausse pied dans les genoux.

Un exemple intéressant, Central Shoes au Japon. Le montage est effectué partiellement à la machine (mur collé) et partiellement à la main. Est-ce que la chaussure est fait main ? Non mais l’usine ne le revendique pas. Elle fabrique essentiellement pour des clients en private label. (source : shoegazing)
Un exemple intéressant, Central Shoes au Japon. Le montage est effectué partiellement à la machine (mur collé) et partiellement à la main. Est-ce que la chaussure est fait main ? Non mais l’usine ne le revendique pas. Elle fabrique essentiellement pour des clients en private label. (source : shoegazing)
La même marque finit également les lisses à la main, ce qui n’est pas courant dans leur segment de prix. Ce n’est pas parce qu’une chaussure sort d’un atelier qu’elle est faite intégralement à la main. De la même façon, ce n’est pas parce qu’une chaussure est faite à la machine que certaines étapes ne peuvent pas être faites à la main. (source : shoegazing)
La même marque finit également les lisses à la main, ce qui n’est pas courant dans leur segment de prix. Ce n’est pas parce qu’une chaussure sort d’un atelier qu’elle est faite intégralement à la main. De la même façon, ce n’est pas parce qu’une chaussure est faite à la machine que certaines étapes ne peuvent pas être faites à la main. (source : shoegazing)

Les subs, fin de séries, dernières paires, soldes, rabais, outlet….

Il s’agit d’un sujet au final assez trivial mais qui est souvent la cause de problèmes, surtout avec la généralisation de la vente en ligne et des marques qui ne disposent pas de boutiques physiques. Il arrive assez souvent que les marques se débarrassent de leurs modèles avec des défauts durant ces occasions sans en informer le client. C’est un petit mensonge d’omission sans grande conséquence tant que les défauts ne sont que cosmétiques, mais la pratique s’est répandue et a atteint des proportions assez désagréables.

Vous imaginez bien qu’une usine qui produit plusieurs milliers, quand ce n’est pas centaine de milliers, de paires par an n’est pas en mesure de contrôler chaque paire individuellement. Il arrive donc que certaines paires avec des défauts soient livrées au client. Une fois que le client a réceptionné cette paire, s’il constate des défauts manifestes, il va tenter de la renvoyer ou de négocier une remise. À moins que vous n’ayez acheté une paire de Meermin, dans quel cas il vous faudra menacer le service client de mort par lingchi avant d’avoir la moindre chance d’espérer un geste commercial, normalement la majorité des marques sont assez réactives et raisonnables.

Mais qu’advient-il de la paire incriminée ? Elle est le plus souvent revendue, c’est aussi simple que ça. Soit lors d’une solde, d’un outlet… Les fins de séries permettent en général aux marques d’écouler leur stock de paires avec des défauts. Il faut simplement être au courant de ce fait, certaines marques identifient leur subs, soit par un “S” ou un “R” (pour reject) voire plus simplement par un point ou un autre signe distinctif. Toutes les marques et autres revendeurs ne refourguent pas des paires défectueuses pendant des soldes, mais il est bon de rester sur ses gardes.

Le business des privates labels, ces marchands du temple qui vous prennent souvent pour des cons.

Si vous avez lu notre article sur ce qu’est un soulier de qualité (encore lui), vous savez qu’il faut faire la différence entre une marque de chaussure et un fabricant de chaussure. Beaucoup de gens ignorent que nombre de marques de chaussures ne fabriquent pas leur produit. Ce qui n’est en soit pas un problème, la sous-traitance dans le monde des souliers n’est pas nouvelle et existe même en grande mesure. Mais alors, où est l’enculade vous allez me dire ? Car enculade il y a. Pour bien comprendre comment fonctionne l’industrie du soulier il faut connaître les différents modèles économiques qui existent pour faire des shekels.

Il y a tout d’abord les fabricants (ceux qui possèdent une usine donc) et revendent via un réseau de distribution. Ce réseau peut être externe, via des distributeurs, c’est le modèle classique. C’est le cas par exemple d’Edward Green, Corthay, Crockett & Jones... dont vous pouvez trouver les pompes un peu partout. Mais il peut aussi être interne comme c’est le cas avec Meermin dont les produits ne se trouvent que dans le réseau de la marque.

Certains fabricants vendent également en interne et en externe, mais ils se confrontent à un problème, la marge de leur distributeur. Les distributeurs externes revendent en faisant une marge, ce qui implique donc que leur prix soit plus cher qu’en réseau interne. C’est pour cette raison par exemple que Crockett & Jones n’a pas une site de vente en ligne digne de ce nom et n’offre que la possibilité de passer une commande par mail order. C’est totalement désuet, c’est très British et par conséquent c’est donc très con. Mais ils font cela pour préserver leurs distributeurs, ce qui explique aussi en partie pourquoi Crockett & Jones, c’est cher pour ce que c’est. Cela ne veut d’ailleurs pas nécessairement dire qu’un réseau de distributeur interne soit meilleur pour vous en tant que client, puisque cela permet à la marque de mieux contrôler sa marge et donc ses profits, la balance peut pencher en votre faveur comme en celle de la marque puisqu’elle a plus de liberté.

De l’autre côté de la barrière, il existe maintenant les marques en private label, celles sans usines donc, qui elles aussi ont des modèles de distribution en interne ou en externe. Par exemple Loding est une marque qui fait fabriquer ses chaussures en Inde et au Portugal, et qui ne revend qu’à travers son réseau de franchisés alors que Ralph Lauren fait fabriquer… un peu partout (Edward Green, C&J...) et revend de la même façon un peu partout. Jusque-là, tout va bien. Au début des années 2000 l’offre en private label a commencé à se démocratiser avec de plus en plus de marques qui se lançaient et le mouvement a rapidement prit de l’ampleur. À tel point que maintenant si à votre sortie d’école de commerce vous n’avez toujours pas votre marque de chaussure, vous êtes un trou du cul. D’aucuns dira que vous l’êtes peu importe que vous ayez une marque de chaussure ou pas, mais c’est un autre débat.

