Démontage d’une paire de Carlos Santos

Toutes les photos du démontage sont la propriété de Sartorialisme.com et ne peuvent être utilisées sans autorisation.

Avant-propos

La paire qui fait l’objet du démontage est le modèle Andrew 6942 de Carlos Santos vendu à 339€. Cette paire a été achetée usagée mais a été portée moins d’une dizaine de fois par le précédent propriétaire. Il s’agit d’une double boucle avec un montage Goodyear rainette qui est trouvable chez d’autres marques sous divers noms. En effet, Carlos Santos est surtout réputé pour fournir via son usine Zarco bon nombre de private labels disponible en France. Loding, Malfroid, JM Legazel, Monsieur Chaussure, Gustavia, Marc Guyot, Prince Jorge et j’en passe font fabriquer ou on fait fabriquer certains de leurs modèles par Carlos Santos. Parmi toutes ces marques certaines proposent une double boucle très similaire, pour ne pas dire identique au modèle Andrew 6942 que nous allons démonter. Loding appelle leur modèle Melleray 473, chez Malfroid c’est Scapin (un lien avec les fourberies ?), quant à Monsieur Chaussure le nom est moins évocateur : MC01. En dehors de la communication faite par ces marques respectives et de quelques détails (notamment les peausseries), il ne s’agit que d’un seul et même modèle qui fait l’objet de plusieurs déclinaisons. Cet article n’a pas pour vocation à comparer ces différentes chaussures et à illustrer les différences existantes (ou non) dans le cahier des charges. Nous effectuerons sans doute ce travail un jour, mais pour l’instant nous allons nous contenter de démonter le modèle disons “originel”. Comme toutes ces chaussures sortent de la même usine, et sont fabriquées sur le même montage, vous saurez déjà très largement à quoi vous en tenir.

Le modèle en question sur le site de la marque. (Source: Carlos Santos)
Le modèle en question sur le site de la marque. (Source: Carlos Santos)
Et ses déclinaisons chez les private labels. (Source: Monsieur chaussure, Malfroid, Loding)
Et ses déclinaisons chez les private labels. (Source: Monsieur chaussure, Malfroid, Loding)

Puisque nous parlons du montage il est toujours bon de rappeler la façon dont s’articule la gamme de chaussures produites par Zarco, la marque ayant à juste titre la réputation d’être illisible à ce sujet. L’usine produit 4 gammes de chaussures. La première est en Blake, la seconde en Goodyear rainette, la troisième en Goodyear sous gravure (Handgrade), et enfin la quatrième est en Goodyear avec une cambrure en Blake (Handcrafted). Le modèle que nous allons démonter ainsi que ses copies vendues sous d’autres marques proviennent donc de la seconde gamme offerte par Zarco, ce qui correspond à la ligne principale de la marque.

Pour la première fois dans notre série de démontages nous allons mettre en parallèle nos commentaires avec ceux de “reviews, tests, avis” publiés par d’autres blogs. Cela afin d’exposer la différence qu’il peut exister entre les “attentes” issus de ces “tests” et la réalité. Et puis c’est toujours drôle de voir le babillage débile des influenceurs. À croire qu’il existe un concours secret entre eux pour savoir qui sortira la plus grosse connerie.

Cet article est par définition technique et assume que le lecteur a au moins lu notre article “Qu’est-ce qu’un soulier de qualité”.

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Avant de démonter la paire nous commençons par vérifier si le cuir comporte des défauts. Carlos Santos n’indique pas la provenance du cuir mais la marque se fournit essentiellement chez les tanneries du Puy et Annonay. Les photos donnent une fausse impression de l’état d’usure de la paire, cette dernière est vraiment presque neuve et tout ce qu’il lui faudrait c’est un bon entretien. Une fois que l’on fait abstraction des plis d’aisance, marques causées par l’usage et du manque hydratation de la peau il n’y a globalement pas de problèmes majeurs avec le cuir. Ce dernier frisote pas mal par endroits mais c’est attendu à ce prix, et bien que la paire n’ait pas été entretenue le cuir demeure assez souple.

Chez Comme un Camion ils ont essayé le modèle Melleray de Loding et ils sous entendent que Loding y serait pour quelque chose dans le design du modèle, ce qui n’est évidemment pas le cas. Crasse incompétence ou mauvaise foi, c’est à vous de juger. Les private labels aiment se voir attribuer des mérites qu’ils n’ont pas et payent en général assez bien pour cela. (Source: Comme un camion)
Chez Comme un Camion ils ont essayé le modèle Melleray de Loding et ils sous entendent que Loding y serait pour quelque chose dans le design du modèle, ce qui n’est évidemment pas le cas. Crasse incompétence ou mauvaise foi, c’est à vous de juger. Les private labels aiment se voir attribuer des mérites qu’ils n’ont pas et payent en général assez bien pour cela. (Source: Comme un camion)
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Pour ce qui est du montage ce modèle étant issu de la gamme principale il est en cousu Goodyear sous rainette. À 339€ c’est un peu mesquin car beaucoup de marques dans cette gamme de prix proposent du Goodyear sous gravure. Chez Carlos Santos si vous voulez accéder au Goodyear sous gravure il faut vous diriger vers la gamme Handgrade qui commence à 419€.

