Salut les petits clous !
Après avoir rappelé quelques éléments fondamentaux sur la chemise et le polo, on va s'attaquer aux fameux détails sartoriaux qui agitent tant les sartorialafistes d'instagram. Trêve de bavardage on passe à la démonstration technique.
Ici vous pouvez voir des coutures anglaises main avec des surpiqures main. La couture anglaise ne laisse deviner qu'une seule ligne de couture, ce qui permet d'avoir un rendu plus épuré. Cela n'a d'intérêt que si la couture est fine. Si c'est pour avoir une couture grossièrement faite par un bras cassé ce n'est pas la peine. Idem laissez les "détails sartoriaux" contrastants ou colorés aux zozos d'instagram ou du pitti uomo.
Concernant les fronces aux épaules, c’est normalement un signe de fait main mais c’est facilement imitable à la machine donc ça ne veut rien dire sur la qualité du montage. Veillez à ne pas prendre une épaule trop froncée car le rendu sera rapidement trop féminin. Remarque globale : plus le nombre d’opérations main est élevé et plus la chemise sera fragile au lavage et repassage, le fait main n’apporte quasiment rien en terme de confort, c’est purement esthétique. Le gain de confort ressenti tient au fait que souvent le fait main est réalisé sur une chemise mesure, c’est la coupe de la manche qui fait le confort.
En théorie, plus le nombre de fronces aux poignets est élevé et plus la chemise est « de qualité » mais à titre personnel je n’ai pas vu de grandes différences en terme de qualité entre le montage main ou machine ou entre les différents montages main. Mais c’est esthétiquement plus plaisant d’avoir un poignet froncé à la main, enfin à mon sens.
Il en est de même pour les fronces dans le dos, le gain d'aisance est quasi inexistant (de même pour l'empiècement dos coupé en biais). Préférez les pinces (en haut du dos) même si c'est moins instagramo-sartorial.
Pensez également aux pinces en bas du dos, si vous êtes naturellement assez cambré, cela va améliorer la silhouette et limiter visuellement la rondeur de votre ventre (la cambrure fait ressortir le peu de ventre que l'on a).
Le montage des boutons est assez varié, même un cousu parallèle machine peut être très solide s’il est exécuté correctement et au pire vous pouvez toujours recoudre un bouton correctement donc ce n’est pas un détail particulièrement dirimant lors de l’achat. Le cousu zampa di gallina permet de garantir que les boutons ont été cousus à la main et qu’un soin particulier y a été apporté. Le dessin formé par les fils représente une patte de poule.
Par contre soyez attentif à la qualité du bouton ainsi qu’au montage sous le bouton :
Pour le bouton en lui même: plus il est épais et mieux c’est, il a plus de chance d’être bien solide et de ne pas se fissurer. Le plastique permet maintenant de bien imiter le nacre, mais si vous voulez vraiment du nacre il faut regarder sa couleur sous le bouton: s’il est bien blanc c’est du nacre, si c’est jaune c’est du trocas. La présence de particules noires trahit une mauvaise qualité.
La boutonnière peut être faite main ou machine, d’expérience cela a peu d’incidence. Ici vous avez une comparaison entre une boutonnière main (gauche) et machine (droite).
Les ourlets (bords du tissu) peuvent aussi être rouloutées main, le seul intérêt est esthétique.
Le travetto est un point de renfort assez utile, sur les chemises on le trouve sur les pattes capucins ou alors en guise d’hirondelle. Sur les polos on le trouve également en bas de la gorge et permet de renforcer un endroit qui se détériore assez vite. En revanche, la présence ou l’absence d’une hirondelle ou même d’un travetto sur une patte capucin ne présente pas d’utilité particulière, il y a de fortes chances d’user la chemise ou le polo à d’autres niveaux (par exemple les aisselles) avant que le bas du polo ou ses poignets ne vous lachent…
Vous trouverez ci-dessous différentes variantes d’hirondelles, aucune n’est supérieure à l’autre. Le choix est avant tout esthétique.
Soyez attentif à l'alignement des motifs, d'autant plus si les motifs sont épais.
Le décalage à l'emmanchure se trouve facilement en PAP, c’est assez simple à réaliser et cela apporte rapidement une plus value inutile (à priori c’est plus facile à repasser mais je n’ai noté aucune différence…). Le confort apporté tient plus au sur mesure qu’au décalage de l’emmanchure en tant que tel (le décalage de l’emmanchure n’est que la résultante d’un décalage de la manche vers l’avant en fonction de la morphologie du porteur), ce n’est qu'une façon de copier le sur-mesure mais cela n’a aucun intérêt en soi.