L’exemple typique des conneries que peuvent sortir les marques en private label. Le propriétaire (Justin Fitzpatrick dans notre cas) raconte contrôler et surveiller toutes les étapes de la fabrication et s’assurer que tout est parfait. Alors qu’il habite à NYC et que ses chaussures sont fabriquées par Sendra en Espagne. Il est à plus de 6000 km d’une usine dont il ne contrôle ni les machines, ni les employés mais à l’entendre il est au milieu des ouvriers du matin au soir et rien ne lui échappe. (source : jfitzpatrick)
L’exemple typique des conneries que peuvent sortir les marques en private label. Le propriétaire (Justin Fitzpatrick dans notre cas) raconte contrôler et surveiller toutes les étapes de la fabrication et s’assurer que tout est parfait. Alors qu’il habite à NYC et que ses chaussures sont fabriquées par Sendra en Espagne. Il est à plus de 6000 km d’une usine dont il ne contrôle ni les machines, ni les employés mais à l’entendre il est au milieu des ouvriers du matin au soir et rien ne lui échappe. (source : jfitzpatrick)

La croissance exponentielle de ces marques en private label s’est accompagnée d’un problème de différenciation. Ils font tous produire dans les mêmes usines, plus ou moins selon le même cahier des charges et plus ou moins avec les mêmes cuirs et formes… le produit final sans être identique est très similaire pour tout le monde.

Dès lors, comment convaincre les gens d’acheter vos pompes si tout le monde fait la même chose ? Fabriquer des modèles originaux ? Nous l’avons déjà dit, c’est mal connaître le monde de la chaussure, tous se copient, s’observent et se pillent. La solution ça a été de se différencier sur la communication, c’est la façon la plus facile de “marketer” un produit dont les qualités sont majoritairement invisibles aux yeux des clients.

Le racolage façon Velasca. Le type est un ancien banquier, le tapinage ça le connaît. La communication c’est le nerf de la guerre. (source : styleforum)
Le racolage façon Velasca. Le type est un ancien banquier, le tapinage ça le connaît. La communication c’est le nerf de la guerre. (source : styleforum)

Qu’est-ce qu’un private label et comment ça marche ?

Il existe moins de fabricants que de marques, car cela demande un investissement lourd en machine, personnel… Pour donner un exemple Meermin, Carlos Santos, TLB Mallorca, Andres Sendra, Barker, Edward Green, Crockett & Jones, Allen Edmonds, Alden, JM Weston, Carmina, Gaziano & Girling, Santoni, Corthay, Alfred Sargent, Churh’s, John Lobb Paris, Vass possèdent tous leur propre usine quand ils n’en possèdent pas plusieurs, parfois dans des pays du tiers monde. Et il existe beaucoup d’autres fabricants. Le fait de posséder sa propre usine n’indique pas nécessairement que les produits sont de qualités, certaines des marques citées sont d’ailleurs médiocres, néanmoins cela indique que ces marques ont un contrôle total de leur outil de production, elles sont responsables de tous les aspects qui entrent dans la conception d’une chaussure.

Pour des raisons stratégiques et commerciales il arrive que ces usines décident d’assurer la production de chaussures pour d’autres marques que les leurs. Qui produit pour qui c’est un secret de polichinelle dans le milieu. Très peu de marques révèlent qui est leur fabricant, parce que bien souvent ça détruirait leur communication à base d’image d’Epinal. Combien de fois ais-je lu “on fait fabriquer ça par un petit atelier familial de la péninsule Ibérique” quand en fait il faut lire “c’est fabriqué en masse par Sendra”. Heureusement les privates labels c’est comme Philippe qui est devenu Emma, malgré tous les artifices mis en place il y a des éléments qui ne trompent pas sur la provenance. Voici donc une liste des principaux fournisseurs d’un certain nombre de marques.

L’usine de Carlos Santos (Zarco) au Portugal. Souvent décrite par les marques qui y font fabriquer comme “un petit atelier”, une “maison familiale” ou je ne sais encore quelle autre ineptie. C’est une usine comme il en existe des millions et c’est tout. (source : google)
L’usine de Carlos Santos (Zarco) au Portugal. Souvent décrite par les marques qui y font fabriquer comme “un petit atelier”, une “maison familiale” ou je ne sais encore quelle autre ineptie. C’est une usine comme il en existe des millions et c’est tout. (source : google)
L’histoire de Cosette Santos et de son “atelier” selon la légende officielle. (source : comme un camion)
L’histoire de Cosette Santos et de son “atelier” selon la légende officielle. (source : comme un camion)
Rien n’explique mieux le business des privates labels que cette image. L’Aston Martin se la joue tradition bottière, alors que la Toyota mise sur l’entrée de gamme. Les deux voitures sont identiques, à l’exception de quelques détails de personnalisation, la différence réside avant tout dans la marque et l’image donnée. (source : autocar)
Rien n’explique mieux le business des privates labels que cette image. L’Aston Martin se la joue tradition bottière, alors que la Toyota mise sur l’entrée de gamme. Les deux voitures sont identiques, à l’exception de quelques détails de personnalisation, la différence réside avant tout dans la marque et l’image donnée. (source : autocar)

Avant toute chose, il est important de préciser quelques points. Cette liste n’est pas exhaustive et n’est donnée qu’à titre indicatif. Certaines marques font fabriquer dans plusieurs usines, par exemple Herring fait fabriquer chez Barker, Cheaney, Loake… d’autres marques font produire en partie en Europe et dans le tiers monde, c’est le cas de Loding par exemple qui fait produire en Inde mais également chez Carlos Santos.