Jesper de Shoegazing a réalisé une review sur un modèle différent de la main line et arrive à la même conclusion, en même temps c’est une simple question de bon sens. (Source: Shoegazing)
Jesper de Shoegazing a réalisé une review sur un modèle différent de la main line et arrive à la même conclusion, en même temps c’est une simple question de bon sens. (Source: Shoegazing)
Chez Jamais Vulgaire qui ont écrit un article sur le modèle Scapin de Malfroid visiblement on ne sait pas très bien à quoi ça sert un cousu sous gravure alors on bave un peu n’importe quoi. (Source: Jamais vulgaire)
Chez Jamais Vulgaire qui ont écrit un article sur le modèle Scapin de Malfroid visiblement on ne sait pas très bien à quoi ça sert un cousu sous gravure alors on bave un peu n’importe quoi. (Source: Jamais vulgaire)
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En ce qui concerne la qualité de finition, le soin apporté à la paire est tout à fait correct, il n’y a rien de particulier à signaler. La roulette d’emboitage est, comme souvent dans ces prix, pas très belle et peu profonde mais il n’y a aucun défaut rédhibitoire. La jointure trépointe/couche point est bien effectuée contrairement à ce que l’on trouve chez Meermin par exemple. Le piquage de la tige avec 10 stitches per inch (SPI) est dans la moyenne de ce qui existe dans cette gamme de prix, il y a mieux ailleurs, mais il y a aussi pire. La couture petit point est régulière et ne comporte pas de défauts.

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Nous commençons par le démontage du bloc talon et déjà ça commence mal puisque non seulement ce dernier est en salpa, mais il est en plus très facile à faire sauter. Le bloc talon est maintenu en place par 5 clous vissés et de la néoprène. À titre d’exemple chez Bridlen et Meermin on avait 7 clous vissés (et de la néoprène), mais surtout le bloc talon était en cuir. Sans que ça soit la fin du monde, cela reste un point négatif.

Chez misiuacademy il existe une review du modèle Andrew de notre démontage, mais dans une couleur différente. Le contenu de la review est assez amusant puisqu’il parle d’une petite usine familiale, d’artisans experts qui n’utilisent presque pas de machines, bref au final une œuvre d’art…. Et vlan, derrière on se retrouve avec un bloc talon en salpa. La vilaine économie mesquine. Bon, il faut l’excuser, le type en question est depuis devenu un revendeur de la marque Carlos Santos alors forcément… (Source: misiuacademy/sartorialisme)
Chez misiuacademy il existe une review du modèle Andrew de notre démontage, mais dans une couleur différente. Le contenu de la review est assez amusant puisqu’il parle d’une petite usine familiale, d’artisans experts qui n’utilisent presque pas de machines, bref au final une œuvre d’art…. Et vlan, derrière on se retrouve avec un bloc talon en salpa. La vilaine économie mesquine. Bon, il faut l’excuser, le type en question est depuis devenu un revendeur de la marque Carlos Santos alors forcément… (Source: misiuacademy/sartorialisme)
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Je ne vais pas m’amuser à retirer toutes les couches du bloc talon, j’ai juste enlevé un sous-bout supplémentaire. À titre de comparaison sur cette photo vous avez à gauche le bloc talon qui provient de Bridlen.

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J’enlève ensuite la demi-première de propreté. En dessous de cette dernière se trouve un morceau de mousse caoutchouteuse de bonne densité. Rien de vraiment spécial dans ce domaine, la première de montage est en cuir et présente une épaisseur qui est très correcte.

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Passons maintenant au montage, il y a beaucoup à dire. Commençons par le cambrion en bois. L’avantage du bois par rapport à l’acier est bien évidemment qu’il ne rouille pas. Alors, je sais bien que ça fait traditionnel d’utiliser un cambrion en bois, encore faut-il que cela soit fait proprement. Le cambrion est pratiquement tombé de lui-même au moment d’ouvrir la chaussure. Il est fort probable que le temps de séchage de la néoprène n’ait pas été respecté. Si vous avez déjà eu des chaussures qui grincent ou couinent le coupable est bien souvent le cambrion qui s’est décollé.
Le couche point est maintenu en place par des agrafes, ce qui est très commun pour les productions Européennes mais n’a pas ma préférence.

La review de Jamais Vulgaire fait mention d’un double cambrion en bois. On peut voir que sur notre modèle ce n’est pas le cas. N’ayant pas démonté le modèle Scapin de Malfroid, j’accorde le bénéfice du doute. Les marques en private label peuvent choisir des options spécifiques que l’usine peut décider de ne pas inclure sur leur ligne en nom propre. Nous aurons la réponse définitive à cette question lorsque nous démonterons une paire de Malfroid. (Source: Jamais vulgaire)
La review de Jamais Vulgaire fait mention d’un double cambrion en bois. On peut voir que sur notre modèle ce n’est pas le cas. N’ayant pas démonté le modèle Scapin de Malfroid, j’accorde le bénéfice du doute. Les marques en private label peuvent choisir des options spécifiques que l’usine peut décider de ne pas inclure sur leur ligne en nom propre. Nous aurons la réponse définitive à cette question lorsque nous démonterons une paire de Malfroid. (Source: Jamais vulgaire)
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Une bonne nouvelle, le mur de montage est collé (sans surprise) mais également agrafé en place. Cela afin d’éviter que le mur de montage ne se mette à bouger si la colle se désagrège (ce qu’elle fera tôt ou tard) ou si vous mettez trop de pression sur le mur de montage en utilisant des embauchoirs inadaptés. Une solution qui gagnerait à être adoptée par toutes les marques qui utilisent des murs collés.

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J’expose ensuite les renforts, Comme toujours le bout dur est en celastic. Ce dernier est d’une qualité assez correcte, supérieur à ce qui est utilisé par Meermin ou Bridlen par exemple.