Un col entoilé est déjà assez rare sur une chemise, et encore plus sur un polo car il faudrait qu’il ait un véritable col de chemise (on serait alors sur un « polo camicia » très orienté sur le coté chemise), l’avantage du col entoilé est de ne pas « buller », mais si vous prenez une chemise avec col thermocollé de confection correcte (colle soupoudrée et non appliquée en couche) le col ne bullera pas. De même, ce n’est pas le thermocollage du col qui peut donner un effet cartonneux ou désagréable car le thermocollage n’est pas fait du coté peau (le thermocollage ne concerne qu’une face de la triplure, celle opposée au coté peau, ce qui fait que le coté peau est « libre » et non pas collé). En bref, l’entoilage du col n’a plus aucun avantage sur un thermocollage de qualité (mis à part celui de fanfaronner sur instagram ou sur un forum).
Sur certains polos ou chemises vous pouvez trouver une petite attache au dessus de l’étiquette pour suspendre votre polo, j’en cherche encore l’utilité mais ça a le mérite d’exister et de rallonger un peu plus l’article pour avoir un bon référencement google.
Les vrais détails utiles comme les passants de cravate (même principe que les passants de ceinture mais sous le col, pour maintenir la cravate dans la même position en toute circonstance) sont manifestement tombés dans l’oubli.
Nous allons terminer sur le col:
Les chemises habillées sont dotées de baleines au niveau des pointes du col. Il s’agit en règle général d’une pièce de plastique mais on en trouve dans différents matériaux (or, argent, bronze, cuivre, aluminium, écailles…).
Cette pièce a pour rôle de rigidifier le col, lequel doit être le plus rigide, droit et stable possible (sauf effet de style ou col spéciaux):
Les pointes du col ne doivent aucunement rebiquer vers l’intérieur:
Et le col ne doit pas paraître mou ou gondolé (vers l’intérieur ou l’extérieur):
La molesse du col va trahir la faible qualité de la chemise ou alors son coté casual, mais à l’inverse on peut porter une chemise habillée sans baleine si on veut la décontracter:
De cette façon, on se retrouve avec une tenue de col proche de ce qui existe en matière de chemise à col « polo » ou « boutonné ».
La tenue du col tient aussi bien de son montage que de la qualité des baleines. Malheureusement les baleines en plastique fournies avec la majorité des chemises de confection industrielle sont très fines et très souples, ce qui n’améliore pas vraiment sa tenue puisque la baleine va se plier. Il arrive même que seule une baleine plie, si bien que le col sera asymétrique (une pointe droite et une pointe qui gondole ou rebique par exemple).
Les baleines rigides, par exemple celles en métal, permettent d’éviter cet inconvénient et les pointes du col seront parfaitement droites et ne bougeront pas d’un pouce. En revanche, les baleines rigides sont bien souvent plus épaisses que les souples et il se peut qu’on devine leur présence sous le col (présence d’une petite bosse ou d’un léger renflement). Il se peut aussi que la forme du col ou sa dimension ne permette pas de loger parfaitement une baleine rigide, elle dépassera alors de sa loge et fera une bosse au niveau du col (il suffit d’un ou deux millimètres en trop…) alors que ce problème est facilement résolu avec une baleine souple en plastique que l’on peut découper pour l’adapter au mieux.
Le problème des baleines en métal est que sur le long terme le tissu puisse être abîmé par le frottement du métal, raison sans doute pour laquelle les baleines en métal sont légèrement plus épaisses que celles en plastiques et avec des bords légèrement arrondis pour limiter leur côté abrasif.
Concernant le choix du métal, il peut se porter sur un métal vil puisque les métaux précieux n’ont ici aucun avantage… Que la baleine soit en or ou en acier, sa durée de vie ou son utilisation seront identiques et nul ne verra la matière de vos baleines…
Sur le marché, vous pouvez trouvé des chemises auxquelles des baleines sont déjà cousues dans le col (baleines fixes) et des chemises avec des baleines amovibles.
Bilan des baleines fixes:
L’avantage des baleines fixes est qu’il n’y a plus besoin de penser à les ôter le soir venu, et inversement il est inutile de penser à les mettre le matin.
Mais les baleines fixes présentent les défauts de leurs qualités, il se peut qu’à terme elles marquent le tissu du col lors du repassage (je n’ai cependant jamais observé une telle marque, les baleines fixes étant en général dans un plastique très fin et souple). Lorsque la chemise est portée sans cravate, la rigidité des baleines crée un décalage assez malheureux, du moins en théorie puisque la finesse et souplesse des baleines fixes s’accommodent d’un port sans cravate. Mais encore une fois, le port avec cravate se trouve affecté d’un manque criant de rigidité.
Bilan des baleines amovibles:
Lorsque les baleines sont amovibles, il faut penser à les ôter avant le lavage de la chemise et avant le repassage, au risque de marquer le tissu (encore plus si la baleine est rigide). Puis, il faut penser à les mettre lorsque l’on enfile sa chemise.
Mais ces petits tracas ne sont rien comparés aux avantages des baleines amovibles. On peut choisir de porter sa chemise sans baleines (lorsqu’elle est portée sans cravate ou avec une cravate mais dans un ensemble décontracté) ou avec des baleines plus ou moins rigides mais également plus ou moins courtes.
Pour ces raisons, il est préférable de privilégier les chemises avec baleines amovibles.