Avant-propos
Cela fait plusieurs années que les semelles en caoutchouc gagnent du terrain et la tendance n’a aucune raison de s’inverser. Au contraire, elle ne fait que s’accélérer et chez certaines marques les semelles en caoutchouc sont même devenues majoritaires ou sont en passe de le devenir. Les raisons derrière ce succès sont nombreuses, mais elles peuvent se résumer à deux choses, une baisse de la qualité, et une baisse des coûts. Baisse de la qualité, non pas des semelles en gomme, mais des semelles en cuir, et baisse des coûts engendrés par les économies qu’une semelle gomme peut permettre de réaliser par rapport à une semelle en cuir. J’insiste sur le “peut permettre” mais nous verrons cela dans la seconde partie de cet article.
Les semelles en cuir
Avant d’entrer dans le vif du sujet il est bon de faire une rapide présentation des semelles en cuir qui existent sur le marché. Sans la trépointe (quand il y a en a une) l'épaisseur typique d'une semelle en cuir est comprise entre 4,5 et 5,5 mm. C’est bien évidemment une moyenne, il peut y avoir des semelles plus ou moins épaisses que cela, puisque le type de montage a une influence sur l’épaisseur de la semelle qui va être employée.
Dans certains cas, on trouve des semelles en cuir double, voire triple, qui sont normalement plus durables et qui sont en général destinées à des chaussures d’aspect plus rustique. Il existe aussi des semelles doubles qui deviennent simple en cambrure, communément appelées semelle “Haf” chez les anglophones, c’est une finition que l’on rencontre plus souvent en mesure mais Edward Green et d’autres marques de PAP la propose.
Une double semelle est plus durable, plus épaisse et, bien sûr, permet d'isoler davantage la chaussure.
Je ne vais pas aborder les diverses finitions visuelles (patine, glaçage) qui sont possibles sur les semelles en cuir, car c’est uniquement de la coquetterie et cela dépend simplement des désirs des clients ou de la fantaisie (ou non) du fabricant.
La baisse de qualité des semelles en cuir
Le tannage
On parle très souvent de la baisse de qualité des cuirs de tige dans le monde de la chaussure, mais l’on parle beaucoup moins de la baisse de qualité des cuirs utilisés pour les semelles d’usure, et pourtant le déclin est tout aussi rapide. Le critère principal qui va déterminer de la durabilité d’une semelle est la dureté, plus le cuir va être dur plus il va être résistant, mais attention, il faut que le cuir conserve toujours un certain ressort. Un cuir trop dur risque de devenir friable. L’épaisseur joue bien évidemment un rôle mais il est secondaire, une semelle trop souple qui est épaisse ne va pas résister mieux qu’une semelle plus fine à la bonne dureté.
Pour que le cuir soit à la bonne rigidité il faut lui faire subir tout un processus pour obtenir une dureté optimale avec la bonne quantité de ressort. De base, sur une peau de bovin, il y a des zones qui sont plus ou moins rigides. Le centre de la peau est la zone la plus rigide et plus vous allez vers les extrémités plus le cuir devient souple et plus il a de prêtant ce qui est une caractéristique indésirable quand vous voulez travailler le cuir de façon générale, et quand vous voulez faire des semelles en particulier. C’est pour cette raison que la zone la plus prisée est celle que l’on appelle le croupon car elle est la plus stable dimensionnellement puisqu’elle a le moins de prêtant. Bien que le croupon soit une zone naturellement plus rigide que les autres, elle n’est pas suffisamment rigide pour qu’elle puisse être utilisée sur des semelles avec n’importe quelle forme de tannage. Pour qu’un croupon soit le plus rigide possible il faut qu’il soit tanné avec un tannage végétal, le tannage au chrome produit de façon générale un cuir souple même s’il existe évidemment des cuirs tannés au chrome qui sont plus rigides que d’autres.
Le problème du tannage végétal par rapport au tannage au chrome est sa durée, il est beaucoup plus chronophage et donc il coute beaucoup plus cher. Un tannage au chrome peut être effectué en 3 heures. Un tannage végétal peut être réalisé en 48h, mais pour des semelles, un tannage végétal dit “lent” demande au minimum 30 jours. En réalité il peut aller de 30 jours, à 30 mois. Enfin ça c’est historiquement, aujourd’hui on est plus aux alentours des 18 mois maximum, c’est pour cela que l’on parle parfois de tannage lent, voire même de tannage extra lent. Et 30 jours, ça n’est pas un tannage végétal extra lent à l’écorche de chêne, mais un tannage réalisé avec des agents chimiques qui sont censés reproduire un tannage à l’écorce de chêne, autrement dit c’est une version industrielle qui coûte beaucoup moins cher et qui est donc très populaire, c’est d’ailleurs plus ou moins la norme de nos jours en dehors de quelques irréductibles (Bastin, Garat, Baker, possiblement d’autres mais on a là les plus connus).