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À l’arrière le contrefort est en salpa, mais ce dernier est très souple, probablement pour favoriser un plus grand confort immédiat au détriment de la durabilité. C’est toujours mieux que du celastic. Il n’y a pas d’ailette de renforts. Dans cette gamme de prix ce n’est absolument pas surprenant et dans nos démontages seule la paire de Bridlen en avait.

Selon Jamais Vulgaire Malfroid utilise un cuir de 16 mm d’épaisseur. La valeur de 16 mm est donnée à au moins deux reprises dans l’article donc s’il s’agit d’une coquille cette dernière est persistante et très amusante car elle est d’une ineptie totale. Mais si jamais vous aviez des doutes sur la stupidité de la valeur qui est donnée, voilà pour référence l’épaisseur du cuir utilisé par Carlos Santos. (Souce: Jamais vulgaire)
Selon Jamais Vulgaire Malfroid utilise un cuir de 16 mm d’épaisseur. La valeur de 16 mm est donnée à au moins deux reprises dans l’article donc s’il s’agit d’une coquille cette dernière est persistante et très amusante car elle est d’une ineptie totale. Mais si jamais vous aviez des doutes sur la stupidité de la valeur qui est donnée, voilà pour référence l’épaisseur du cuir utilisé par Carlos Santos. (Souce: Jamais vulgaire)
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Le cuir de tige fait environ 1.20 mm d’épaisseur. En réalité il est légèrement moins épais, mais obtenir une mesure précise tout en prenant une photo est délicat. Et je vois ceux qui vont me dire : « Mais peut être qu’ils parlaient de la première de montage ?…. ». Celle-ci mesure environ 3.46 mm d’épaisseur. Vous en tirez les conclusions que vous voulez quant aux experts en expertises et à leur (in)compétence.

Conclusion

Ce modèle est une bonne illustration du principe de segmentation au sein d’une même usine. Zarco sait faire des chaussures techniquement très avancées (avec la ligne Handcrafted par exemple) et ce savoir-faire est mis au service des lignes inférieures. Le choix d’agrafer le mur de montage collé en est une bonne illustration. La paire est également finie avec soin, et on est loin de trouver la même négligence qu’avec les productions Chinoises de Meermin par exemple. Pas de trépointes baladeuses, pas de déforme appliquée n’importe comment etc etc. Pour autant nous ne sommes pas non plus en présence d’un soulier qui soit techniquement radicalement différent de ce que Meermin propose. Pour le double du prix, vous avez un travail qui est bien effectué, mais qui n’est pas non plus sans reproches. Les productions de Carlos Santos en leur nom propre et dans leur gamme principale sont donc honnêtes et pêchent surtout par certains choix économiques qui peuvent trouver leur explication dans la concurrence. En effet, la ligne principale en Goodyear rainette est mise en vente à un prix assez proche de ce qui se fait chez les Espagnols d’Andrès Sendra alors que la ligne Handgrade et son cousu sous gravure semble plus lorgner du côté de Carmina.

Démontage d’une paire de Bridlen

Avant-propos

Bridlen a fourni la paire destinée à ce démontage. Toutes les photos sont la propriété de Sartorialisme.com et ne peuvent être utilisées sans autorisation.

La paire qui fait l’objet du démontage a été très rapidement présentée dans notre article "test & avis souliers Birdlen" et est parfaitement neuve si l’on excepte quelques ports en intérieur, il s’agit d’un richelieu de type semi brogue avec un montage goodyear sous gravure et un cuir provenant de la tannerie d’Annonay. Il s’agit d’un modèle qui est proposé à 237€ et qui provient de la Main line de la marque.

A

Cet article est par définition technique et assume que le lecteur a au moins lu notre article “Qu’est-ce qu’un soulier de qualité”.

Avant de démonter la paire nous commençons par vérifier si le cuir comporte des défauts.

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Dans cette gamme de prix le cuir d’Annonay est égal à lui-même, vous avez donc quelques éraflures et à certains endroits le cuir frisote. Mais il n'y a en revanche aucuns défauts rédhibitoires. Vous allez voir la même chose chez énormément de marques du milieu de gamme. Pour autant le travail de clicking est bien fait, le coupeur a essayé au maximum d’utiliser les parties les plus marquées à des endroits peu visibles ou qui vont être masqués par le pantalon du porteur.

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Sur le soulier gauche le cuir frisote pas mal en cambrure, mais il n'est pas creux. Il y a quelques bavures de déforme au-dessus de la lisse mais rien de choquant. Le cuir prend bien la lumière et il reçoit une couche de crème en finition ce qui lui donne ces reflets foncés. Le cuir devrait bien se patiner avec le temps.

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La “bosse” que vous voyez au milieu de la semelle d'usure est causée par le double cambrion. C'est un choix esthétique et non un défaut si jamais certains se posaient la question.

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On commence par le démontage du bloc talon. Le bonbout est du type “cuir coin caoutchouc” et est maintenu par 10 pointes en laiton. Le bloc talon est soigné et fait l’objet de quelques attentions particulières tel que la peinture (une teinture est absorbée par les fibres, une peinture les recouvre) au niveau du bord ou le “gentleman’notch” qui est hérité de l’époque où les pantalons étaient portés plus larges et pouvaient accrocher le talon. Aujourd’hui il ne s’agit que d’un détail esthétique.

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Le bonbout en caoutchouc est maintenant exposé, plutôt que de démonter le talon couche par couche je vais me contenter de retirer ce qu’il reste du bloc. La raison derrière cela est simple, le bloc talon est identifiable comme étant en cuir et il n’y a rien de plus à apprendre en retirant les couches individuellement.

