Survivre aux tranchées
Que serait le beau sans le laid ? Les concepts se complètent un peu : on trouve une chose belle parce qu’on sait laquelle est hideuse et inversement. Il faut parfois vivre à Paris pour apprécier pleinement la campagne, tomber sur une œuvre contemporaine à chier pour s’intéresser à Courbet, ou alors voir un groupe de moches pour vouloir baiser la nana potable dans le tas. Le principe est le même pour les vêtements : c’est une alternance continue entre la vision du beau et du laid qui fait qu’on va développer un goût.
Vous l’aurez plus ou moins compris, dans cette rubrique on va mettre en perspective des tenues ratées et des tenues réussies. Petite clarification d’avance : le but n’est pas de s’acharner sur un blogueur en particulier et lui rappeler ses années de bizutage au collège, ni d’ailleurs de prétendre que tout le travail de telle ou telle personne est à jeter. Ici on croit plutôt au coup de ceinture pédagogique, la bonne tarte de daron à l’ancienne qui remet à la fois le mauvais garçon et la féministe hystérique sur le droit chemin : pas de brutalité gratuite donc.
La mode masculine est devenue un business important, et dans tout ce bordel certains proposent parfois des produits très moyens, vendent des conseils de merde, voire promeuvent un travail de sagouin si ça leur permet en échange de se faire un petit billet. On finit tous un peu par s’y perdre.
Tant qu’on est pauvres – donc impartiaux – et dans une ambiance de second degré dosée au camion-benne par un ouvrier polonais bourré on espère ainsi vous apporter un autre point de vue, le plus objectif possible, sur ce qui peut se faire et se voir sur la toile. Pour l’heure installez-vous confortablement et découvrez le premier épisode de La Bonne Coupe !
Ce qu’on va décortiquer aujourd’hui tient de ce que j’appelle « le syndrome du chargeur d’iPhone » : les types ont un haut du corps cubique monté sur deux cannes toute fines. Le cas est assez récurrent sur les ports de manteau et peut en dégoûter certains de cette pièce pourtant noble.
Les tenues du jour sont donc composées d’un trench coat. À gauche la version moche, à droite sa copine bonne :


Commençons par l’élément principal qui est ce fameux trench. Pas besoin d’une longue présentation qu’on garde pour un article dédié : retenons juste que c’était le manteau imperméable militaire par excellence durant les deux guerres mondiales, qu’il a beaucoup changé depuis et qu’il est maintenant très apprécié des femmes et des connards qui se prennent déjà pour des ténors en arrivant en fac de droit.


Revenons à notre comparaison initiale. Le premier défaut sur la photo de gauche est la longueur du trench. Un manteau qui s’arrête au-dessus du genou a souvent un mauvais rendu pour des raisons simples de proportions : une bonne longueur donne du volume et de la présence, un effet « cape » en quelque-sorte que n’offre pas le rase-pet. A l’inverse un manteau trop long peut également briser le côté élancé de la silhouette, c’est pourquoi le bon compromis est au niveau du genou ou juste en-dessous comme sur la seconde photo. Le manteau court façon caban ne vous donne pas un côté « jeune et dynamique », comme le prétendent les grosses marques de prêt-à-porter qui cherchent juste à faire des marges de fou en produisant des vêtements raccourcis pauvres en matière, il vous rend juste ridicule en plus de vous donner froid au cul.




De plus, le niveau de la ceinture est légèrement trop bas. Elle est souvent utilisée sur les vêtements d’origine militaire et tout son intérêt est de marquer le point le plus étroit du corps, la taille donc, pour reformer les angles de la silhouette. La seconde tenue respecte correctement le principe, on a une ligne de taille bien tranchée qui fait apparaître la montée de dorsaux en V. Sur la première le rendu est celui d’un buste plus long et carré.


On peut aussi remarquer une couture épaule haute avec une emmanchure étroite. C’est la tendance aujourd’hui : avoir une coupe « fittée » (pour reprendre le terme utilisé sur les blogs) avec une manche qui colle littéralement au bras. Le résultat est un manque de place pour les couches inférieures – assez dérangeant pour un manteau donc -, une carrure de gosse en sous-nutrition et une manche qui part tellement en accordéon qu’on te file une pièce si tu restes immobile plus de deux minutes Rue Mouffetard. La photo 2 présente une épaule raglan, pas de question de positionnement de la couture sur l’épaule donc, mais on remarque l’ouverture de manche plus importante et son effet sur la largeur.
Les manches très fines peuvent aussi poser problème si vous avez de grosses cuisses en créant une disproportion de volume entre les membres inférieurs et supérieurs.



Dernier point avec le trench, on peut noter la position des boutons : quatre au-dessus de la ceinture dans la tenue ratée, la volonté est ici encore d’amplifier un effet de longueur sur le haut au désavantage de la carrure.

Enfin le pantalon joue un rôle important dans l’aspect général de la silhouette même s’il est en partie caché avec un manteau. Le trench est ample dans sa partie inférieure pour des raisons fonctionnelles, ce qui fait qu’un bas de pantalon trop étroit peut faire paraitre la jambe très fine. Le slim avec un manque de matière au genou donne un rendu de jambes faiblardes, comme des baguettes. Sur la bonne tenue le bas du pantalon a plutôt une forme fuselée qui participe à la projection globale en V de l’ensemble.

Force est de constater que le prêt-à-porter n’est pas encore au point en terme de manteaux malgré un net regain d’intérêt pour la pièce. Si vous comptez vous en procurer un privilégiez actuellement l’occasion ou la fripe et retenez les essentiels de la coupe : une longueur satisfaisante, un cintrage ou ceinturage correct sur la taille, et une manche qui laisse respirer suffisamment le bras.
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