Cette liste se concentre sur les marques majoritairement du milieu de gamme pour deux raisons. C’est là que se trouve la majorité des marques en private label et leur prix est plus à même d’attirer les débutants, jeunes mariés et autres ploucs. Il a été décidé de se concentrer sur les marques de la péninsule ibérique en raison de leur popularité en France. Comprenez donc que beaucoup de fabricants et de marques sont absentes, par soucis de synthèse. Par exemple Edward Green a été un temps le fabricant des chaussures Ralph Lauren purple label. Mais cette ligne a également été fabriquée par Crockett & Jones et d’autres fabricants. Imaginez maintenant qu’il faut multiplier cette pratique par le nombre de marques généralistes et par leur nombre de lignes… Et enfin il est possible que certaines marques ne fabriquent plus dans les usines mentionnées, je ne démonte pas des paires tous les 4 matins pour vérifier la provenance de telle ou telle chaussure.

Carlos Santos (Portugal) : Loding, Malfroid, JM Legazel, Gustavia, Marc Guyot, Monsieur Chaussure, Emling, Stanislas “bottier”, Prince Jorge (ancienne ligne), George&Georges...

Andrés Sendra (Espagne) : JFitzpatrick, Septième Largeur, Sons of Henrey, Orban’s, Ramon Cuberta, Morjas, Markowski, Cobbler Union….

Malinge (France) : Point de Paris, Mauban, Jacques et Déméter, Corthay (dans les années 2000), Caulaincourt...

Cordwainer (Espagne) : John Foster, Shoepassion, Pertini, Finsbury...

Barker (Royaume Unis) : Charles Tyrwhitt, Caulaincourt, Bonne Gueule, Harry Rosen, Edward & James...

TLB Mallorca (Espagne) : Skolyx, Prince Jorge (ligne actuelle), Patine...

Xibao (Chine) : Yeossal, Oct. Tenth x Sons of Henrey…

Une chaussure en private label reste une chaussure industrielle comme une autre, à savoir qu’elle suit le même cycle de production, il n’y a rien de différent de ce point de vue. Les usines proposent plusieurs solutions à leurs clients, qui vont de la prise en charge complète de la production, à des cahiers des charges spécifiques qui sont en partie adaptable au besoin de chaque marque. Et c’est là que se trouve l’un des principaux griefs qu’il est possible de faire aux marques en private label. Le flou artistique qui est souvent entretenu sur la sous-traitance et la fabrication des chaussures. Cela permet à quelques malins de se donner une image premium, quand d’autres se prennent carrément pour des bottiers. Heureusement toutes les marques en private label ne sont pas des saucières à merde et certaines sont ouvertes et communiquent amplement sur leur façon de procéder.

Le délire à l’état pur, un cas pour la répression des fraudes. Être bottier ne veut pas dire “créer ses chaussures chez Zarco”. C’est pourtant ce qui est décrit ici, cette marque fait du prêt à porter en private label et non de la botterie. (source : georges&georges)
Le délire à l’état pur, un cas pour la répression des fraudes. Être bottier ne veut pas dire “créer ses chaussures chez Zarco”. C’est pourtant ce qui est décrit ici, cette marque fait du prêt à porter en private label et non de la botterie. (source : georges&georges)
Emling qui revendique la “grande tradition des maitres bottiers”. Rien que ça. Alors que c’est bien évidement une marque industrielle en private label comme beaucoup d’autres, il n’y a rien de bottier ni de traditionnel là-dedans. (source : emling).
Emling qui revendique la “grande tradition des maitres bottiers”. Rien que ça. Alors que c’est bien évidement une marque industrielle en private label comme beaucoup d’autres, il n’y a rien de bottier ni de traditionnel là-dedans. (source : emling).
Tout est fait pour évoquer au client une sorte d’imaginaire, de fantasme du “haut de gamme”. (source : malfroid)
Tout est fait pour évoquer au client une sorte d’imaginaire, de fantasme du “haut de gamme”. (source : malfroid)
Alors que la réalité c’est ça, Zarco 60 000 paires par ans pour Carlos Santos et leurs clients en private label dont Malfroid. J’entends d’ici le doux chant des machines, on peut presque sentir l’odeur de la colle. Le raffinement authentique, très certainement. (source : cmjornal)
Alors que la réalité c’est ça, Zarco 60 000 paires par ans pour Carlos Santos et leurs clients en private label dont Malfroid. J’entends d’ici le doux chant des machines, on peut presque sentir l’odeur de la colle. Le raffinement authentique, très certainement. (source : cmjornal)
Confrontation entre une paire de Malfroid (à gauche) et une paire bottière (à droite). L’intention y est mais les finitions laissent à désirer. (source : twitter)
Confrontation entre une paire de Malfroid (à gauche) et une paire bottière (à droite). L’intention y est mais les finitions laissent à désirer. (source : twitter)

Comment est fabriquée une chaussure en private label ?

Comme une chaussure industrielle classique. La seule différence réside dans le fait qu’un commanditaire (la marque) donne des instructions à un exécuteur (l’usine) sur ce qu’il désire obtenir. Il est donc possible pour le commanditaire d’influencer certains facteurs, par exemple le dessin, la forme, la sélection du cuir, voire même dans certains cas le choix des contreforts, cambrions… comme il est possible qu’il ne s’occupe pratiquement de rien, certaines usines vendant des solutions “clefs en main”.

Il n’est donc pas nécessaire d’avoir la moindre connaissance technique… ce qui explique pourquoi certaines marques font des erreurs grossières lorsqu’elles communiquent sur leurs produits, à moins qu’ils ne s’agissent de mensonges éhontés.

Il est impossible d’expliquer en détail comment chaque marque en private label est fabriquée, car il est impossible de décortiquer chaque offre proposée par chaque usine, chaque solution choisie par les différentes marques… il est en revanche possible d’expliquer avec plus de détail ce qui est modifiable par une marque en private label et ce qui ne l’est pas.