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Le bloc talon a été totalement enlevé et est maintenu en place par 7 clous vissés. Le travail est propre et les matériaux utilisés sont de bonne qualité. La première de montage a bien été cadrée pour permettre une bonne adhésion de la colle, le talon n’a pas été facile à enlever. Il n’y a pas de salpa ni de plastique à enrobage imitation cuir. Pour rappel, il n’y a pas de “logique” qui permette de savoir si un bloc talon est en cuir ou autre matériau. Weston déjà utilisé des blocs talon en salpa, Vass a remplacé ses blocs talons en cuir pour du salpa, Meermin utilise du cuir. Le prix n’est donc pas un indicateur fiable.

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C2

La roulette d'emboitage n'est pas symétrique. Elle va jusqu'à la cambrure d'un côté du soulier et se limite au talon de l'autre. Elle manque également de netteté. Ce défaut n’est pas présent sur ma paire provenant de la Founder’s line donc vous allez avoir des résultats différents en fonction de l’ouvrier qui s’est occupé de votre paire.

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On retourne la chaussure et on enlève la demi première de propreté, j’ai toujours préféré avoir une première de propreté complète mais cela devient de plus en plus rare, même chez les marques haut de gamme. En dessous de la demi première de propreté se trouve un large morceau de mousse de bonne densité, similaire à ce que fait Loake par exemple, et collé avec soin.

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La semelle d’usure a été difficile à enlever. Cette dernière est faite en cuir Italien à tannage extra lent. Une amélioration par rapport au cuir Argentin que la marque utilisait auparavant et qui ne se trouve maintenant plus que sur leur ligne d’entrée de gamme montée en Blake. J’ai exposé la couture petit-point volontairement, comme souvent la gravure aurait gagné à être plus profonde mais ce n’est que du chipotage, surtout si vous faites poser un fer et un patin.

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La partie la plus intéressante du soulier, son montage. Plusieurs choses diffèrent par rapport à ce que l’on a l’habitude de voir dans cette gamme de prix. Notamment la trépointe qui fait tout le tour du soulier à la façon d’une baraquette. Nous allons revenir là-dessus plus tard. Vous pouvez voir au milieu de la chaussure la partie en cuir du cambrion qui émerge de la pâte de liège.

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Le cambrion a été enlevé. Ce dernier est composé en deux parties, l’une en acier assez standard à ce que l’on trouve dans cette gamme de prix. L’autre est en cuir et non en salpa ou en carton comme ce que l’on peut voir chez Carmina par exemple.

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Une explication visuelle entre un montage dit à 360° et un montage dit à 270°.
En haut le modèle de Bridlen avec la trépointe qui fait tout le tour de la chaussure à la façon d’une baraquette. Le mur de montage (gravé) fait également tout le tour du soulier.
En bas vous avez une paire de Meermin dont le montage est fait à 270° La trépointe et le mur de montage (collé) ne font pas le tour du soulier mais s’arrêtent avant le talon, où vous trouvez alors le couche-point.
Ce type de montage à 360° n'est pas à proprement parlé un cousu baraquette puisque la couture petit-point s'arrête en cambrure et ne s'étend pas au talon. C'est un montage qui s'est déjà vu chez d'autres marques, en France Weston a fait quelques modèles de cette manière par exemple.

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Gros plan sur le mur de montage gravé machine. Les murs gravés machines sont devenus une exception dans l’industrie alors qu’ils étaient originellement une norme. Le montage Goodyear tel qu’il a été inventé à l’origine était toujours effectué avec un mur de montage gravé. Les murs collés ne sont apparus que plus tard dans un but de baisse des coûts après une période intermédiaire ou les murs étaient à la fois gravé et entoilé. La densité de la couture trépointe est de 3 à 4 spi, il y a plus fin mais le fil présente une bonne épaisseur et la couture est bien régulière.

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Nous nous attaquons maintenant à exposer les renforts. À l’arrière le contrefort est en salpa et présente une bonne rigidité. Le salpa est supérieur au celastic mais inférieur au cuir, qui a surtout l’avantage d’être réparable. Devant le contrefort se trouve une ailette en cuir qui court jusqu’à l’avant du soulier et qui va mourir au niveau des tête métatarsiennes du pied, soit juste au niveau du bout dur. Sur le principe, il est rare de voir des ailettes de renfort en cuir à ce niveau de prix. Certaines marques utilisent des contreforts dit longs, d’autres utilisent des ailettes en cuir ou en toile de coton mais cela se rencontre dans la très grande majorité des cas chez des marques plus haut de gamme. Pour autant ne vous y méprenez pas, il n’est pas question de faire un parallèle avec des ailettes de renfort comme vous pouvez en trouver chez Edward Green par exemple. La qualité n’est pas la même. En revanche, pour des chaussures à moins de 350€ cela témoigne d’un intérêt à bien faire les choses.

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Enfin le bout dur est en celastic. C’est la norme dans l’industrie, presque tout le monde fait la même chose puisque les bouts durs en cuir sont difficiles à industrialiser efficacement. Le celastic employé n’est pas de la meilleure qualité et mériterait d’être amélioré puisqu'en le torturant un peu il a commencé à marquer. Alors certes, dans des conditions normales d'utilisation vous n'aurez normalement pas de problème, mais un celastic de meilleure qualité résistera mieux aux affres du temps.
La pièce de cuir qui est sur le bout dur n’est là que pour servir de “fond” aux perforations du médaillon présent sur la tige.