Lors d’un tannage végétal lent traditionnel il y a 3 grandes étapes à suivre (je ne compte pas la préparation, je ne parle que des étapes spécifiques au tannage végétal lent). Il y a tout d’abord ce qu’on appelle le passage en brasserie où les peaux sont saturées de tanins, cette étape dure en général deux mois mais elle peut durer plus, Baker dit faire 3 mois par exemple. L’étape la plus longue est le passage en cuve (également appelée fosse), c’est durant cette étape qu’on laisse les peaux reposer avec de l’écorce, en général de chêne mais d’autres essences sont utilisées comme du châtaignier. Cette étape peut à elle seule prendre 12 mois. On a l’habitude dans le milieu de dire qu’il faut laisser du temps au tan mais une telle lenteur est aujourd’hui impensable dans notre monde du “progrès technique” et des échanges globalisés. Car plus que jamais, le tan c’est de l’argent. C’est la première étape vers la “rationalisation” du tannage des semelles, le temps en fosse connaît de plus en plus de réductions et cela même chez les tanneries historiques et réputées. Bastin a fait passer son temps en cuve de 10 à 12 mois à 8 à 10 mois, d’après les divers reportages réalisés chez eux. Dans le monde du marketing, les délais fonctionnent à l’inverse de ceux du quotidien. Quand Bastin dit “de 8 à 10 mois” il faut comprendre que le temps passé en fosse est très vraisemblablement de 8 mois voire moins (j’ai entendu que parfois on était plus proche des 6 mois). Quand votre plombier vous dit qu’il faudra attendre “4 à 6 semaines” vous allez poireauter 6 semaines voire plus.
Cela étant dit, le temps de passage en fosse des concurrents n’est pas très éloigné de ça. Chez Garat on parle de 4 à 6 mois en cuve (d’après leur propre site internet), Baker dit laisser les peaux en cuve pendant 9 mois, pour un temps total de tannage de 12 mois et Rendenbach disait que le temps total de tannage prend 9 mois mais je n’ai pas trouvé le temps passé en cuve, de toute façon ça n’est plus la même tannerie qui produit les semelles. Au final ça n’est pas très important, le temps en cuve n’est pas un concours de distance, beaucoup de tanneries utilisent l’argument de la durée uniquement dans un but marketing, avec l’idée que plus c’est long plus c’est bon. En réalité, et selon le proverbe en vigueur chez les Anglois “you can’t polish a turd”, mettre un croupon naze en cuve pendant 36 mois ne le transformera pas en carrosse. Mieux vaut un temps plus court en cuve avec un cuir excellent qu’un temps long avec un cuir médiocre. Il est bon de le préciser car je vous laisse imaginez ce qui peut être fait (en matière d’utilisation de peausserie comme en matière de tannage) dans les tanneries de l’Inde, du Brésil ou de la Chine, qui sont de bien plus gros producteurs de cuir que la France ou l’Angleterre. C’est d’ailleurs là une autre raison de la baisse de qualité des cuirs de semelle, la concurrence des pays du tiers monde mais nous allons revenir à cela dans un court instant.
Après le passage en cuve, il existe quelques étapes intermédiaires (séchage, etc…), mais le stade final est le passage au battage et au cylindrage. Durant ces deux étapes il faut compresser les fibres du cuir au maximum afin de le rendre le plus solide et également le plus imperméable possible, car le cuir est par nature absorbant. Plus vous compressez les fibres, plus le cuir va être résistant et plus il sera résistant plus il sera durable. Le battage est une compression verticale, le cylindrage une compression horizontale. Le battage chez Bastin est fait en utilisant un marteau pilon de 10 tonnes qui a plus de 200 ans et qui a un rendement d’un autre monde, environ 6 à 7 croupons de l’heure. Cette machine réduit l’épaisseur du cuir de 25 % et surtout permet d’augmenter la résistance du croupon de 30 %, ce qui est considérable, mais en raison du temps que cela demande c’est une étape qui est aujourd’hui totalement bâclée voir simplement ignorée par de nombreuses tanneries. Ce qui résulte en un cuir avec des fibres beaucoup moins compactées, et donc beaucoup plus poreuses, ce qui est rédhibitoire en termes de longévité.
