La fin du legging
Après l’épisode sur la hauteur de la taille on continue avec les pantalons en abordant cette fois le point du tombé.
Qu’est-ce qu’on entend par « tombé » ? C’est l’allure générale que prend le tissu une fois porté : sa forme, son amplitude, ses plis et sa longueur.
Le tombé : une question de longueur avant tout
Pour un bon tombé la première idée est justement de permettre au pantalon de « tomber ». Le tissu doit pendre au lieu de s’écraser sur la chaussure en tirant la tronche, d’où l’importance de ne pas avoir un pantalon trop long.
Il est plutôt rare aujourd’hui de voir des pantalons trop longs comme c’était le cas il y a dix ans. On est passés globalement à l’extrême opposé avec des pantalons très courts qui dévoilent les chevilles, et c’est aussi vrai dans le milieu sartorial. Le second cas est mieux esthétiquement que le premier car le pantalon conserve un tombé, mais autant le trop long que le trop court tassent la silhouette.
Comme tu l’as sûrement déjà lu, un pantalon qui casse légèrement dans le bas est acceptable, de même qu’un pantalon un peu court. Le choix dépend du goût et de la mode.
Vu que dans le style classique la beauté est souvent dans le détail et la précision on peut quand même considérer un pantalon qui frôle juste la chaussure sans jamais casser comme la solution optimale. Difficile techniquement vu que le pantalon a tendance à glisser légèrement au fil du port : en général on opte pour du court afin de se laisser une marge et éviter que le pantalon ne finisse par casser de manière imprévue.
Les coupes du pantalon
Il y a deux visions de la coupe du pantalon en fonction du rôle laissé au corps dans la définition de la silhouette :
- La coupe ample/structurante : Le tissu laisse entièrement respirer la jambe et la forme du pantalon détermine aussi celle de la silhouette. C’est la vision classique/sartoriale.
- La coupe serrée/peu structurante ou non-structurante : Le tissu est proche du corps et c’est la jambe qui définit cette fois partiellement ou entièrement la silhouette. On peut parler de slim ou skinny pour reprendre la terminologie moderne.
Est-ce qu’on doit absolument se diriger vers le pantalon large si on prétend s’inscrire dans la mouvance sartoriale ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire la pièce est minoritaire dans l’histoire. Les pinces, plis et autres standards classiques actuels sont des inventions du XXe siècle. Chez les premiers Dandys et même avant la Révolution les pantalons étaient plutôt serrés. Ce type de coupe a donc une légitimité historique, et la rejeter complètement reviendrait à résumer le classicisme aux années 20-30.
Le serré n’est pas en soi un problème, le vrai soucis est qu’il est généralisé aujourd’hui plutôt que de coexister avec les coupes amples, ce qui a pour conséquence que :
1° on applique des coupes slim ou skinny à des types de pantalons qui ne les supportent pas ;
2° on a une tendance naturelle à se diriger vers ces coupes même si on devrait l’éviter.
Ceci étant dit il faut quand même affirmer que la coupe ample a de gros avantages par rapport à la coupe ajustée :
1° elle donne de la stature et une allure robuste ;
2° elle gomme les défauts physiques ;
3° elle est beaucoup plus confortable.
Le seul avantage du serré est en définitive de mettre un beau corps en évidence (ce qui se défend).
La coupe du pantalon classique
Le pantalon classique, à plis ou à pinces, est sans aucun doute la pièce la plus caractéristique du style classique et de la mouvance sartoriale. Il est composé de plis ou de replis de tissu à l’avant et à l’arrière.
Ici pas le choix : la pièce est pensée pour être portée large, c’est-à-dire ne pas épouser les formes de la jambe.
Pour un même confort le pantalon a besoin de beaucoup plus de matière en position assise qu’en position debout. Si on place assez de matière pour la station assise, aucun problème d’aisance sur toute l’amplitude de mouvement, en revanche il y a un excès de matière debout qui peut être désavantageux pour la silhouette (assez fâcheux puisque c’est debout que le pantalon se remarque et a intérêt à être beau). C’est là que les plis interviennent : le tissu a assez de matière pour couvrir tout le mouvement mais se plie debout pour paraitre moins volumineux et désencombrer la jambe. Les pinces quant à elles permettent de rajouter encore plus de matière –et donc de confort- en conservant le même rendu.
Donc au niveau de la coupe, le pli avant doit être marqué, droit et continu, sans jamais s’effacer sur la cuisse, le pli arrière doit partir en ligne droite de la fesse jusqu’à la cheville, et les poches et pinces éventuelles doivent êtres fermées debout.
Si le pantalon marque les fesses ou les cuisses, les plis et pinces sont déjà ouverts en position debout, ce qui ruine à la fois leur esthétique et leur effet pratique.
Aujourd’hui on voit pas mal de pantalons à pli revenir dans des coupes slim voire skinny : les plis centraux s’effacent sur la cuisse alors que poches et pinces potentielles sont ouvertes en permanence. Certains vont défendre cette vision, je trouve pour ma part le résultat grotesque : arborer de cette manière des éléments afonctionnels donne vraiment un rendu surfait, j’ai la même impression qu’en regardant un mauvais remake d’un film des années 80.
Quoiqu’il en soit les pantalons sartoriaux actuels sont quand même influencés par cette mode du serré. Ils tendent souvent à être le plus ajusté possible et à appuyer légèrement la forme des fesses (sans toutefois les marquer complètement comme sur du slim). Le rendu de profil n’est plus le même qu’il y a un siècle.