Conclusion

Qu'il s'agisse de la Main line ou de la Founders lines il ne fait aucun doute que Bridlen est en mesure de proposer des souliers bien fabriqués à un prix compétitif. La marque suit un paradigme assez différent de beaucoup de marques Européennes qui misent énormément sur l'aspect cosmétique, et délaissent parfois le montage. À l'opposé la plus grande force de Bridlen réside dans la qualité de leur montage. L'utilisation d'un mur gravé est un choix parfaitement judicieux et bienvenu dans cette gamme de prix. Tout n'est certes pas parfait, il y a quelques détails qui peuvent être améliorés comme le celastic du bout dur ou certains détails cosmétiques liés aux finitions (déforme, roulette d'emboitage...) mais le rapport qualité/prix est très bon.

Test & Avis : les souliers Bridlen

Article mis à jour pour tenir compte de modifications que la marque compte apporter à certaines de ses gammes.

Avant-propos

Si vous n'avez jamais entendu parler de Bridlen ce n'est pas surprenant puisque nous sommes les premiers du web francophone à parler d’eux. Peut-être parce que les Lucaca, Valérien et tous les autres sont trop occupés à se palucher sur une énième marque en private label lancée façon Max Suceur. Non qu'il s'agisse de nous auto-congratuler comme beaucoup d'autres ont tendance à le faire dès qu'il s'agit de présenter une nouvelle “maison aux prix placés”, mais il s’agit simplement de souligner que ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de présenter en détail un “nouveau” fabricant.

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Les origines de Bridlen

Bridlen est un fabricant de souliers qui été co-fondé par Mr Hasan, le défunt père de l'actuel dirigeant Mohamed Affan, et Mr Watanabe. Pour ceux qui sont étrangers au monde de la chaussure, Jose Maria Watanabe est également impliqué chez Meermin en tant que directeur commercial, et a été à l'origine de l'implantation de la marque au Japon à ses origines. Il s'agit donc de quelqu'un qui ne manque pas d'expérience et surtout cela explique pourquoi Bridlen est une marque qui existe sur le marché japonais depuis 2011 avec une boutique en ligne doublée d'une activité de private labeling pour les grands distributeurs (pensez Isetan pour ceux qui connaissent) et autres fabricants de costumes japonais. Avant cela l’usine d’Hasan servait essentiellement à la fabrication de tiges pour le marché européen. Pour autant l’usine n’est ni localisée au Japon, ni en Europe, mais en Inde.

Le site internet de la marque. (Source: Bridlen)
Le site internet de la marque. (Source: Bridlen)

L'industrie Indienne du soulier

L’Inde est un pays qui prend une place de plus en plus importante dans l’industrie du soulier. Vous l’ignorez certainement, mais il est possible que vous possédiez des chaussures dont la tige a été cousue en Inde sans que cela soit mentionné nulle part. Je vais vous passer les détails légaux des règles d’importations et mentions de fabrications, mais un bon nombre de marques font piquer leurs tiges en Inde, ou encore utilisent des doublures en cuir de chèvre Indienne, tout en ayant la possibilité d’indiquer fièrement un “made in England” ou “fabriqué en France” sans que cela ne pose le moindre problème. Déjà dans les années 90 un certain nombre de marques Américaines comme Anglaises délocalisaient tout ou partie de leur production en Inde. Cette tendance n'a fait que s’accélérer au fil des années, favorisée par la rapide croissance du pays et bien évidemment par sa compétitivité salariale. Qu'il s'agisse de Loding, Loake, Herring, Grenson, Florsheim, Allen Edmonds…. Tous font fabriquer en Inde, parfois depuis très longtemps et avec un degré d’exigence variable. Car c’est là que le bât blesse, la production Indienne a souvent été très justement critiquée pour son manque de qualité.

On peut débattre pendant longtemps de la qualité des chaussures fabriquées en sous-traitance pour les marques Anglaises, Françaises, Italiennes, Américaines… Le fait est qu’elle ne m’a jamais impressionnée puisqu’elle a toujours été faite dans une optique de baisse des coûts et d’augmentation des marges. Le paradigme avec Bridlen est différent puisque leur objectif est de se faire connaître en tant que fabricant et ils sont avec quelques autres usines parmi les précurseurs de l’industrie du soulier Indien à vouloir se lancer avec leur propre marque. Si vous suivez un peu l’actualité internationale de la chaussure vous connaissez déjà Toramally, une autre marque indienne qui s’est spécialisée dans le cousu trépointe ou vous n’aurez pas manqué de remarquer que Luxire en plus de faire des chemises et pantalons se sont également lancés dans la chaussure (en faisant appel à une usine tierce pour la production). Signes que l’industrie indienne de la chaussure commence à entrer en effervescence et à se faire connaître à l’international autrement que pour sa sous-traitance.

Présentation de Bridlen et de leur offre

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de commencer à parler vraiment de ce qui nous intéresse, à savoir les souliers, nous allons rapidement présenter ce que Bridlen propose à la vente afin de mieux situer la marque sur le marché actuel. Bridlen dispose principalement de 3 gammes, la Founders line, la Main line (toutes les deux cousues Goodyear) et enfin l’Essential collection en cousu Blake et originellement réservée uniquement au marché Indien, cette gamme sera bientôt disponible au reste du monde. Il existe quelques collections intermédiaires mais qui concernent surtout des chaussures plus décontractées du type blutcher ou loafers non doublées. Nous allons donc seulement nous intéresser à la Main line et à la Founders line. Toutes les chaussures sont fabriquées à la commande, il s’agit donc d’un système de made to order (MTO). Notez également que toutes les chaussures sont livrées avec un chausse-pied en bois, des lacets supplémentaires, et deux pochons de rangement.

