Historiquement le dépareillé est la norme, pensez au morning coat, et est maintenu vu comme décontracté selon les codes classiques.
Il y a une distorsion de perception sur ce qui est décontracté suivant notre éducation vestimentaire. Il reste cependant des dépareillés formels, regardez le stroller (black lounge suit) - une sorte de morning coat modernisé:
A travers ces deux exemples, on peut constater que la couleur ainsi que les matières jouent dans le caractère formel ou non de la tenue plus que dans le fait que le haut et le bas soient appareillés (c’est-à-dire fait dans le même tissu).
Sur des associations encore plus anciennes que le morning coat, nous trouvons du noir associé à du marron ou beige:
Même s’il ne s’agit pas de copier ces tenues, elles nous enseignent que c’est vraiment le vêtement du haut qui donne le formalisme de la tenue (point que nous verrons plus tard) mais également que le vêtement n’est pas une « science exacte » car la plupart des blogs de mode vont vous dire que « le noir ne va avec rien » et que le noir et le marron ne peuvent se porter ensemble (soit car ces couleurs ne vont pas ensemble, soit car ils relèvent de registre opposés : le formel de la ville et la décontraction de la campagne). Cette position consistant à ne pas mélanger le noir avec le marron (et plus largement les vêtements de ville et de campagne) doit être doublement combattue car d’une part elle ne jouit pas de la légitimité historique qu’elle prétend avoir vu qu’elle est postérieure à l’association naturelle du noir avec le blanc/marron/jaune, et d’autre part car elle est totalement obsolète depuis des lustres (on trouve nombre d’illustrations d’apparel arts avec des hommes en costume marron en ville ou portant des souliers noirs avec des tenues décontractées).
Ces remarques préliminaires permettent ainsi de contredire doublement l’idée que le « dépareillé » est par essence décontracté. Il n’est pas toujours perçu comme tel d’une part, et d’autre part il existe des dépareillés emprunts d’un grand formalisme.
Si vous voulez vraiment opter pour un dépareillé décontracté, vous pouvez soit jouer sur des couleurs vraiment casual, par exemple une veste beige (très casual) avec un pantalon charbon (formel):
A titre de comparaison, avec une veste foncée et un pantalon clair le résultat n’est pas aussi décontracté:
Il faut échapper à la combinaison bleu - gris qui risque de faire encore trop formel pour la plupart des gens car ce sont des couleurs qui renvoient à l’univers professionnel ainsi qu’à différentes cérémonies (messes, mariages…). Sur l’exemple ci-dessous, le résultat parait bien plus décontracté que si la veste eut été bleu. Ce qui entérine le fait que c’est surtout la veste (et sa matière, couleur) qui rend ou non formel.
On peut également opter pour un dépareillé s’articulant autour d’une opposition de couleur, de motifs et de matière:
Dans l’exemple choisi, on voit que malgré la présence d’un pantalon cargo (donc très décontracté) la tenue fait encore habillée et ce même si la veste est une veste décontractée… Mais il s’agit d’une veste ! Le fait que la veste donne le « la » de la tenue rejoint l’idée que la veste peut-être troquée contre un cardigan (ou autre !) pour décontracter une tenue malgré la présence d’un pantalon habillé et de souliers.
Ici le pantalon est plus habillé, mais l’utilisation d’un col roulé et d’un blouson rend le résultat tout à fait décontracté.
A partir de ces observations nous pouvons conclure que pour obtenir un dépareillé des plus décontracté il faut jouer sur tous les tableaux: la couleur, la matière et les éléments.
Sur cette photo nous pouvons constater l’emploi:
D’une paire de sanders décontractées (de part la semelle, le veau-velours et la couleur)
D’un pantalon blanc
D’un col roulé au lieu d’une chemise (l’association d’un col roulé noir ou marine avec un pantalon blanc est du meilleur effet)
D’une veste sport dont la couleur, les motifs et la texture tendent à la décontraction.
Ici le résultat est moins convaincant même si l’ensemble de la tenue est composé de tons clairs les matières restent très lisses et ne sont pas assez tranchées (il n’y a pas une opposition assez forte entre le gris clair du pantalon et le marron clair de la veste comme on peut le trouver entre le pantalon blanc et le col roulé très foncé). Jouer sur les contrastes de couleur et de matière permet ainsi d’accentuer la décontraction.
Dans un autre extrême, l’emploi de matières très texturées a un pouvoir casualisant très fort sur une tenue. L’utilisation de velours, de flanelle, de pick and pick ou d'alpaga permet ainsi de ne pas sembler « sur-habillé » et peut être conseillée aux débutants. Pour l'été, il est possible de jouer sur le coton gaufré ou le lin. Il existe également des flanelles d'été, mais leur utilisation est de nos jours totalement désuète...
Pour finir, examinons le cas du chino bleu marine se trouvant dans la plupart des dressings.
Le problème réside dans le fait de l’accorder avec le haut de la tenue car l’essentiel de l’offre en terme de « haut » est occupée par le bleu marine et l’effet « faux costume » est à craindre puisque le bleu marine va avec tout sauf avec… le bleu marine.
Avec beaucoup de chance on peut trouver une veste avec exactement le même coton bleu marine permettant de composer un « costume » en coton mais par soucis de réalisme cette possibilité doit être évacuée… d’autant plus que le chino ne sera pas coupé comme un pantalon de costume ce qui entrainera une lecture compliquée de la tenue (pour ne pas dire franchement bizarre).
Le chino marine supporte cependant le haut bleu, mais à la condition de ne pas être dans le même ton et la même matière. Par exemple, vous pouvez porter une veste en laine bleu moyen à carreaux marron avec un chino marine. Le haut et le bas sont suffisamment dépareillés pour éviter l’effet faux-costume.
Autrement, le chino bleu s’accorde avec toutes les autres couleurs de veste (blanc, beige, grise, vert, marron…) ainsi que les blousons en veau velours et les trenchs.
L’association d’une veste sport grise avec un chino marine est des plus intéressantes car la veste grise souffre de la même problématique d’accord, son port avec un pantalon gris (pantalon utilisé classiquement pour un dépareillé) est des plus délicate.