La coupe des autres pantalons
A côté des pantalons classiques à plis/pinces, on a ce qu’on appelle les pantalons « plats », qui concernent aujourd’hui les chinos et les jeans.
Traditionnellement le chino militaire était porté de manière assez large, mais on voit aussi des coupes plus serrées sur des vieilles photos de la Ivy League. Le jeans quant à lui est presque devenu un vêtement serré par nature.
Comme je l’ai développé le pantalon plat ajusté est une vraie régression technique et esthétique par rapport au pantalon classique. Il est moins confortable et ne va qu’à peu de personnes. Pourquoi tout le monde se trimballe en jeans skinny aujourd’hui alors ? On peut distinguer plusieurs facteurs :
- le pantalon plat est plus facile à entretenir
- la mode du serré s’est ancrée comme symbole de la libération sexuelle après 68, mode fitness
- resserrer les pantalons a été un avantage économique (plus facile et rapide à produire, plus facilement présentable, etc).
Vu cet état de fait c’est quasiment impossible de ne pas posséder quelques pantalons ajustés aujourd’hui. C’est même par le chino qu’on se lance dans le sartorialisme.
Pour des coupes ajustées type slim le pantalon devrait dans l’idéal suivre la cuisse sans trop la marquer de sorte à conserver une ligne logique et ne pas créer de tensions excessives. Un haut étroit sur la jambe couplé à un bas ample est disgracieux.
Si le pantalon plat n’a pas de plis ou de pinces il a quand même des poches qui s’ouvrent surtout lorsque celui-ci est trop ajusté. Une astuce dans ce cas est de choisir des chinos à poches cavalières plutôt qu’à poches en biais. Le montage horizontal empêche l’ouverture en cas de tension.
Enfin en cas d’excès de gras, de cuisses trop imposantes ou de posture de jambes « anormale » (arquées ou cogneuses) un pantalon ajusté se déforme et ne fait pas une belle jambe. Il vaut mieux dans ce cas privilégier les coupes larges.
Notez que plus le buste se verra structurer par le vêtement pour lui donner une allure athlétique et anguleuse (hauteur de boutonnage, forme des revers, forme de l'épaule, découpe du dos...) et plus le bas devra être ample afin de ne pas créer une disproportion. C'est aussi pour cette raison qu'un pantalon ample porté sans veste n'est pas forcément très esthétique car le bas apparaît disproportionné par rapport au buste (à moins d'être musclé, et dans ce cas là le réequilibrage visuel se fait naturellement, c'est également pour cette raison qu'une veste moins structurée sied mieux aux physiques athlétiques car autrement il y a surcompensation de carrure). A l'inverse, on peut être amateur de la silhouette "saint galmier" (bouteille de Badoit), qui reprend les codes esthétiques des vêtements à taille. La taille est serrée et les épaules étroites pour des manches amples et un bassin assez large mais la cuisse et le mollet sont également à l'étroit. Ce genre de silhouette est plutôt réservée à un homme petit et très mince, autrement elle apparaît vraiment grotesque.
L’ouverture de cheville
Reste à parler de l’ouverture de cheville.
La tendance aujourd’hui est d’avoir un bas de pantalon étroit, ce qui n’altère pas forcément le rendu d’ensemble. Par contre l’ouverture de cheville sert à rétablir une harmonie avec la longueur des souliers. Un bas étroit avec un derby un peu long ou des grands pieds peut donne une allure de clown. Attention donc à moduler correctement l’ouverture en fonction des situations.
Conclusion
Il est délicat d’émettre une vérité générale concernant la coupe d'un pantalon même du point de vue des canons du genre. L'idéal est d'avoir une coupe respectueuse de votre morphologie (votre taille, votre corpulence, cuisses fines ou musclées, taille des pieds, fessiers prononcés ou non, posture...) et ensuite de chercher la cohérence. Par cohérence, nous entendons qu'une veste structurée (par exemple) s’accommode mieux d'un pantalon ample à pinces françaises dont le rendu est un peu bouffant. Si vous souhaitez des pinces sur un pantalon plus ajusté préférez les pinces italiennes, et si vous voulez un pantalon encore plus ajusté préférez le sans pince de crainte qu'elles ne s'ouvrent. Un pantalon casual supporte mieux les fantaisies de coupe et de matière qu'un pantalon formel. Sur un jean ou un chino, vous pouvez vous permettre de le faire couper assez court, de faire un revers à la main, le porter assez ajusté ou très ample... et le reste doit être cohérent, par exemple une veste totalement déstructurée coupée un peu plus courte que la norme si le pantalon est assez ajusté et que sa taille est naturelle-basse (une veste longue sied mieux à un pantalon taille haute). De la même façon, suivant la matière vous devez vous orienter vers telle ou telle coupe : un pantalon dans une matière lourde supporte mieux une coupe ample avec une longueur qui donne un beau cassant, alors qu'une coupe ajustée sera inconfortable et donnera un cassant disgracieux en forme de tire-bouchon. En revanche une matière fine supporte mieux une coupe ajustée et un feu de plancher voire une coupe assez courte (le cassant sera disgracieux avec une matière légère). De même, une paire de mocassins supporte bien mieux le pantalon coupé court car les deux sont associés à la décontraction estivale. Si vous comptez garder vos pantalons longtemps, essayez de rester proche des canons classiques au lieu de tendre vers les extrêmes qui seront plus marqués dans la mode de leur époque.
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