La Main line, compose comme son nom l’indique la colonne vertébrale de la marque avec une gamme construite autour de 30 modèles, (richelieu, derby, wholecut, mocassin…) montés sur 6 formes différentes. Tous les modèles sont en cousu Goodyear sous gravure, le mur de montage est gravé machine, les contreforts en salpa, le bloc talon en cuir et vous avez le choix entre une semelle cuir Argentin ou une semelle caoutchouc. Le cuir Argentin des semelles et de la première de montage sera très bientôt remplacé par un cuir Italien à tannage extra lent. Les prix vont de 208€ à 265€ TVA et frais de ports inclus. Une paire de la Main line sera démontée par nos soins dans un prochain article. Nous présenterons la chaussure plus en détail à ce moment-là.

La paire provenant de la Main line qui va faire l'objet du démontage. (Source: Sartorialisme)
La paire provenant de la Main line qui va faire l'objet du démontage. (Source: Sartorialisme)

La Founders line comme son nom le laisse supposer a été conçue en hommage au fondateur de la marque, il s’agit de la collection avec le cahier des charges le plus exigeant, et la marque entend continuer de le faire évoluer dans ce sens. Pour l’instant vous avez un cousu Goodyear sous gravure, un mur de montage gravé machine, un bloc talon en cuir, une semelle Rendenbach et une sélection de cuirs spécifiques à cette gamme. À l’heure actuelle la Founders line s’articule autour de 3 modèles, une austerity, une adélaïde et une wholecut et un prix de 282€ TVA et frais de ports inclus. Vous avez la possibilité de faire poser un fer encastré de type Lulu ou Triumph sur simple demande.

Maintenant que vous en savez un peu plus sur Bridlen et sur ce qu’ils font nous allons nous pencher sur l’austerity brogue qui nous a été envoyée. Bridlen a eu la gentillesse de nous envoyer des photos de la paire pendant sa fabrication. Les autres photos ont été effectuées par mes soins.

L'austerity brogue de notre test, il s'agit d'un modèle de la Founders line. (Source: Sartorialisme)
L'austerity brogue de notre test, il s'agit d'un modèle de la Founders line. (Source: Sartorialisme)

Le style

Nous n’allons pas aborder plus que cela les questions de style. Les blogs adorent en faire des tonnes là dessus car ils n’ont rien d’autre à dire, personnellement ça m’ennuie au plus haut point. Surtout que dans le cadre d’une production industrielle qui doit plaire au plus grand nombre, vous n’allez pas avoir une cambrure extrêmement pincée, vous n’allez pas avoir des proportions exagérées, ou un patron ultra révolutionnaire. Vous êtes donc en présence d’une paire de Richelieu noire sur un patron de type austerity brogue avec un bout carré assez marqué. Il n’y a pas besoin de partir dans un élan de lyrisme con pour expliquer cela. Le modèle est à mon sens bien proportionné et plutôt racé pour de la chaussure industrielle, il évite l’écueil d’être lourd ou pataud. La finesse du piquage est très appréciable, mais nous allons revenir là dessus plus tard.

Les proportions sont bonnes. La lisse a été fraisée, la roulette PP gagnerait à être plus marquée mais à ce prix c'est du chipotage. Les plis sur la claque sont des plis d'aisance. (Source: Sartorialisme)
Les proportions sont bonnes. La lisse a été fraisée, la roulette PP gagnerait à être plus marquée mais à ce prix c'est du chipotage. Les plis sur la claque sont des plis d'aisance. (Source: Sartorialisme)

La forme

Tous les modèles de la Founders line sont basés sur la forme “Deus”. Il s’agit de la forme la plus récente lancée par la marque, elle se distingue par son bout carré. Elle est décrite comme étant généreuse et adaptée pour les pieds large, néanmoins je vous invite à prendre cette information avec des pincettes. Elle n’est pas nécessairement fausse, mais c’est simplement une information relative. Si vous avez lu notre article “Comment choisir un soulier : chaussant, forme et taille.” vous savez que les marques basent leurs standards sur les caractéristiques morphologiques dominantes du marché qu’elles souhaitent investir. Dans le cas de Bridlen il s’est agi pendant de nombreuses années du Japon et au cas où vous l’ignoriez les Japonais n’ont pas les mêmes pieds que les Européens. Ce qui est large pour eux a tendance à être plus standard en Europe.

En dehors d'une légère compression au niveau du cou de pied la forme me convient bien (Source: Sartorialisme)
En dehors d'une légère compression au niveau du cou de pied la forme me convient bien (Source: Sartorialisme)

J’ai le pied fin et j’ai toujours été très à l’aise dans les formes considérées comme étroites du marché Européen. En se basant sur mes préférences et sur leur expérience Bridlen m’a conseillé de partir sur une taille 6 uk. Avec le recul une taille 6,5 uk aurait été légèrement plus adaptée, notamment au niveau du cou de pied où je suis un peu comprimé. Pour l’anecdote, sachez que les Japonais ont en règle générale un cou de pied peu prononcé, ce qui explique probablement en partie cela. Après deux semaines le soulier à commencer à se faire à mon pied et est beaucoup plus confortable. Néanmoins les garants restent toujours un peu plus ouverts que ce que j’ai tendance à préférer sur un richelieu. À titre de comparaison la marque m’a recommandé de prendre un 6,5uk pour leur modèle provenant de la Main line et basé sur leur forme “Zip“ et j’ai été immédiatement à l’aise dedans. Sachez enfin que si vous passer commande d’une paire de chaussures et que la taille ne vous convient pas, Bridlen procédera à un échange sans surcoût, ce qui devrait palier à l’absence de magasin physique sur le territoire Européen.