Le paysage actuel
La chaussure en cuir est en perte de vitesse depuis des années, c’est un reliquat qui est en train de disparaître et le solde de tout compte est proche. La majorité des gens ne jurent aujourd’hui plus que par les sneakers et c’est ce changement dans notre mode de vie qui est en partie à la source de la disparition de bien des tanneries et de bien des marques. Mais l’autre raison tient à la mondialisation et à l’ouverture des marchés aux pays du tiers monde. En 1920 la ville de Lynn dans le Massachusetts, juste au Nord de Boston était considérée comme la capitale mondiale de la chaussure, avec accrochez-vous bien, plus de 250 usines ! En 1981, il n’en restait plus une seule. Vous imaginez bien que pour qu’il existe autant d’usine il devait exister des tanneries, l’État du Michigan comptait à lui seul plus de 22 tanneries spécialisées dans la fabrication de semelles en cuir. Devinez combien il en reste aujourd’hui ? Pas une seule. Le changement de mode n’est pas à lui seul responsable de ce cataclysme, car ce dernier avait en réalité commencé dès les années 50, époque à laquelle le marché Américain de la chaussure s’est ouvert à la concurrence extérieure. L’industrie du cuir en général étant lente et coûteuse en main d’œuvre, elle n’était pas équipée pour résister à une concurrence asiatique où le coût de la main d’œuvre était négligeable et où la quantité primait sur la qualité. Ça a été un massacre. Cette stratégie à court terme a permis de faire baisser les prix et a assuré l’enrichissement rapide et facile de toute une génération, au prix d’une destruction presque intégrale de l’industrie de la chaussure américaine. Ce schéma a d’ailleurs été recréé dans d’autres secteurs industriels, et dans d’autres pays, mais ça n’est pas le sujet. Vous savez en revanche quelle génération remercier pour la désindustrialisation totale d’une grande partie de l’occident.
Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, il existe seulement trois tanneries dont les semelles en cuir sont véritablement réputées, Bastin, Garat et Baker. Bastin et Garat sont Français, Baker est la dernière tannerie Anglaise à faire un tannage lent traditionnel (comprendre par là que les autres tanneries Anglaises qui font du tannage lent utilisent des alternatives chimiques). J. Rendenbach n’existe plus, Kilger a racheté leur recette mais je ne sais pas quelle est la qualité actuelle de leur production. Il existe bien évidemment d’autres tanneries qui produisent des cuirs de semelle, mais aucune n’est autant réputée que ces trois-là. Comme toujours avec les tanneries ça n’est pas parce que ces trois-là sont les plus réputées qu’il n’en existe pas d’autres avec des produits qui peuvent être de bonne qualité, mais pour une raison ou une autre elles ne sont pas reconnues. De toute façon la reconnaissance ça ne fait pas tout, Rendenbach était de loin la marque la plus connue et la plus utilisée (Carmina, Vass, Meermin…) mais ils ont quand même décidé de vendre car l’activité n’était plus suffisamment profitable. Et puis il faut dire que toutes les tanneries ne sont pas nécessairement portées sur le marketing à outrance, surtout en France. On ne peut en effet pas dire que Bastin et Garat le soient, demandez à n’importe quel anglophone qui prétend connaître un peu le monde du soulier, il y a de grande chance qu’il n’ait jamais entendu ces noms. Les Français n’ont jamais su défendre ou promouvoir leurs intérêts nationaux et ça n’est pas demain que ça va changer. Toujours est-il que ces trois tanneries offrent des cuirs qui sont réputés, mais qui ont bien évidement leurs caractéristiques propres, enfin pour le client cela n’a au final pas beaucoup d’importance car ce qui l’intéresse ça n’est pas de savoir si une semelle est facile à travailler ou non, mais bien de savoir si elle est résistante, et le fait est que ça n’est bien souvent pas le cas.