Le genre de petit détail grossier assez amusant. Les garants ont un problème d’alignement. C’est un défaut de fabrication esthétique assez commun et sans conséquence sur la longévité de la chaussure mais utiliser la paire pour une vidéo de lancement tout en tenant des propos dithyrambiques démontre bien le niveau d’incompétence complet de la marque. (source : asphalte/youtube)
Le genre de petit détail grossier assez amusant. Les garants ont un problème d’alignement. C’est un défaut de fabrication esthétique assez commun et sans conséquence sur la longévité de la chaussure mais utiliser la paire pour une vidéo de lancement tout en tenant des propos dithyrambiques démontre bien le niveau d’incompétence complet de la marque. (source : asphalte/youtube)
Un petit détail amusant, Morjas ne possède pas d’usine. Ils font fabriquer chez Sendra. Mais pour la séance photo ils ont été jusqu’à fabriquer une blouse à leur nom pour la faire endosser par l’ouvrier. Les mises en scène de ce genre sont très courantes. Une autre très populaire, le coupeur qui pour la photo fait semblant de lever un cuir au tranchet alors que l’usine utilise une découpe automatisée. (source: morjas)
Un petit détail amusant, Morjas ne possède pas d’usine. Ils font fabriquer chez Sendra. Mais pour la séance photo ils ont été jusqu’à fabriquer une blouse à leur nom pour la faire endosser par l’ouvrier. Les mises en scène de ce genre sont très courantes. Une autre très populaire, le coupeur qui pour la photo fait semblant de lever un cuir au tranchet alors que l’usine utilise une découpe automatisée. (source: morjas)
Comme c’est le cas ici avec Velasca. Ça fait très bien pour la photo, mais ça n’est pas la réalité. (source : velasca)
Comme c’est le cas ici avec Velasca. Ça fait très bien pour la photo, mais ça n’est pas la réalité. (source : velasca)

Les dessins et le fameux “travail de forme"

Tout commence par un dessin. Il suffit d’un papier et d’un crayon et en quelques minutes vous pouvez faire une esquisse qui sert à conceptualiser ce à quoi votre chaussure va ressembler une fois terminée. Si vous êtes un bon gribouilleur vous pouvez faire une ligne complète en quelques heures. Ces dessins sont suffisants pour ensuite contacter une usine qui va voir comment il est possible de transformer ces esquisses en chaussures. Techniquement c’est la seule chose dont vous avez besoin pour faire fabriquer des chaussures en private label, du moment que vous avez les capitaux qui vont avec. Et encore, je ne serai pas étonné qu’aujourd’hui certaines usines vendent même des designs déjà prêts à être employés ou modifiés.

Un croquis qui sert à déterminer l’aspect général de la chaussure. (source : shoesnob)
Un croquis qui sert à déterminer l’aspect général de la chaussure. (source : shoesnob)
Le modèle en question à l’état de prototype. (source : shoesnob)
Le modèle en question à l’état de prototype. (source : shoesnob)

Une fois le dessin établi une forme est réalisée par un formier, ce dernier va prendre en compte le dessin de la chaussure mais aussi les considérations orthopédiques d’usage. Il est possible de réaliser plusieurs prototypes pour voir comment le formier et le patronnier gradeur vont “adapter” le dessin à la chaussure. Une fois la forme définitive adoptée elle va être dupliquée. Les formes à monter sont couteuses à réaliser. Il faut faire une forme pour chaque taille et demi-taille ce qui implique un investissement conséquent. Parfois certaines marques en private label préfèrent se passer de demi-taille pour limiter leurs coûts.

Il faut aussi comprendre une chose qui n’est jamais vraiment expliquée car ces marques aiment pratiquer l’onanisme en cercle sur leur “travail de forme”. Une usine travaille avec un parc de machine déterminé. Ces machines sont réglées d’une certaine façon et il est possible que selon les réglages elles ne s’adaptent pas à certaines formes moins standards que les autres. Ce qui peut se traduire par des marques d’outillage sur le cuir par exemple, cela arrive d’ailleurs assez régulièrement et même sur des machines bien réglées. De fait beaucoup d’usines proposent à leur client en private label d’utiliser leur parc de formes plutôt que d’avoir à en développer de nouvelles. Cela permet à l’usine de ne pas altérer sa ligne de production et cela économise également de l’argent au client qui n’a pas à se prendre la tête à faire développer des formes propres.

C’est pour cette raison que beaucoup de marques en private label ont un chaussant similaire. Prenons un exemple simple, Carlos Santos a la réputation de tailler légèrement plus grand que la moyenne. Loding taille également légèrement plus grand que la moyenne, comme c’est le cas avec l’ancienne ligne de Prince Jorge, car il s’agit de marques fabriquées dans l’usine de Carlos Santos. Cela ne veut pas dire que les formes sont nécessairement les mêmes, ni que le chaussant va être identique (d’autres éléments que la forme ont une influence sur le chaussant) mais globalement il va être similaire.

Toutes les formes industrielles sont l’œuvre d’un compromis, c’est la raison pour laquelle beaucoup de chaussures en PAP se ressemblent ou chaussent de la même façon. Le but est de rendre la chaussure confortable à une majorité de gens, les industriels ne sont pas les détenteurs d’un secret jalousement gardé issu d’un culte millénaire qui rend magiquement les chaussures à la fois racées et confortables pour tous. Certaines formes conviennent à certains pieds et pas à d’autres. La demi-mesure, ou la mesure sont les seules façons d’avoir un chaussant et une forme qui vous soit unique et qui soit (normalement) idéale.

Si une marque en private label vous baratine sur son travail de forme, c’est bien souvent juste ça, du baratin. Cela ne veut pas dire qu’il est impossible pour une marque en private label de développer des formes spécifiques à leurs désirs, loin de là. Il faut juste être au courant que parmi toutes les marques qui existent beaucoup se contentent d’utiliser les formes proposées par l’usine et vont ensuite se vanter d’avoir inventé la roue, c’est juste de la com, de l’esbroufe. Le plus important pour vous c’est de trouver un chaussant adapté, le reste, babillage.