Les garants sont légèrement ouverts à cause de mon cou de pied un peu trop prononcé pour cette taille 6 uk. (Source: Sartorialisme)
Les garants sont légèrement ouverts à cause de mon cou de pied un peu trop prononcé pour cette taille 6 uk. (Source: Sartorialisme)

Le cuir

Si vous avez lu notre article “Qu’est-ce qu’un soulier de qualité” vous savez à quel point c’est un sujet exaspérant à aborder à cause de l’excès de communication fait sur le sujet par toutes les marques qui mentent purement et simplement, galvaudent leur produit ou font du name dropping de tanneries sans avoir de quoi elles parlent. Pour la Founders line Bridlen sourcent pour l’instant leurs cuirs chez Annonay, du Puys et Weinheimer. Des tanneries qui sont donc connues, sans que Bridlen affirme pour autant “avoir le meilleur cuir du monde” car la qualité dépend du grade de la peau choisie et pas du nom de la tannerie. Quand cela est possible Bridlen essayent de sourcer uniquement des cuirs de catégorie A et B, mais quand cela n’est pas possible la marque reconnaît ouvertement bien souvent devoir sourcer des lots de catégorie A/B/C avec une répartition de l’ordre des 30 %/40 %/30 %. Encore une fois cela n’est pas du tout un problème, et cela ne devrait pas vous étonner, c’est la façon dont l’industrie du cuir fonctionne. Toutes les marques qui sont dans le segment de l’entrée et du milieu de gamme font exactement la même chose, à commencer par celles qui sont en private label. Celles qui disent le contraire mentent. N’espérez donc pas des paires immaculées, ce n’est pas la promesse qui est faite ici et de toute façon cela n’existe virtuellement pas en dehors du très haut de gamme.

La tige de ma paire avant le montage. Le cuir est propre et n'a pas encore reçu la moindre couche de finition. (Source: Bridlen)
La tige de ma paire avant le montage. Le cuir est propre et n'a pas encore reçu la moindre couche de finition. (Source: Bridlen)

J’ai volontairement choisi un cuir provenant de Weinheimer Leder pour ma paire car dans cette gamme de prix Weinheimer est légèrement supérieur à du Puy et surtout à Annonay. C’est du moins mon expérience pour avoir pas mal travaillé avec des lots provenant de ces tanneries. Cela ne veut pas dire que les paires fabriquées dans le cuir provenant d’Annonay sont toutes percluses de défauts, où que celles faites avec du cuir Weinheimer sont immaculées, juste que vous avez théoriquement une légère chance d’avoir un cuir un peu plus propre. C'est également un cuir que je trouve personnellement très confortable, assez souple et légèrement plus “gras” au toucher que ceux d'Annonay par exemple.

Le clicking

Bridlen travaille uniquement en MTO et par conséquent la marque fabrique des paires de chaussures et non des lots pied droit / pied gauche. Pour ceux qui l’ignorent les usines de prêt à porter dans l’entrée ou le milieu de gamme font fabriquer des pieds droits et des pieds gauches en séries pour ensuite les assembler en paires, ce qui engendre parfois des différences non négligeables dans l’aspect du cuir d’un pied à l’autre. Un bel exemple de cela est visible dans notre article “Meermin : des chaussures de qualité à moins de 200€ ?”.
À l’inverse la façon dont Bridlen procède permet d’assurer une certaine homogénéité dans l’aspect des chaussures. Cela ne veut pas dire que votre paire va provenir d’une seule et même peau, mais les ouvriers chargés de lever les peaux vont essayer de s’assurer que le grain et la couleur sont constants et ne présentent pas de différences majeures. Les coupeurs évitent systématiquement le cou et le ventre de la peau, et quand c’est possible ils vont utiliser les peaux de catégorie A pour les parties les plus visibles de la chaussure, les peaux de catégories B pour les parties moins visibles alors que les peaux de catégories C sont en générale réservées à la doublure, la languette et la baguette. Sur ma paire le clicking a été fait de façon intelligente, il y a bien quelques veines qui sont visibles mais elles sont placées à des endroits peu gênants. De même par endroit le cuir frisote légèrement mais c’est une fois de plus à des endroits qui ne sont pas très visibles.

Le cuir de cette paire est propre et comporte très peu de défauts. Les coupeurs ont bien fait leur travail, on voit par exemple une zone qui frisote au niveau du contrefort, un endroit peu visible. (Source: Sartorialisme)
Le cuir de cette paire est propre et comporte très peu de défauts. Les coupeurs ont bien fait leur travail, on voit par exemple une zone qui frisote au niveau du contrefort, un endroit peu visible. (Source: Sartorialisme)

Le piquage de la tige

Le piquage de la tige est très propre. La marque fait des coutures très serrées avec une densité qui varie entre 18 et 20 stitches per inch (SPI). Pour donner une idée Carlos Santos, Sendra et Carmina ont en général une densité qui varie entre 11 et 14 SPI ce qui est déjà plutôt dans la moyenne correcte et on parle de chaussures qui ne sont pas dans la même gamme de prix. Le fait que l’usine ait commencé par surtout faire du piquage de tige pour le marché Européen se voit. Le point d'arrêt qui vient renforcer la solidité des garants est cousu main, c’est un détail qui n’est pas en soi déterminant mais certains font passer ça pour un raffinement alors autant le mentionner.