La vaste majorité des semelles en cuir que l’on trouve sur le marché ne sont pas durables, pire, elles sont jetables car l’écrasante majorité des chaussures que l’on trouve sur le marché sont des chaussures d’entrée ou de milieu de gamme et leur prix de vente (sous les 500€) ne permet pas d’avoir à la fois un bon cuir de tige et un bon cuir de semelle (en réalité ces chaussures n’ont ni l’un ni l’autre). Rendenbach faisait un peu figure d’exception car on trouvait leurs semelles sur des chaussures relativement bas de gamme (la gamme Maestro de Meermin) mais c’était vraiment anecdotique comme positionnement. En général c’est bien sur la semelle que les marques rognent, car le client, forcément ignorant, je rappelle que le client lambda vient pour son mariage ou un entretien d’embauche, va se focaliser intégralement sur l’apparence du cuir de tige, car pour lui c’est la tige qui “fait” la chaussure et il n’a pas totalement tort. Quelle n’est pas sa surprise, quand après 2 ans de ports (je suis généreux et je vais vous dire pourquoi après) ses chaussures trop géniales de luxe en cuir ont un trou béant dans la semelle. Il se dit, “c’est vraiment de la merde ces chaussures”. Et vous savez quoi ? Il a raison. C’est de la merde. En réalité, aujourd’hui, vous avez des gens qui au bout de 3 mois d’utilisation se retrouvent avec des chaussures en cuir qui ont un trou béant dans la semelle. Surtout si ce sont des gens qui ne connaissent rien à la chaussure et qui vont avoir tendance à porter la même paire tous jours. Donc oui, quand je disais deux ans, j’étais bien généreux, chez certaines personnes c’est beaucoup, beaucoup moins que ça. Forcément, sur les forums les con-naisseurs ont tendance à se gausser “oh oh le noob, il ne savait pas qu’il fallait laisser reposer la chaussure entez 2 ports” alors qu’en réalité la majorité d’entre eux sont des cosplayeurs cocus (ou puceau selon l’âge) qui tirent une vanité déplacée d’un costume mal coupé par leur “copain tailleur” et leur paire de 7L. Ils ne valent donc guère mieux. En temps normal, j’aurais tendance à être méfiant avec les retours des gens sur les forums, car vous ne savez jamais ce qu’ils font avec leurs chaussures. Il est vrai que beaucoup de gens ne sont pas soigneux. Mais là ça n’est pas vraiment comme pour une voiture où vous ne savez pas si elle a été conduite pour aller à la pharmacie par un boomer à la retraite géante ou si elle a été conduite par un “jeune” pour faire du drift sur le parking du Franprix le dimanche soir. Non, je connais assez peu de gogoles qui vont dépenser 400€ dans un Richelieu pour se lancer dans l’ascension du Kilimanjaro. Enfin, maintenant plus rien ne m’étonne, ça doit bien exister, mais ça n’est pas la norme. Avec les chaussures, la majorité des gens les utilisent tout simplement pour marcher, et bien qu’il y ait une multitude de facteur qui peuvent accélérer l’usure d’une semelle (poids, humidité, démarche, distance parcourue...) les chaussures avec des semelles en cuir ont des siècles d’existences et il est absolument anormal qu’une semelle en cuir se troue en 3 mois. Les marques le savent bien, elles comptent un peu sur le fait que beaucoup de clients vont sortir leur paire une fois ou deux dans l’année, mais il y a “les autres” ces emmerdeurs qui portent des souliers toute l’année, c’est pour ça qu’elles poussent de plus en plus leur clientèle à adopter des semelles en caoutchouc.
Notez que je n’ai rien contre les semelles en caoutchouc, elles ont leurs avantages comme elles ont leurs inconvénients,mais nous aborderons toutes ces questions dans la seconde partie de cet article. Bien évidemment, comme leur nom l’indique, les semelles d’usure en cuir sont destinées à être remplacées. Elles ne sont pas éternelles, d’où l’intérêt des cordonniers. Mais les marques ont eu tendance à prendre cette expression un peu trop à la lettre, elles n’ont pas été pousser le vice jusqu’à créer des semelles à usage unique, ça ne serait pas vendeur, mais on n’en est pas loin. Et de toute façon elles peuvent toujours rejeter la faute sur l’utilisation du client, il y a déjà eu des discussions tenant de la cour des Miracles dans certaines boutiques, des boutiques tenues par des fous.
- “Mais que-ce que vous avez fait avec vos beaux souliers mon pauv’ Monsieur ?”
- “Bah, ce qu’on fait d’habitude avec des chaussures quoi, j’ai marché.”
- “Vous avez fait quoi ? Vous avez MARCHÉ avec ? Mais mon pauv’ Monsieur, des chaussures en cuir ça n’est pas fait pour marcher, c’est fait pour parler sur les forums, à la rigueur, poser sur Instagram en fumant un cigare.”