La mise en production “dans un petit atelier de la péninsule Ibérique”

Une fois cette étape réalisée le patronnier gradeur entre en scène et va adapter le dessin du styliste à la forme qui a été créée. Il va travailler sur une coquille, une réplique de la forme originelle, ou sur cette dernière directement. Une fois que le résultat d’adaptation est fait, le patronnier va réaliser le patron de la chaussure. Le patron représente les différentes pièces qui vont constituer la tige de la chaussure.

Plusieurs prototypes peuvent être réalisés afin d’avoir la paire désirée et une fois le modèle terminé il part en production. Ce qui est amusant c’est qu’énormément de privates labels ont cette obsession de faire produire “dans un petit atelier” ou encore “dans une usine familiale” pour suggérer plein d’idées fausses dans l’esprit de leur client alors qu’en fait ça sort d’usines qui font en général de gros volumes. Peut-être ont-ils honte de leur lieu de production ? Mentionner un “atelier” c’est probablement plus sexy que parler d’une usine, c’est de la sémantique, comme les caissières qui deviennent des “hôtesses de caisse”.

Une fois la chaussure sur la ligne de montage, elle va subir le même traitement que toutes les autres chaussures avec le même cahier des charges. Certaines marques se pignolent sur la tradition bottière sur les finitions exceptionnelles ou je ne sais quoi alors qu’en fait ce que vous allez avoir c’est un Goodyear rainette Zarco, comme toutes les autres marques qui demandent la même construction à l’usine. Même si vous avez des exigences très précises Barker fait du Barker, Zarco du Zarco, Sendra du Sendra. Toutes ces usines ont des compétences et capacités différentes qui leur sont spécifiques mais les marques en private label ne contrôlent ni la main d’œuvre ni les machines, elles sont totalement dépendantes de ce que fait l’usine sur ce point, c’est la norme.

Il existe des exceptions, mais qui sont surtout présentes dans les marques qui visent un segment supérieur. Très concrètement Point de Paris qui fait fabriquer chez Malinge a eu accès à une machine spécialement réglée pour leur production, mais l’on parle ici de chaussures à plus de 800€. La grosse majorité de la production en private label se situe entre 200€ et 500€ et est loin d’avoir les mêmes exigences.

Je ne vais pas revenir sur les questions de montage, tout le monde sait bien que les marques en private label sont des croyantes dans le Goodyear master race. À les écouter il n’existe que le Goodyear et rien d’autre, cela semble la solution à tous les maux du monde. Pour éradiquer les famines, les guerres, les injustices, le Goodyear, il n’y a que ça de vrai. Je rappellerai à toute fin utile que Goodyear n’est qu’un nom, une technique et que cette technique connaît différente réalité selon son exécution. Un Goodyear mal monté est toujours moins bon qu’un Blake bien exécuté.

“Le montage Goodyear reconnu comme étant le plus résistant pour une chaussure habillée”. Les bottiers en sueur, ils viennent d’apprendre de la bouche de Marcos que leur cousu trépointe c’est de la merde. (soure: septièmelargeur)
“Le montage Goodyear reconnu comme étant le plus résistant pour une chaussure habillée”. Les bottiers en sueur, ils viennent d’apprendre de la bouche de Marcos que leur cousu trépointe c’est de la merde. (soure: septièmelargeur)
Quand je disais que le Goodyear était devenu un montage sacré, je ne déconnais pas. À en croire Asphalte le reich du Goodyear durera mille ans. Ce mythe de la chaussure d’entrée de gamme qu’on peut ressemeler à vie est amusant puisqu’il n’est vrai qu’à une condition. Que votre vie soit très courte. (source : asphalte)
Quand je disais que le Goodyear était devenu un montage sacré, je ne déconnais pas. À en croire Asphalte le reich du Goodyear durera mille ans. Ce mythe de la chaussure d’entrée de gamme qu’on peut ressemeler à vie est amusant puisqu’il n’est vrai qu’à une condition. Que votre vie soit très courte. (source : asphalte)
Les finitions bottières, le montage Goodyear, tout y est. Petit détail supplémentaire, le fil soi-disant poissé à la main. Une opération qui n’est pas pratiquée dans les grosses usines puisque cela encrasse et endommage la machine Goodyear. Mais c’est bien essayé, comme dit le proverbe “beaucoup de vaseline, encore plus de patience éléphant encugule fourmi”. (source : malfroid)
Les finitions bottières, le montage Goodyear, tout y est. Petit détail supplémentaire, le fil soi-disant poissé à la main. Une opération qui n’est pas pratiquée dans les grosses usines puisque cela encrasse et endommage la machine Goodyear. Mais c’est bien essayé, comme dit le proverbe “beaucoup de vaseline, encore plus de patience éléphant encugule fourmi”. (source : malfroid)

Une fois la chaussure sortie de la ligne de production, arrive sa mise en circulation. C’est là que vous allez très souvent rencontrer le célèbre “no middleman involved” autrement dit, la vente sans intermédiaire. Lors de l’explosion du nombre de private label sur le marché cette pratique s’est répandue comme la lèpre. À croire que tous les crétins d’HEC avaient suivi les mêmes cours. Le discours est toujours le même, imaginons une marque créée par un groupe de jeunes dynamiques tolérants et inclusifs avec des moustaches et des roux. Nos petits génies ont constaté que le cycle de distribution classique avait des marges élevées dues à de nombreux intermédiaires, alors ils ont décidé de vendre directement au consommateur, ils présentent ça comme quelque chose "d'unique" et ils sont fous parce qu’ils "perturbent l'industrie".

