Remonte ton froc
Le pantalon est une pièce déterminante car il définit complètement le style d’une tenue. Une forme inadaptée fait directement sortir du registre recherché. Dans les épisodes qui arrivent on va traiter les différents aspects de sa coupe et pointer du doigt les problèmes récurrents. Commençons tout de suite avec cet article consacré à la hauteur du pantalon.
J’entends beaucoup de personnes aujourd’hui dire que les tailles hautes sont dépassées. Il faut avouer qu’on a grandi dans un culte des tailles basses impressionnant. Je me souviens encore de cette période où porter un pantalon à ras du fion en laissant dépasser son caleçon rose fluo était considéré comme cool.
Difficile de dire comment on est arrivés à un tel point. La démocratisation du jeans a probablement poussé à une mode généralisée des tailles basse qui a ensuite été maintenue pour ses avantages en terme de coût. S’il existe une clientèle prête à acheter de la merde autant produire des demi-pantalons en tissu synthétique.
Même si ces dernières années les tailles ont eu tendance à remonter légèrement on voit encore souvent des catastrophes dans les ensembles « classiques ». Le pantalon a un impact important sur la silhouette et trop bas il pourrit complètement le rendu d’une tenue.
Il faut savoir pour commencer que le mot « taille haute » est dévoyé aujourd’hui. La mode masculine est tellement aux tailles basses qu’un pantalon qui ne laisse pas la raie du cul apparente façon plombier est déjà considéré comme « taille haute ». La vraie taille haute dans le jargon sartorial s’arrête – attention surprise – sur le haut de la taille, au dessus du nombril, sous les côtes, à la base du « V » des grands dorsaux.
Etant donné que les tailles classiques sont systématiquement plus hautes que les tailles modernes, il peut quand même être pertinent de parler de « tailles hautes » en opposition aux « tailles basses » proposées par la grande majorité du prêt-à-porter. Pour éviter à vos esprits un trop gros choc conceptuel en cette période d’élections et de vulgarisation à outrance je vais conserver cette terminologie simple.
Après cette parenthèse technique entrons dans le vif du sujet : les tailles basses, c’est de la merde.
Une seule situation justifie pour moi le port d’une taille basse : lorsqu’il s’agit de mettre le corps en valeur en dévoilant le ventre. Le vêtement est dans ce cas moins utilisé dans une optique de structure que pour éviter l’attentat à la pudeur.
Hors des situations estivales les vêtements recouvrent le corps et l’enjeu est de reformer une silhouette harmonieuse. En porter dans une tenue classique donne alors un résultat catastrophique.
Les problèmes concernent d’abord la structure-même de la silhouette : les tailles basses abaissent la ligne de taille sous un point qui est situé en-dessous de la zone de la taille anatomique.
La taille est un repère visuel important car c’est l’endroit le plus étroit du corps. Elle peut être complètement masquée par l’amplitude des vêtements contrairement aux parties larges comme les épaules qui les supportent. De manière classique on se sert d’un marquage (cintrage, gilet, ceinture du pantalon, etc) pour diviser les silhouettes en une portion haute et une portion basse à partir de la taille.
Une taille marquée contraste avec les parties larges du dessous et du dessus, retrace les angles du corps et met en valeur les caractères sexuels secondaires. Sur des morphologies standard d’homme et de femme ça se traduit respectivement par un torse en V et une plongée de bassin accentués.
En marquant un endroit plus large que la taille naturelle, les tailles basses gomment les angles du corps. Elles donnent en général des silhouettes plates et peu structurées assez caractéristiques.
Si on rajoute le port d’une veste la ligne du pantalon dépasse sous le boutonnage. On a alors un travail digne des plus grands écarteleurs du Moyen-âge puisque la silhouette est étirée en son milieu sur 30cm.
Le cintrage de la veste et la ceinture du pantalon situés à des niveaux différents créent un double-marquage. On a l’impression que la silhouette n’est plus divisée en deux mais en trois, avec un haut, un bas et une partie intermédiaire qui n’a rien à foutre là.
Les tailles basses en abaissant la longueur perçue des jambes tassent aussi plus facilement les silhouettes. A l’inverse les tailles hautes sont connues pour les allonger en donnant l’illusion de jambes plus grandes.