- “Bah oui d’accord, mais je fais quoi moi si j’ai besoin de sortir ma femme ou mon chien ?”
- “Faites comme tout le monde. Marchez sur vos mains.”
- “Et je fais comment pour tenir la laisse”
- “Avec les dents, évidemment”.
Plutôt que de demander aux clients de marcher en chaussettes ou sur les mains, il serait possiblement plus malin de proposer des doubles semelles, voire des triples semelles. Certaines marques le font mais là aussi, c’est cher et donc ça rogne, les doubles semelles de certaines marques sont plus épaisses que les triples semelles de leurs concurrents. Enfin, comme un lecteur l'a fait remarqué en commentaire, il faut tout de même relativiser la durabilité des doubles ou triples semelles, toutes ne se valent pas. Le mieux est simplement de ne pas utiliser des semelles de merde qui viennent d’on ne sait où, qui sont tannées on ne sait comment, et qui ont la même résistance que du papier mâché. Il suffisait d’y penser.
Mais les marques ça les emmerde de ne pas utiliser des semelles en carton, ça les emmerde car si ellesn ’utilisent plus du carton, elles ne peuvent plus vendre leurs pompes de merde à 200, 300 ou 400 euros. Et du coup elles ne peuvent plus habiller l’élégant wanabee, le cosplayeur des Discord et le marié bon à pigeonner. Et puis, il faut dire que certains, ça les arrange bien d’utiliser des semelles de merde, parce que derrière ils peuvent vendre le combo fer + patin directement au client et ça pour le double du prix d’un cordonnier. Quitte à être fils de pute, autant l’être complètement. Entendez-moi bien, je n’ai rien contre le combo fer + patin, je le recommande à tout le monde, tout le temps, sur toutes les marques. Les seules fois où je suis prêt à faire des exceptions c’est sur le bespoke, et encore si je sais quel cuir est utilisé pour les semelles. Il faut admettre une chose, le combo fer + patin, c’est une dérive, une réaction du client lésé qui vient palier à une défaillance systémique. Ça n’existait presque pas du temps où les semelles n’étaient pas découpées dans de la mozzarella. C’est comme les femmes qui n’osent plus sortir dehors après une certaine heure, c’est anormal, ça ne devrait pas arriver et ça n’arrivait pas avant, mais la société s’en est accommodée, alors vous pensez bien qu’elle peut s’accommoder d’autant plus facilement d’un petit fer et d’un petit patin. En même temps c’est une solution qui permet (pratiquement) de se passer des ressemelages, ça aussi les marques le savent, et elle se disent donc qu’elles n’ont pas besoin de payer pour des semelles de qualité, puisque le client fera poser un patin et un fer et que donc elle peut s’en laver les mains voire même choper un petit billet au passage si elles arrivent à pousser le client à faire l’opération chez eux à des tarifs proches de l’extorsion.
Conclusion
Pour conclure la première partie de cet article sachez qu’il n’est pas possible d’estimer la durée de vie d’une semelle en cuir. Il y a beaucoup trop de variables. Certaines personnes vont pouvoir attendre 10 ans entre les ressemelages, d’autres 5 et d’autres beaucoup moins. La fréquence d’utilisation est vraiment un facteur qui est déterminant, parmi bien d’autres comme la démarche, le poids, le climat, et cela devrait être une évidence pour tout le monde. Il est en revanche également évident qu’il y a eu une baisse drastique dans la qualité des semelles et le marché s’est adapté en généralisant les patins en caoutchouc. D’autant que l’avantage des patins est d’améliorer l’adhérence et que pour beaucoup de gens c’est presque une considération qui est supérieure à l’usure. Sachez également qu’il y a quelques petites astuces à connaître pour aider à prolonger la durée de vie de vos semelles en cuir. Tout d’abord, il est bon de savoir que la moquette (surtout celle des bureaux de ploucs en open space) est extrêmement abrasive et potentiellement pire que le bitume. Sachez également qu’il est préférable de laisser sécher une chaussure humide sur sa tranche, et ce afin de permettre à la semelle de respirer. Sans cela, il y a un risque que de la moisissure se forme, ce que vous voulez éviter à tout prix. Maintenant que vous savez plus ou moins tout ce qu’il y a à savoir sur les semelles en cuir, nous allons passer dans la seconde partie de cet article aux semelles en caoutchouc.