Si vous avez de la chance ils vont même aller jusqu’à foutre des graphiques montrant les coûts des "marques de luxe traditionnelles" par rapport aux leurs et comme par magie les coûts de production sont les mêmes, mais les coûts “d'exploitation” de “marketing” ou de “distribution” sont deux fois moins élevés que les soi-disant “marques traditionnelles”. Seulement voilà, c’est un fait bien connu que dans le monde des souliers il y a des distributeurs partout. Chaque grande ville de France a des magasins dont les rayons débordent de paires de Green, de Carlos Santos, de Vass, de Carmina ou je ne sais quelle autre marque. Les intermédiaires, les boutiques, les panneaux publicitaires, ils sont partout.

Vous l’avez compris il s’agit en réalité de l’un des nombreux artifices marketing totalement bidon qui sert à vous expliquer pourquoi le prix de votre chaussure est si bas et pourquoi c’est l’affaire du siècle. C’est un attrape couillon, car dans le cas des privates labels, la marque qui vous vend la chaussure est en réalité l’intermédiaire. D’ailleurs je m’amuse toujours à voir comment de nombreuses marques en private label disent ne pas avoir un gros budget marketing alors qu’en parallèle c’est probablement le plus gros département de la boite.

Certaines poussent le vice encore plus loin et se payent des doubles pages dans chaque itération de Pointure ou de Monsieur et trouvent encore le moyen d’arroser les blogs et autres sites “partenaires”. À noter que ce modèle laisse petit à petit la place à un nouveau système. La start-up “on est tous potes”, probablement qu’à force de tous faire la même chose il a fallu se démarquer. Par contre il faudra dire à toutes ces marques, surtout celles basées en France qu’au bout d’un moment il serait bon de songer à arrêter d’utiliser encore et toujours le même mannequin, ça va finir par se voir sinon…

Myrqvist, une des nombreuses marques d’entrée de gamme en private label qui vend “directement au consommateur” diagrammes simplistes pour ploucs à l’appui. (source : myrqvist)
Myrqvist, une des nombreuses marques d’entrée de gamme en private label qui vend “directement au consommateur” diagrammes simplistes pour ploucs à l’appui. (source : myrqvist)

Des cuirs exceptionnels à prix modique…

Nous avons déjà traité la question du cuir et de sa qualité dans notre précédent article, mais il s’agit d’un sujet tellement vaste qu’il est toujours possible d’aller plus en détails. Le cuir est probablement l’un des domaines sur lequel la communication est la plus mensongère, puisqu’il s’agit également d’un des domaines les moins évidents à maitriser.

De plus le cuir est une matière noble qui a un fort pouvoir évocateur et est synonyme de qualité dans le temps, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient. L’avantage est évident, quant à l’inconvénient, il est l’est aussi, confusion, tromperie et abus de langage sont légions, dans le but d’amener le client à croire certaines choses par rapport au produit qu’il achète.

Énormément de marques que ça soit en private label comme des fabricants utilisent des cuirs sans mentionner autre chose que la tannerie d’origine comme si cela était un indicateur de qualité quelconque. Cela permet à Meermin par exemple de prétendre que leur cuir venant d’Annonay est exceptionnel, alors qu’il est d’une qualité tellement basse qu’il ressemble plus à du ventre de pangolin qu’à du veau. Et cela est parfaitement légal, car en droit Européen (et donc en droit Français) les textes de loi liés au milieu de la chaussure sont tout simplement risibles. Cela permet entre autre aux marques de ne pas aborder certaines questions gênantes sur la façon dont beaucoup de cuirs sont traités en finitions afin d’en modifier l’esthétique sans pour autant en améliorer la qualité.

7L vont chez les meilleures tanneries, toujours, c’est bien connu. Aucune marque ne va dire le contraire. (Source: septième largeur)
7L vont chez les meilleures tanneries, toujours, c’est bien connu. Aucune marque ne va dire le contraire. (Source: septième largeur)
Je ne lis pas dans les plis du cuir, ni dans le marc de café, toutes les chaussures plissent, c’est un fait. Si vous ne voulez pas de plis de marche, achetez des sabots. Les plis sont le résultat de beaucoup de facteurs, notamment la façon dont le pied remplit la chaussure et à quel point la forme lui convient. Néanmoins cela ne veut pas dire que le cuir n’a aucune responsabilité dans le problème. Sur cette sélection de paires 7L, toutes ont moins de 2 ans, beaucoup d’entre elles marquent très fortement et ont le fameux “bourlet 7L” qui fait souvent craquer la tige comme dans la première photo. Est-ce que les vendeurs de la marque ne savent pas conseiller les clients ? Est-ce que les clients ne savent pas choisir une forme adaptée ? Ou est-ce que le cuir utilisé est  mauvais ? (source : reddit, styleforum, depiedencap, engrandepompe)
Je ne lis pas dans les plis du cuir, ni dans le marc de café, toutes les chaussures plissent, c’est un fait. Si vous ne voulez pas de plis de marche, achetez des sabots. Les plis sont le résultat de beaucoup de facteurs, notamment la façon dont le pied remplit la chaussure et à quel point la forme lui convient. Néanmoins cela ne veut pas dire que le cuir n’a aucune responsabilité dans le problème. Sur cette sélection de paires 7L, toutes ont moins de 2 ans, beaucoup d’entre elles marquent très fortement et ont le fameux “bourlet 7L” qui fait souvent craquer la tige comme dans la première photo. Est-ce que les vendeurs de la marque ne savent pas conseiller les clients ? Est-ce que les clients ne savent pas choisir une forme adaptée ? Ou est-ce que le cuir utilisé est mauvais ? (source : reddit, styleforum, depiedencap, engrandepompe)
Meermin qui ne sait plus trop si leur cuir vient de du Puy ou d’Annonay. Pour le client final cela ne fait pas beaucoup de différence, dans les deux cas vous aurez du cuir déclassé payé au poids alors la provenance hein… (source: meermin)
Meermin qui ne sait plus trop si leur cuir vient de du Puy ou d’Annonay. Pour le client final cela ne fait pas beaucoup de différence, dans les deux cas vous aurez du cuir déclassé payé au poids alors la provenance hein… (source: meermin)

Tout d’abord pour ceux qui lisent cet article sans aucunes connaissances préalables il faut comprendre que la qualité d’une peau est affectée soit par des défauts ante-mortem (égratignures, marques de frottement, varon...) soit par des défauts post-mortem (entailles d'écharnage, fêlure du grain, etc...). Si les défauts post-mortem sont contrôlables dans une certaine mesure, les défauts ante-mortem posent de sérieux problèmes au tanneur.