En fait les tailles hautes « élancent » plutôt la silhouette, c’est-à-dire qu’elles donnent une stature, une hauteur aux éléments principaux du corps qui sont le torse et la tête. Il faut penser au fonctionnement d’un piédestal : mettez une jolie statue sur une colonne de trois mètres et elle parait majestueuse ; foutez-la sur un vieux socle en pierre à quelques centimètres du sol et elle est juste bonne à servir d’éponge-pisse aux clodos et étudiants du coin.
On peut lire parfois que ces jambes allongées raccourcissent trop le torse et créent un déséquilibre de proportions entre le haut et le bas de la tenue. Cette idée que haut et le bas devraient obligatoirement avoir la même longueur pour un résultat équilibré est complètement stupide. Le pantalon a un tel impact sur les proportions horizontales (taille et carrure) que chercher l’équilibre sur les proportions verticales (longueur des vêtements), par exemple en ayant ce rapport pantalon-chemise 50/50, est complètement désavantageux.
Rien n’empêche de moduler légèrement la hauteur du pantalon en fonction du port envisagé.
Cette manie de raccourcir les jambes oblige par la même occasion à resserrer le pantalon pour éviter l’effet de volume (quand on dit que ça flingue les proportions horizontales). On se retrouve donc systématiquement avec des coupes foireuses.
On peut aussi lire sur certains blogs que les grands ne devraient pas porter de taille haute pour éviter un aspect trop longiligne. C’est peut-être vrai quand on porte un legging mais pas un pantalon correctement coupé. Les exemples de perches qui portent des tailles hautes sont nombreux dans le milieu.
Ces problèmes ont encore des conséquences d'un point de vue plus fonctionnel, comme le fait de mettre le bide en évidence. L’abdomen doit être couvert en partie, un pantalon situé juste en-dessous comprime les tissus adipeux vers le haut et fait déborder le gras. Même le plus petit ventre finit avec une gueule de blobfish. Pas besoin de vous dire que laisser traîner sa pense de cette manière donne l'air avachi et vous prive de toute possibilité d'être élégant. Vous êtes relégué à la ligue du loukoum.
Dernier problème important qu'on peut mentionner : les tailles basses sont moins confortables. Mais j’en vois déjà certains s’agiter dans leur sarouel Tati en lisant ça donc je vais nuancer le propos.
Il y a deux manières de porter le pantalon : serré ou avec bretelles.
Serré au niveau des parties dures du bassin, un pantalon taille basse a l’avantage de ne pas comprimer le bide en position assise, mais aussi une fâcheuse tendance à tomber et créer du frottement. On évite ces problèmes avec une taille légèrement relevée, juste au-dessus des pointes de l’os iliaque. C’est la meilleure manière de porter un pantalon avec ceinture ou pattes de serrage.
Mais impossible cependant de serrer un pantalon avec une taille trop haute sans compresser totalement le ventre en position assise. Il faut donc adopter les bretelles, et c’est la manière la plus confortable de porter le pantalon puisqu’on maintient un tombé parfait dans toute position sans aucune pression excessive sur l’abdomen.
Conclusion
Il est temps d’ouvrir les yeux sur les effets dégueulasses des tailles basses. Un pantalon, sans forcément être très haut, devrait au moins monter au-dessus des hanches et couvrir partiellement le ventre.
On sort d’une période du tout-slim/tout-skinny. La mode féminine qui évolue très rapidement retravaille l’amplitude et la hauteur du pantalon depuis quelques années là où les hommes sont encore dans une tendance au serré bas.
Si le serré est encore le standard chez nous on voit quant même qu’une porte a été ouverte et que le style sartorial s’y infiltre. Le classique pullule sur les réseaux sociaux, les gens redéveloppent leur culture, ce qui explique aussi le succès du prêt-à-porter asiatique en Occident.
La taille haute va vraisemblablement se démocratiser dans la décennie à venir. Je vois bien ce retour passer le pantalon gurkha qui peut plaire au plus grand nombre avec sa personnalité et sa versatilité.
Donc arrêtez les pantalons bas avec costumes et vestes, apprenez à remonter progressivement, osez une taille qui monte jusqu’au nombril avec vos tenues casual, … bref reconsidérez sérieusement la hauteur de vos pantalons si ce n’est pas déjà fait.
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