Le travail de piquage est vraiment très propre pour une chaussure à moins de 300€ (Source: Sartorialisme)
Le travail de piquage est vraiment très propre pour une chaussure à moins de 300€ (Source: Sartorialisme)

Le montage

Bridlen s’est spécialisé dans le Goodyear “à l’ancienne” avec un mur de montage gravé machine et une couture à 360°. La différence avec un montage Goodyear à 270° se trouve au niveau du talon. Il n’y a pas de couche point, le mur de montage fait intégralement le tour de la première de montage. Trouver un mur de montage gravé sur une paire de chaussures à moins de 300€ est rare. C’est même une exception tant les murs collés sont devenus légions. En France Weston offre des murs gravés, l’usine de Malinge en produit également. Il y a d’autres marques à travers le monde qui en proposent mais Bridlen n’ont pas une concurrence très rude dans ce domaine, surtout à ce prix.
La première de montage est en cuir (encore une fois certains utilisent du salpa quand il ne s’agit pas de pire…) et dispose d’une belle épaisseur, cela est nécessaire puisque le mur est directement gravé dedans. Il n’est pas question de faire le parallèle avec un mur gravé à la main comme le blog des toujours polis peut le faire, ce n’est pas la même chose.

Le mur gravé machine sur la première de montage. Une technique qui a largement ma préférence par rapport aux murs collés. (Source: Bridlen).
Le mur gravé machine sur la première de montage. Une technique qui a largement ma préférence par rapport aux murs collés. (Source: Bridlen).
La première de montage avant qu'elle ne soit recouverte par de la pâte de liège. L’épaisseur de la couche de liège sera moindre que sur une paire avec un mur collé. Le mur gravé machine ayant une hauteur moins importante, il n'est pas nécessaire d'employer autant de liège. (Source:Bridlen)
La première de montage avant qu'elle ne soit recouverte par de la pâte de liège. L’épaisseur de la couche de liège sera moindre que sur une paire avec un mur collé. Le mur gravé machine ayant une hauteur moins importante, il n'est pas nécessaire d'employer autant de liège. (Source:Bridlen)

La couture petit point a une densité qui oscille entre 8 et 9 SPI, ce qui comparable à ce que font là encore Carlos Santos, Carmina, Sendra et beaucoup d’autres. La couture est plutôt régulière et ne se balade pas sur toute la largeur de la trépointe mais gardez à l’esprit que cela dépend bien souvent de la dextérité de l’ouvrier qui utilise la machine. Le montage est effectué sous gravure, à mon sens la gravure manque un peu de profondeur, c’est quelque chose que l’on rencontre assez souvent, chez beaucoup de marques et ce n’est pas vraiment problématique. Surtout si vous faites poser un patin.

La semelle en cuir Rendenbach. La gravure manque un peu de profondeur mais c'est un détail. Le talon est du type cuir coin caoutchouc et est très bien monté. (Source: Sartorialisme)
La semelle en cuir Rendenbach. La gravure manque un peu de profondeur mais c'est un détail. Le talon est du type cuir coin caoutchouc et est très bien monté. (Source: Sartorialisme)

Les renforts

En ce qui concerne les contreforts ils sont en salpa, généralement les marques dans cette gamme de prix utilisent du celastic. Le salpa est en tout point supérieur au celastic et va avoir pour avantage de se former un minimum au talon du porteur.
Le bout dur est en célastic, ce qui est la norme en prêt-à-porter. La marque a pour projet de passer au cuir pour les contreforts et le bout dur sur la Founders line mais elle ne sait pas encore quand cela sera possible. Le cambrion est en acier et est protégé par une couche de cuir. Généralement les marques utilisent du salpa mais ce n'est pas le cas ici ce qui est un très bon point. Et enfin, la marque utilise des ailettes de renfort en cuir, ce qui est excessivement rare. Normalement les renforts de tige sont bien souvent en tissu, le cuir ne se rencontre que très rarement et cela même sur des chaussures de haut de gamme.

Les ailettes de renfort en cuir, il s'agit d'un modèle différent du mien mais tous en sont pourvus. (Source: Bridlen)
Les ailettes de renfort en cuir, il s'agit d'un modèle différent du mien mais tous en sont pourvus. (Source: Bridlen)

Conclusion

Bridlen proposent avec ses Main et Founders line des chaussures extrêmement compétitives, cela ne fait aucun doute. Le montage est très propre et l’utilisation d’un mur gravé est un excellent choix. Leur objectif avec la Founders line est de continuer à apporter des améliorations, que cela soit dans le choix des matériaux comme dans les méthodes de fabrication avec l’introduction de plusieurs étapes effectuées à la main, si la promesse est tenue c’est une démarche très intéressante et prometteuse. Bridlen ne cache pas avoir encore beaucoup à apprendre et se montre extrêmement humble de ce point de vue, ce qui est toujours une bonne chose. Dans nos échanges avec eux les représentants de la marque ont constamment mentionner être conscient de ce qu’ils peuvent améliorer et demandaient activement notre opinion sur les chaussures. Ils étaient d’ailleurs très réceptifs à l’idée de faire un démontage. Cela change beaucoup de l’arrogance des private labels qui sortent tout juste d’école de commerce et qui prétendent être les meilleurs du monde. Ici ce n’est pas le cas, la marque reconnaît volontiers qu’elle peut progresser sur certains points, mais elle doit composer avec les défauts de ses qualités. En effet l’Inde est encore en plein développement et il est parfois difficile de trouver les bonnes machines ou le personnel compétent pour les utiliser. Globalement le produit est déjà très bon, si la marque parvient à accomplir ses objectifs et à fournir un produit de qualité constante, il y a fort à parier qu’il faudra compter sur eux dans les années à venir.

Le site de la marque : https://bridlen.com/
Leur instagram : @bridlenshoes