Afin de tenter de réduire l’impact visuel de ces défauts les tanneries utilisent plusieurs produits après tannage (des finitions) qui visent à les atténuer mais qui peuvent aussi modifier l’aspect du cuir et ses caractéristiques. Il faut savoir que les étapes de finition ne sont pas une nouveauté dans les tanneries loin de là, par exemple le foulonnage à sec est une opération de finition qui permet de faire remonter le grain naturel et d’accentuer la souplesse du cuir. Le lissage est également une opération mécanique de finition facultative qui ferme la fleur et lui donne un aspect brillant.

Selon le type de finition qui est appliquée le cuir est désigné d’une façon différente. On parle par exemple de cuir aniline, semi-aniline, de cuir plongé, ou encore de cuir pigmenté. Le cuir grainé est également une finition (souvenez-vous, c’est quand le cuir est passé sous presse pour lui imprimer un motif). Et il n’y a aucun problème à cela. Que les cuirs subissent des étapes de finitions différentes en fonction de ce que la tannerie veut en faire, c’est parfait. Encore faut-il qu’ensuite le consommateur ait la moindre idée de ce qu’il achète. Ce qui n’est souvent pas le cas.

Un cuir pigmenté avant et après foulonnage à sec. Notez la différence dans le grain et la façon dont les défauts sont “masqués” (source : leather-dictionary)
Un cuir pigmenté avant et après foulonnage à sec. Notez la différence dans le grain et la façon dont les défauts sont “masqués” (source : leather-dictionary)

En effet, légalement les mentions qui doivent figurer sur vos chaussures se limitent à peu de choses. Je vais vous passer les détails du langage hermétique qu’est le droit. Moi y’en a connaître, toi pas t’en faire, moi y’en a expliquer à toi. C’est la directive 94/11/CE du parlement européen et du conseil en date du 23 mars 1994 qui fixe les éléments règlementaires relatifs à l’étiquetage des matériaux utilisés dans les principaux éléments des chaussures proposées à la vente. Cette directive a été transposée en droit Français par le décret n°96-477 du 30 mai 1996. Allez voir si cela vous amuse, mais globalement tout ce que les marques doivent indiquer se limite plus ou moins à ce que vous allez trouver sur le pictogramme ci-dessous.

Il existe encore UN domaine en France qui n’est pas touché par l’hyperinflation législative, les pompes. (source : DGCCRF).
Il existe encore UN domaine en France qui n’est pas touché par l’hyperinflation législative, les pompes. (source : DGCCRF).

Maintenant si vous voulez des définitions légales des finitions en droit Bruxello-Français, il en existe mais elles excluent les articles chaussants, mot de technocrate qui veut dire pompes. Si vous lisez l’arrêté du 8 février 2010 relatif à l'application du décret n° 2010-29 du 8 janvier 2010 portant application du code de la consommation en ce qui concerne certains produits en cuir et similaires du cuir vous allez trouver les définitions suivantes.

Le cuir sans finition ou “plongé” est un cuir ayant conservé sa fleur d'origine dont la coloration est obtenue par une teinture en plein bain et non recouvert par une autre couche de finition.

Un cuir aniline est un cuir dont la coloration n'est obtenue que par la stricte utilisation de colorant à l'exclusion de tout pigment et précise que cette finition est transparente.

Un cuir pigmenté est un cuir (ou une croute de cuir) dont la finition colorée est obtenue par l'utilisation de pigments.

Enfin un cuir semi-aniline (expression s'appliquant à des cuirs pigmentés) est un cuir ou une peau tannée teinte avec des colorants appropriés qui présente en outre une finition colorée semi-transparente à base de pigment sur toute la surface permettant néanmoins l'identification de la structure naturelle des follicules pileux.

Sont également définis les colorant, à savoir la substance colorée fixée par réaction chimique, par absorption ou par dispersion, sur le cuir soit pour le teindre, soit pour réaliser certains types de finitions. Ainsi que les pigments, qui est présenté comme le produit organique ou minéral, finement divisé, insoluble dans l'eau et utilisé dans les types de finitions définis par le présent arrêté pour lui donner une couleur. Oui mais voilà… ces définitions délicieusement technocratiques s’appliquent aux canapés et autres objets en cuir. Pas aux chaussures.

Pour simplifier, si demain je voulais lancer ma marque de pompes, rien ne m’empêche de sourcer un cuir pigmenté quelconque, d’en faire une chaussure chez Zarco et de la revendre en vous disant que c’est un super cuir aniline ultra luxe trop bien. Je pourrais même me payer des articles chez JV/BG/PG/VGL et toutes les autres catins qu’ils n’y verraient que du feu et répéterait bêtement mon petit mensonge comme si c’était la bonne parole du Christ sauveur. Les apôtres de la médiocrité. Des suçons colporteurs d’approximations. Alors certes, ce n’est pas très bien, et la répression des fraudes ne serait pas très contente. Mais qui va aller me balancer à la DGCCRF ? Qui ? Michel qui vient acheter une paire pour son mariage et ne connaît même pas la signification du mot aniline ? Le vieux Marcos qui arrose 99 % des blogs et autres médias dans le milieu ? Les types qui utilisent des doublures en cuir Indien, Brésilien ou je ne sais quoi en douce ?

Un cuir aniline, les pores de la peau sont parfaitement visibles. (source colourlock)
Un cuir aniline, les pores de la peau sont parfaitement visibles. (source colourlock)
Un cuir semi aniline, la peau a été teinté avec des pigments, mais les pores sont encore visibles.  (source colourlock)
Un cuir semi aniline, la peau a été teinté avec des pigments, mais les pores sont encore visibles. (source colourlock)
Un cuir pigmenté, les pores sont invisibles. (source colourlock)
Un cuir pigmenté, les pores sont invisibles. (source colourlock)
Un cuir qui est entre deux catégories, la couche de pigment est supérieure à certains cuirs semi-anilines mais inférieure à certains cuirs pigmentés. Certains pores sont encore visibles, la classification est difficile. (source colourlock)
Un cuir qui est entre deux catégories, la couche de pigment est supérieure à certains cuirs semi-anilines mais inférieure à certains cuirs pigmentés. Certains pores sont encore visibles, la classification est difficile. (source colourlock)

De plus il existe certaines contradictions dans les définitions de ces finitions et cela au sein même de l’industrie du cuir, car bien qu’il existe une certaine uniformisation au niveau du CEN (Comité européen de normalisation) il est impossible de s’assurer que toutes les tanneries du monde appliquent les mêmes standards (l’Inde, ou la Chine sont de plus gros producteurs de cuir que l’UE, je le rappelle juste en passant.).

Même dans la littérature spécialisée Européenne ou chez certains revendeurs il existe de nombreuses approximations. Par exemple il n’est pas rare que les cuirs plongés sans finitions soient parfois décrits comme des cuirs anilines (qui possèdent eux une finition transparente) et vice versa. Il arrive encore plus souvent que les cuirs semi-aniline ne soient pas présentés correctement, leur nom est trompeur, il s’agit de cuirs teintés dans la masse qui sont ensuite pigmentés puis qui reçoivent ensuite une finition transparente. La législation Européenne parle plus exactement de “finition colorée semi-transparente”.

L’élite des chercheurs, les champions du rapport qualité/prix, l’oracle bref ceux qui savent… ne savent pas si bien que ça en fait. Un cuir plongé n’est pas la même chose qu’un cuir aniline. Les deux sont bels et bien teintés dans la masse (comme le cuir semi-aniline) mais le plongé est sans finition, l’aniline reçoit une finition non pigmentée. (source: bonnegueule)
L’élite des chercheurs, les champions du rapport qualité/prix, l’oracle bref ceux qui savent… ne savent pas si bien que ça en fait. Un cuir plongé n’est pas la même chose qu’un cuir aniline. Les deux sont bels et bien teintés dans la masse (comme le cuir semi-aniline) mais le plongé est sans finition, l’aniline reçoit une finition non pigmentée. (source: bonnegueule)
Une société Américaine quelconque, ce qui importe ici c’est la différence dans les définitions. Certains pays hors UE sont partenaires du CEN, mais ce n’est pas le cas des États-Unis. De fait les définitions et techniques ne sont pas nécessairement les mêmes. (source: elite leather company)
Une société Américaine quelconque, ce qui importe ici c’est la différence dans les définitions. Certains pays hors UE sont partenaires du CEN, mais ce n’est pas le cas des États-Unis. De fait les définitions et techniques ne sont pas nécessairement les mêmes. (source: elite leather company)

Par ailleurs il ne faut pas non plus oublier de mentionner les progrès de la chimie, qui rend le travail du tanneur plus facile. Les cuirs pigmentés par exemple ont fait d’énorme progrès dans leur capacité de recouvrement des défauts, tout en essayant de préserver autant que possible le caractère naturel de la peau. Des nombreux additifs à mélanger aux pigments sont développés afin d’utiliser des peaux d’une qualité toujours plus basse et d’en masquer autant que possible les défauts. On parle dans l’industrie “d’upgradation”.

Sans entrer dans des détails trop techniques certaines tanneries utilisent par exemple du chitosane comme additif aux pigments pour améliorer la profondeur des nuances du cuir, ce qui sert également à faciliter le recouvrement des défauts tout en essayant d’assurer une conservation du caractère “naturel” du cuir. En ce qui concerne les cuirs anilines les couches de finitions sont elles aussi de plus en plus efficaces, certes ces finitions ne contiennent pas de pigments mais elles participent à l’amélioration générale de l’aspect du cuir.

Il n’est pas rare de voir des cuirs pourtant réputés être pratiquement impossible à glacer si vous ne prenez pas la peine de les passer au Renomat lors de leur réception par exemple. Il est amusant de constater que beaucoup de marques insistent souvent sur le fait qu’un cuir aniline n’a qu’une très “fine” couche de finition alors que dans la législation aucune mention n’est faite quant à l’épaisseur de la finition. L’impératif est de ne pas contenir de pigments, du moment que la finition permet d’observer les pores de la peau son épaisseur importe peu.

Enfin il faut bien comprendre une chose, je ne suis pas en train de dire que les finitions sont de la merde. Qu’elles n’ont qu’un seul et unique but, celui de camoufler les défauts. C’est en partie vrai, mais en partie seulement. Certaines finitions servent à protéger le cuir contre les agressions du quotidien. De plus transformer un cuir en veau velours est considéré comme une finition, au même titre que le grainage comme cela a déjà été mentionné précédemment. Les finitions servent à donner un caractère au cuir. Elles peuvent insister sur la brillance comme elles peuvent renforcer un aspect mat, elles en changent le toucher…. Le problème tient au fait que les marques de chaussures peuvent dire pratiquement n’importe quoi sur le sujet sans que cela ait la moindre conséquence.

Le vocalou noir de chez Annonay, un cuir semi-aniline. (source : annonay)
Le vocalou noir de chez Annonay, un cuir semi-aniline. (source : annonay)
Le même cuir en vente aux USA, sa dénomination est passée en aniline illustrant les problèmes d’uniformisation des définitions. (source : orion calf)
Le même cuir en vente aux USA, sa dénomination est passée en aniline illustrant les problèmes d’uniformisation des définitions. (source : orion calf)